
La sixième édition du QCDM BBQ Fest avait toujours lieu cette année en plein cœur du centre-ville de Trois-Rivières. Pour l’occasion, le site de l’événement s’étendait sur deux salles conjointes dans la même bâtisse. Les parties s’alternaient entre deux bars disposés sur deux étages pour cet événement monstre, qui a réuni 23 groupes et une foule de supporteurs de musique extrême. Les prestations se sont déroulées sur deux jours, entre 15:30 et 00:00. La scène secondaire, celle du Steak Liquide, est située au fond d’un petit bar qui donne au niveau de la rue. Le cadre y était plus en mode showcase, ce pourquoi la place était facilement paquetée. La scène principale se trouve à l’étage, dans l’assez vaste salle de spectacle du bar l’Entité. Un barbecue installé sur la terrasse-balcon permet aux participants de l’événement de se restaurer avec d’excellents hot-dogs et (cheese)burger faits avec amour, ou de prendre un peu d’air au besoin.
Vendredi 18 juillet 2025
Acetone
(Saguenay, Québec) 15:30 – 16:00 @ Scène Steak Liquide
Death metal de la vieille école, surtout dans sa lourdeur et dans l’orientation mélodies dont l’inspiration est sans doute puisée dans un bon répertoire d’œuvres classiques du genre. Les deux guitares se complètent souvent dans un arrangement d’harmonisation. Celle du chanteur est bien présente pour soutenir les passages dédiés au soliste Vladimir Jobin. L’emphase placé sur la créativité dans les parties instrumentales fait en sorte que leur style de composition se rapproche du Thrash technique. Le groupe a présenté en primeur sa nouvelle pièce intitulée Molten Remains, qui paraîtra sur le prochain LP à venir.
Catastrophic Hemorrhage
(Brantford, Ontario) 16:00-16:30 @Scène L’Entité
Deathcore punitif qui entretient la manie des longues fessées. Le côté slam est omniprésent dans leurs chansons, tant qu’on en subit les relents même pendant les blast beats. Leur style est agréable en ce qu’il recourt à un degré de complexité sans artifices, juste assez suffisant pour les exigences du genre. Les cinq musiciens ont présenté des pièces fraîchement préparées pour leur plus récent EP paru un mois auparavant. L’une d’elles devait probablement se terminer en fade out puisque le chanteur nous informe que le riff « goes on for a long time ». Il a suivi en introduisant son morceau préféré du EP, Rotten Specimen, un peu plus rapide que les autres, et dans lequel il fait montre de ses plus remarquables prouesses gutturales.
Spitpool
(Québec, Québec) 16:30-17:00 @Scène Steak Liquide
Slam Death très assumé et qui ne ménage pas les claques. Le groupe est composé de six membres, dont deux vocalistes, tous rassemblés en cette occasion pour offrir leur toute première prestation publique, enfilant en version intégrale leurs quelques EP. Bien que criblé de quelques blast beats, les tempos sont très mid en général, et ponctués d’immenses coups assénés sur une caisse claire qui pète des gueules. L’ambiance était bonne, et on aurait même dit des fois que la musique se cassait tellement ils en donnaient. Le style est très épuré et comprend une touche d’originalité qui se remarque surtout dans la façon dont les riffs s’imbriquent. Pour livrer le breakdown introduit par un « tabarnak » bien placé sur la pièce Québectomy, John Mayer, vocaliste de NecroticGoreBeast, a été invité à prendre place au micro.
Human Compost
(Toronto, Ontario) 17:00-17:30 @Scène L’Entité
Deathgrind brutal et progressif dévoué au culte de l’horreur et du gore. Le groupe s’est présenté en format réduit en raison d’un problème de poignet souffert par le bassiste, absent pour cette raison. La qualité générale du son n’en a pas trop perdu puisque quand même bien remplie par les deux guitares. Cependant, l’effet de pesanteur en a certainement écopé lors des passages plus lents, mais ceux-ci sont rares. Les pièces prennent leur forme plutôt dans l’alternance d’une variété de pulsions oscillant entre les blasts et les skank beats. Le chanteur fait parvenir du fond de ses tripes les sons puissants par lesquels il domine l’ensemble, et quelques solos saturés d’effet de réverbération couvrent leurs interludes lugubres. Le numéro s’est terminé avec la pièce Decomposed (Degradation of a Virgin Corpse) qui figure sur le premier EP du groupe, paru en 2018.
Recorruptor
(Lansing, Michigan) 17:30-18:00 @Scène Steak Liquide
Death mélodique — L’événement a dû être interrompu à ce moment en raison de l’absence du groupe Recorruptor, qui apparemment se serait séparé en plein milieu de leur présente tournée. La musique du groupe, qui se décrit comme touchant des éléments de black métal mélodique et de deathcore, est toujours disponible sur les plateformes numériques.
Purgatoire
(Est du Québec) 18:00-18:30 @Scène L’Entité
Death métal old school à la sauce du Québec, Purgatoire s’est imposé sur la scène principale du festival avec une constance marquée par la lourdeur. Le vocaliste du quatuor s’est montré très impliqué à faire lever le party au sein de son public : « Eille réveillez-vous tabarnak ! ». Les rythmes variés sont contenus dans une approche traditionnelle du genre. On ne tarit pas les clins d’œil aux différents styles avoisinant comme le Thrash metal, le groove metal, et même le mince/grindcore par moments. Le groupe a principalement puisé dans le répertoire de son premier album Passé décomposé paru en 2016, mais nous a également offert le morceau intitulé Ordre funèbre, à paraître sur le prochain album en préparation. Cette pièce, très rapide, est la preuve que leur démarche artistique n’entend pas inciter au repos.
Root Cellar
(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:30-19:00 @Scène Steak Liquide
La formation Root Cellar a été appelée à remplacer le groupe Primal Horde qui a malheureusement dû annuler sa prestation à la dernière minute. Les membres de Root Cellar, tous présents sur le site pour profiter des spectacles du jour 1, avaient évidemment leur propre plage horaire, prévue pour le lendemain. Ils ont été le seul groupe à expérimenter les deux scènes. Cela a eu pour avantage de permettre à l’auditoire d’apprécier les différences de chacune d’elles. Je vais m’attarder plus à leur musique lors de la rubrique dédiée à leur performance sur la scène principale. Je tiens toutefois à mentionner ici qu’un bon effet de surprise a pu être conservé pour la deuxième journée, puisque lors de cette première prestation, la place de la batterie dans le mix était un peu exagérée par rapport à celle des autres instruments. Malgré ce déséquilibre, leur apparition sur la petite scène est restée un de mes coups de cœur de la fin de semaine.
Servile Conceptions
(Los Angeles, Californie) 19:00 – 19:30 @Scène L’Entité
Blackened death metal (death métal infusé de métal noir) constitué de trois membres dont le guitariste est responsable de la section vocale. Le groupe a commencé en puissance avec ses morceaux les plus rapides et techniques, entre lesquels le public les a vivement acclamés. Les blast beats en continue s’emboîtaient parfaitement avec les affaires compliquées de la guitare et de la basse. C’était véritablement impressionnant à voir et à entendre. Ensuite ils ont démontré un côté plus progressif et savant, avec de longues progressions d’accords dissonants et des solos un peu fromagés. Leur discographie, bien que limitée à un mini album paru en 2013 qui suivait leur démo, suffit amplement à monter un numéro satisfaisant.
Exotoxic
(Shawinigan, Québec) 19:30-20:00 @Scène Steak Liquide
Parmi les pionniers du grindcore québécois, Exotoxic joue un death metal garroché à la façon punk. Je les décrirais comme un groupe qui aime croire et veut convaincre que le chaos est une bonne chose. À cet effet, l’argument est sans faille. L’approbation est manifeste puisque tous hochent de la tête au gré des rythmes cathartiques. Leur son tempéré, livré avec une certaine économie de fréquences qui rend l’ensemble très cohésif; c’est comme si le groupe était un seul et même instrument. La basse crue du chanteur ressortait agréablement du lot par moments, lorsque sa voix caverneuse ne récitait pas ses chants de révolte. Ils nous ont joué dans son intégralité leur premier démo Face the Facts, nouvellement renippé pour le format digital, qui se trouve désormais disponible en téléchargement libre sur la plateforme Bandcamp.
Nervous Impulse
(Montréal, Québec) 20:00-20:30 @Scène L’Entité
Grindcore moderne, fortement influencé par le Brutal death metal. Le groupe s’est présenté pour la première fois en quatuor, avec leur nouveau chanteur Spencer Blass qui faisait son tout premier show avec eux. Il a très bien géré, surtout en considérant la large palette de cris qui était auparavant couverte par deux personnes. Le vocal s’ajoute au même niveau que les autres instruments, dans un bloc perpétué d’agression sonique. Le guitariste alterne entre le son sourd et clair, en utilisant parfois les accords plus sophistiqués qu’on entend par exemple dans le disso-death, genre qui émerge tranquillement depuis son institution par les fameux Gorguts. Le groupe procède par coupures abruptes et emploie les accelerandos, dont l’un des plus intenses s’étirait sur presque 30 secondes. L’aisance du batteur est remarquable, lui qui devient gaucher pour effectuer ses gravity blasts, et détend momentanément la chaîne de sa caisse claire lorsqu’il doit signaler une transition par une frappe solo. Je l’ai même vu se pencher pour prendre une nouvelle baguette sans même que le rythme effréné n’en soit le moindrement affecté. Pour son originalité et son implacabilité, Nervous Impulse s’élève en tant qu’ incontournable du métal extrême.
Cenotaph
(Ankara, Turkey) 20:50-21:35 @Scène L’Entité
Brutal Tech death — Technical Brutal death — difficile de trancher. Le niveau d’habileté démontré par les musiciens est si élevé qu’il me paraît réducteur de les considérer principalement comme un groupe de Brutal death, mais ils sont si brutaux que le côté technique paraît plutôt accessoire, simplement inhérent aux compétences inouïs des musiciens. Cenotaph ne fait pas que reproduire la même esthétique de violence depuis plus de 30 ans, ils incarnent le principe même d’évolution. Ils semblent s’interdire la répétition. Une maîtrise inaliénable de la forme musicale leur permet de s’en servir comme objet de défoulement, cible de torture. Les attentes que nous susciterait un groupe de Brutal Death plus traditionnel sont forcés dans des contorsions peu confortables, et les harmoniques pincées en sont comme les plaintes éparses, les gicleurs. Autant était-il souvent impossible de saisir un instant entre deux coups de caisse claire que parfois il semblait ne pas y en avoir pendant plusieurs mesures. Ce fut le cas par exemple lorsqu’ils nous ont joué une pièce de l’album Putrescent Infectious Rabidity (2010). L’agitation de la foule m’a emporté, et si bien que j’y ai malencontreusement perdu mon carton d’accès pour le festival. Heureusement, à la fin du numéro, le chanteur Batu m’a sauvé la vie et m’a aidé à la retrouver.
Morpheus Descends
(Middletown, New York) 21:55-22:40 @Scène L’Entité
Death doom métal à thématique d’horreur psychologique. Bien que le groupe existe depuis 1990, sa discographie est plutôt frugale : un seul album paru en 1992 et moins d’une demi-douzaine d’enregistrements mineurs. Pourtant, c’était l’un des numéros les plus complets, et l’un des répertoires les plus variés de la fin de semaine. Le groupe sait comment bien exploiter le spectre du Death métal, et il se permet d’étirer quelques fois ses notes les plus exquises, d’où le côté plus Doom à l’occasion. Au fond, ils ressemblent beaucoup à un groupe comme Incantation, mais avec beaucoup de références à d’autres styles comme le Thrash métal et parfois le Brutal Death dans le style iconique de Butchered At Birth. La limite au côté extrême du groupe se rencontre aux bouts qui ralentissent : plutôt que de faire du Slam, ils s’en vont carrément dans le Doom. Le bassiste était très occupé de son manche, qu’il tenait presque debout vis-à-vis de sa tête, et semblait captivé par les contes horrifiques que déballait le chanteur.
Malignancy
(Yonkers, New York) 23:00-00:00 @Scène L’Entité
Death metal (ultra-)technique avec un côté grindcore qui ressort par son attitude punk et hardcore. Le groupe ne sombre pas dans la brutalité, mais plutôt dans une folie disjonctée qu’il transmet à travers des pièces décousues dont le rythme est si souvent interrompu que personne n’arrive jamais vraiment à bien suivre ce qui se passe (à moins d’avoir écouté les albums à plusieurs reprises!). Heureusement que les musiciens sont arrivés plus que préparés, car le tout aurait facilement pu faire fiasco. Ceux-ci en ont visiblement profité pour s’éclater de plaisir, comme le suggérait le non-verbal du guitariste Ron Kachnic (Pyrexia, ex-Mortician), qui sautillait sans cesse, tournait sur lui-même et se promenait partout sur la scène. Le niveau d’attention porté aux détails dont fait preuve cette troupe de virtuoses défie les lois de l’intelligence humaine, et informe au passage de la limite que les sens peuvent nous imposer à la conscience. La deuxième pièce jouée, Neglected Rejection, qui se retrouve sur l’excellent album Inhuman Grotesqueries (2007), est un parfait exemple de ce qui nous a défilé dans les oreilles pendant une heure. Les brèves petites pauses entre les morceaux étaient toujours accompagnées par le visage souriant du chanteur Danny Nelson. Celui-ci alignait l’une après l’autre les blagues hilarantes. Par exemple, pour nous inciter à acheter un album, il annonce qu’il s’agissait du dernier spectacle « ever » du groupe. Ensuite, à la fin d’une pièce, il déclare que puisque nous semblions avoir aimé celle-ci, il allait nous la rejouer immédiatement. Les musiciens ont alors fait mine de la recommencer pendant une seconde. Puis, une autre fois, il nous informe que : « If this sounds discontinuous, this is purely on purpose ! ». Le bassiste ne pouvait pas lâcher son manche des yeux, et le très jeune prodige de la batterie Nikhil Talwalkar (Anal Stabwound) qui accompagnait le groupe pour cette tournée, se tenait la bouche fermée en mordant ses lèvres de l’intérieur. Après tout ce qui s’est passé pendant cette incroyable journée, rien de mieux qu’un groupe qui met la barre aussi haute de Malignancy pour mettre un terme aux activités, et tout le monde se dit : « À demain ! ».
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Samedi 19 juillet 2025
Sentiment Dissolve
(London, Ontario) 16:00-16:30 @ Scène L’Entité
Tech Death Progressif avec un petit côté metalcore mélodique bien plaisant. Le groupe est de formation récente, ayant seulement 6 chansons sur leur bandcamp. Elles sont cependant de bonne durée compte tenu du côté progressif très prononcé de leur musique. Le groupe a profité de sa tribune pour tester quelques nouvelles compositions dont Sementelligence, qui fut de loin ma préférée de leur numéro. Le groupe a beaucoup de potentiel, chacun des musiciens prend sa place d’une façon qui lui est propre et qui favorise l’exhibition de ses talents. Leur attitude légère et parfois comique servait parfaitement à la situation, qui devait nous amener tranquillement à un état d’éveil auditif, et nous préparer à une autre grosse journée de ce qui se fait de plus fort comme métal. Du reste, n’allez pas croire que Sentiment Dissolve est une band soft, car leur niveau de tapage et de criage n’avait rien à envier aux autres groupes. Le prochain album promet d’être épique.
Oath of Anguish
(Montréal, Québec) 16:30-17:00 @ Scène Steak Liquide
Brutal death metal très old school, avec le côté hardcore qui a mené au Slam. Le groupe opère une cadence constante et modérée qui rappelle celle d’un tuyau d’échappement de moto, du genre de celles avec les poignées du guidon élevées très haut par-dessus le casque du chauffeur. Le chanteur a une façon particulière d’étirer sa mâchoire pour donner à sa voix une expression monstrueuse, comme celle que je m’imagine qu’aurait le boulanger démoniaque qui figure sur l’affiche officielle du QCDM BBQ VI. Le guitariste employait un son de wah-wah pendant ses solos, ce qui ajoutait un côté hard rock qui faisait bien avec le style posé du groupe. Le groupe a annoncé qu’un nouvel album était à venir, et a présenté une pièce qui figurera sur celui-ci. Rien pour décevoir les fans, car le groupe est en pleine connaissance de ce qui le caractérise, et semble travailler à perfectionner son style en expérimentant avec prudence.
Angel Morgue
(Manchester, New Hampshire) 17:00-17:30 @ Scène L’Entité
Death Metal blasphématoire, incorporant la fougue anti-religieuse de la première vague Black Metal et l’oppression méditative du Funeral Doom. Le groupe commence dans la une salle où les spectateurs commençaient à remonter peu à peu du premier étage. Récemment reformé après une séparation de quelques années, le groupe a présenté son matériel en trio, tandis que deux membres (un chanteur et un guitariste) n’étaient pas en mesure de faire le chemin jusqu’au Canada. C’est sans le moindre inconvénient que le seul guitariste présent, Leonard Trombly, s’est chargé de remplir le rôle de chacun. En plus de jouer des morceaux parus sur leur démo (2017) et sur leur sublime opus In the Morgue of Angels (2020), ce trio de fortune a également propulsé quelques pièces qui feront partie du prochain album en préparation. La musique du groupe installe l’ambiance solennelle d’un deuil qui, porté à culmination par une satisfaction malsaine, inspire une espèce de sentiment d’expansion spirituelle assez indéniable. Le groupe expérimentait une nouvelle formule dans la structure de son numéro, lequel était construit de façon à ce que soit placé en position centrale, comme sur un podium, le solo de guitare de la pièce The Sigil and The Key. Le résultat en fut des plus saisissant, et le solo joué avec le recueillement cathartique d’une profonde tristesse.
Badass Commander
(Québec, Québec) 17:30-18:00 @ Scène Steak Liquide
Death métal old school à thématique militaire, inspiré de près dans son esthétique et sa musique par le pilier du métal extrême britannique Bolt Thrower. Le groupe présentait un nouveau set constitué exclusivement de chansons qui se retrouveront sur l’album Intense Combat Experiment, à paraître au courant de l’automne. On peut déjà entendre un extrait via le single Shards of Metal, un court morceau qui laisse comme un arrière-goût de débris d’artillerie en bouche. Il s’agira d’un deuxième opus pour le groupe, dont le seul matériel actuellement disponible est compacté sur le solide mini-album Bad Intentions. À noter que le groupe a changé de stratégie depuis sa formation, en confiant désormais les principales missions vocales à Steve Jonk (ex-Mesrine, The Mighty Megalodon). Ils recrutent ainsi dans leurs rangs un collaborateur de longue date, ce qui contribue certainement à accentuer la chimie nucléaire déjà existante entre les membres de ce projet de métal martial.
Root Cellar
(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:00-18:30 @ Scène L’Entité
Goregrind technique, le groupe incarne le décorum horrifiant d’un antre de collectionneur homicidaire. Chaque musicien revêt un masque brunâtre et une chemise carottée en lambeaux. Quelques têtes de poupées sont piquées parmi eux sur des pieux, comme les membres fantômes d’un orchestre macabre. Les boutons de la pédale multi-effets d’un des guitaristes sont remplacés par des poignées d’armoires, ce qui donne l’impression qu’on se trouve dans l’intimité broche à foin d’une famille de timbrée qui fait n’importe quoi de ce qu’il a. La musique, quant à elle, frôle le niveau d’achèvement d’une scène qui passe au montage. Le batteur possède une manière authentique de démolir le rythme en se servant de ses toms et en brisant le rythme avec une approche polymétrique. Le groupe a performé une reprise d’un groupe « que vous connaissez fortement bien », un classique de Deicide, en plus de plusieurs morceaux tirés de leurs deux EPs actuellement disponibles. Quelques-unes de celles-ci sont introduites par des extraits de films, qu’il n’en tient qu’à vous reconnaître, ou de retrouver en parcourant les slashers les plus obscurs.
Mortal Rites
(Gatineau, Québec) 18:30-19:00 @ Scène Steak Liquide
Death thrash aux accents progressifs. Le groupe est composé de quatre membres, dont deux guitares. Le chanteur tient entre ses mains une guitare B.C. Rich; comme tous ses camarades. La sienne est moulée sur le modèle de Chuck Schuldiner : comme son style de vocal, brumeux et soutenu. Celui-ci décide que le meilleur moment pour clancher ses solos, c’est sur les blast beats. Les riffs passent parfois par un côté plus Doom, traînant dans une démarche visqueuse, puis déclenche un effondrement de fréquences. Les références aux bons vieux bands old school pleuvent pendant les interludes, et on apprend que le nom du groupe est une radicalisation du titre du demo de Morbid Angel. L’emphase de la prestation est mise sur le dernier EP du groupe, Death in Heaven, Life in Hell, paru en décembre 2024. Si bien qu’on nous conseille de « n’allez pas écouter notre démo ». Pour leur premier show à Trois-Rivières, les gars ont réussi à créer un lien avec le public. Actifs depuis peu, on s’attend à les revoir.
Decerebration
(Québec, Québec) 19:00-19:30 @ Scène L’Entité
Brutal Death métal old school qui fait autorité dans la scène locale. Le groupe possède un côté mélodique marqué par une sincérité troublante, et la force que dégage sa retenue crée un effet d’attraction invitant. Le rythme est parfois syncopé, et les guitares jouent les mélodies en harmonie. Les cinq musiciens perpétuent une entreprise fondée depuis plus de 30 ans, avec quatre albums et deux démos. Les riffs sont délicieusement menaçants, et nous rappellent qu’on est tous dans le même bateau. Le groupe entretient un côté très rassembleur, et le chanteur, malgré son aspect intimidant lorsqu’il performe, s’investit avec le public entre les chansons. Le groupe a présenté des pièces de son dernier album, Follow the Scars, paru en 2021.
Cystic Embalmment
(Montréal, Québec) 19:30-20:00 @ Scène Steak Liquide
Goregrind à la lettre livré dans une enveloppe punk racornie. En mode trio pour l’occasion, Cystic Embalmment fût le dernier groupe à occuper la petite scène du bar en bas. Quelque chose comme un « boost » dans les fréquences moyennes de la guitare permettait de l’entendre mieux qu’il n’avait encore été le cas en ce lieu. Cela a été très bénéfique au côté rock ‘n’ roll dans le tapis du groupe, qui ressortait ainsi bien plus facilement du jeu précis du guitariste. Le rythme accrocheur était souvent poussé à des vitesses excessives, lorsqu’il n’était pas disséqué en bris répétés. Le bassiste utilisait deux micros dont l’un passait dans un effet de transposition vers les sons plus graves, ce qui donnait l’impression d’entendre un démon hanter le cauchemar d’un patient de l’hôpital psychiatrique. Quelques notes brèves apportaient souvent des sonorités Death métal à leurs riffs rebelles et fuyants. Le batteur joue impeccablement une grande panoplie de blast beats et ses punchs étaient droit comme l’édifice du grindcore traditionnel. La foule nombreuse, massée dans l’espace étroit qui entourait les musiciens, applaudissait chaleureusement à toutes les occasions que la moindre pause leur offrait.
Zero State
(Blainville, Québec) 20:00-20:30 @ Scène L’Entité
Death metal qui tire d’importantes influences du thrash metal, surtout dans ses parties instrumentales dont l’écriture attribue une place centrale aux solos de guitare. Le groupe est composé de cinq musiciens, nombre qui a augmenté récemment depuis l’addition d’un deuxième guitariste. Celui-ci comble un rôle hyper-important qui l’apporte à soutenir la lourdeur écrasante qui croule sous la pluie des notes aiguës du soliste. Il ajoute une couche de fracas, et soulève les poussières du chaos qui peuple le néant. Le groupe aborde des thèmes liés aux comportements des psychopathes dans un monologue introspectif. Certains couplets ont l’urgence d’une panique apocalyptique. Le tout dernier mouvement de la pièce Lethal Gateway constitua un moment spécial, glorieux et unanime.
Obsolete Mankind
(Montréal, Québec) 20:50-21:35 @ Scène L’Entité
Death métal brutal et impitoyable. La puissance dévastatrice de ce groupe se déploie comme l’éboulement de tout un continent. Obsolete Mankind fait dans le gros bûchage. Son côté plus groovy, qui contribue une touche de Slam, est très bien représenté par la pièce Manufactured Enthusiasm, qu’ils ont joué avec une rage hors scrupule. Pour leur première apparition en cinq ans, le groupe est arrivé plus que préparé. Le public bougeait activement, et rendait l’énergie électrisante qui circulait dans la salle. Ils ont joué une nouvelle chanson qui laisse présager la sortie d’un futur album. La pièce en question est initiée par un blast beat interminable qui se boucle sur une petite surprise. On a fait l’éloge de la bière nommée selon le premier album du groupe, Dystopian Heuristics, laquelle est brassée par la Brasserie Nouvelle-France. Celle-ci s’était donné le mandat de servir des rafraîchissements spécialement brassés pour le festival.
Pyrexia
(New York, New York) 21:55-22:40 @ Scène L’Entité
Brutal Death metal fondé dans la scène hardcore new-yorkaise. Le groupe faisait rebondir tout le monde sur le plancher. Les musiciens étaient en perpétuelle interaction avec les spectateurs, comme pour les inviter à montrer leur plus solide charpente. L’ambiance inclusive a décuplé lorsque le groupe a invité tout le monde à grimper sur la scène, qui s’est alors presque remplie. Actif depuis plus d’une trentaine d’années, le groupe possède un répertoire très étendu. Une pièce du numéro était tirée de leur tout premier album Sermon of Mockery, ainsi que d’autres de leur classique System of the Animal, récemment ré-enregistré intégralement par ses nouveaux membres pour en constituer une version réactualisée. Le résultat est très réussi. Ils ont également joué la pièce Wrath, lancée avec un vidéoclip dans lequel le groupe est représenté par des dessins animés. Ce simple est un échantillon promotionnel annonçant la sortie d’un nouvel album, Unholy, prévue pour le mois prochain. Le groupe vient tout juste d’être annoncé comme faisant partie de la prochaine tournée de Krisiun, qui sera de passage à Québec et à Montréal fin novembre. Soyez-y !!
Incantation
(Johnstown, Pennsylvania) 23:00-00:00 @Scène L’Entité
Death doom métal qui devrait pouvoir se passer de présentations. Le groupe mené par le chanteur et guitariste John McEntee était de passage à Trois-Rivières dans le cadre d’une tournée spécialement consacrée à leur tout premier long-jeu Onward to Golgotha (1992). McEntee a profité de l’occasion pour souligner le décès d’un des collaborateurs à la conception de cet album, le bassiste Ronny Deo (1974-2022). Les deux tiers de leur performance étaient donc entièrement constitués de pièces tirées de cet album. Dès la première note, on reconnaissait la signature sonore du groupe. Les subs étaient pleinement exploités, et on en ressentait la vibration dans la poitrine. Le groupe entonnait sa symphonie de fausses notes comme une oraison funèbre prédicatrice. Le style d’Incantation est un mélange unique de rock baveux et de solennité malveillante. McEntee a profité du fait que l’attention du public convergeait vers la scène pour donner lieu à quelques excentricités, comme celle d’exiger que tout le monde lève la main pour lui montrer des cornes. Un des participants du festival, qui portait une prothèse de tête à forme conique, est monté sur la scène pour donner une bière au chanteur. Comme rien, il a laissé une prothèse identique à la sienne au pied de McEntee, qui s’en est vite aperçu : « This might be the stupidest thing in the world, but sometimes you gotta do what you gotta do ! ». Après avoir posé quelques secondes avec le truc sur la tête, John s’est ressaisi : « I’m not playing with that thing ! ». Leur numéro a beau avoir été le plus long de la fin de semaine, on en demandait encore plus. Les célébrations se sont terminées avec un sourire sur tous les visages.
La sixième édition du QCDM BBQ fut plus qu’un succès; elle réaffirme que ce rendez-vous est un incontournable pour les amateurs de musique extrême. Certains membres de l’audience étaient partis de l’Ontario, d’autres du New Hampshire pour assister à ce festival unique. On y découvre des groupes d’ici, les nouveaux comme les vieux de la veille, des groupes venus de l’étranger, et certains bijoux sortis des confins obscurs de la scène underground. Un gros merci à toute l’équipe d’organisation, aux bands, et à tout le monde qui est venu en profiter, les encourager et les supporter groupes.
-Journaliste: Luc Belmont
Photographe: Pierre-Luc Forest