by Stéphan Levesque | Juil 12, 2014 | Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

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Riseback
« Riseback«
Noisehead Records
2013
Pour nous, Occidentaux, c’est toujours intéressant de constater qu’il se fait du rock, du metal, ailleurs qu’en Amérique et en Europe. Pourtant, il s’en fait partout mais ces groupes arrivent rarement à nos oreilles pour différentes raisons (choix radiophoniques, distributions, plateformes de recherches adaptées à notre zone géographique, etc.). C’est avec une certaine curiosité qu’entre dans mon lecteur le premier album de Riseback, un groupe… turc.
Il serait facile d’avoir des idées préconçues et de croire qu’on nous offrira des sonorités à saveur moyen-orientale (même si, après tout, la Turquie est au carrefour de l’Europe et de l’Asie…). Ceux qui aborderont le premier pas de ce jeune groupe dans cet état d’esprit seront rapidement rappelés à l’ordre dès les premières notes de « Game Powered« , pièce musclée dans une veine typiquement rock à laquelle nous sommes habitués. D’entrée de jeu, on peut percevoir l’habileté de Riseback à offrir des mélodies bien ficelées. Nous faisons rapidement connaissance avec la chanteuse Riella Eskenazi, dont la voix est taillée sur mesure pour la musique du groupe; une voix franche et expressive, livrée avec vigueur.
Ce que Riseback nous offre, en fait, c’est un métal alternatif basé essentiellement sur une interprétation énergique. Cette énergie dégagée par les musiciens constitue d’ailleurs la plus grande force de ce disque. Les bons solos ne manquent pas et les amateurs de guitare seront ici ravis. Si il n’est pas un «guitar hero», Ali Safa Uzun est extrêmement efficace sur son instrument. La section rythmique suit dans cette voie et même si les pièces ne sont pas toujours très élaborées, le niveau de jeu des musiciens se situe bien au-delà de plusieurs groupes de rock plus connus. Les mélodies sont aussi relevées par l’ajout de claviers qui, s’ils se font plutôt discrets, se feraient cruellement désirer s’ils étaient absents. Si ces derniers ne sont jamais au centre des mélodies, ils contribuent à relever la densité sonore de l’ensemble.
On notera également un intéressant travail d’écriture. Malgré le fait que seulement deux des neufs chansons dépassent la barre des quatre minutes, on saura reconnaître que Riseback a su insuffler à ses compositions une dose suffisante de variations pour éviter de tomber dans la monotonie, bien que personnellement j’aurais souhaité me frotter à des pièces plus longues. Il reste toutefois que le développement de longues pièces ne se marierait pas très bien au style du groupe, qui mise surtout sur l’instantanéité qu’aura l’auditeur à capter les mélodies.
Parmi les pièces qui attireront davantage notre attention, nous pouvons mentionner « The Criminal« , avec son introduction lourde et un intéressant solo central; « Fake Numb Face« , quant à elle, est une pièce rapide et pesante qui synthétise bien les forces du groupe; « Make You Real » s’avère sans aucun doute la chanson la plus attrayante à la première écoute, avec sa mélodie accrocheuse contenant tous les attributs d’un hit, tandis que « Try to Say« , ballade placée judicieusement en milieu d’album, offre un beau contraste et nous permet de respirer un peu avant d’attaquer la portion finale du disque.
Si Riseback ne réinvente pas la roue, force est d’admettre que ce premier essai se révèle être des plus intéressants et saura trouver une niche chez les mélomanes qui privilégient l’énergie au profit de la construction ambitieuse. Bref, à défaut d’être aventureux, ce premier album nous permet de faire connaissance avec un groupe possédant de bons outils et qui semble déjà en mesure de bien exploiter ses forces. Reste maintenant à voir si le quatuor saura pousser plus loin, en osant davantage sortir des sentiers battus (par exemple, quelques compositions plus longues seraient la bienvenue). Finalement, disons-le, ce sont des débuts prometteurs.
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Eidon
« Crystalight«
Autoproduction
2012
C’est de Tours, en France, que nous arrive Eidon, groupe formé en 2009. Après un peu moins de trois ans de préparation, le groupe a adopté la voie de l’autoproduction afin de nous offrir son premier album, nommé « Crystalight« . Paré d’une pochette absolument superbe, qui cadre parfaitement bien avec l’esprit du métal symphonique, il ne reste plus qu’à vérifier si le contenu est aussi enthousiasmant que le contenant…
La jolie introduction ambiante à saveur classique nous annonce rapidement que c’est du métal symphonique pur jus que l’on nous servira. En effet, tous les attributs du style s’y retrouvent, à commencer par une domination des claviers. Si la palette sonore choisie par la claviériste Cécile Vollet ne se démarque pas particulièrement par son originalité, il faut bien constater que l’exécution est irréprochable. Ni plus ni moins, l’ombre de Nightwish plane sur le son Eidon, bien qu’au final, le mixage donne davantage de place aux guitares que chez les Finlandais. La batterie se retrouve également placée devant, parfois un peu trop.
Sur le plan des compositions, les Français nous offrent des mélodies bien troussées dans un format court somme toute assez standard, les plaçant sur cet aspect dans l’orbite d’un groupe comme Visions of Atlantis, misant davantage sur la richesse sonore que sur l’émotion pour nous distraire. Résultat: nous pouvons être épatés par la dextérité des musiciens, mais l’on peut sur le même souffle dénoncer le fait que bien peu de frissons vont nous parcourir pendant l’écoute. En effet, « Crystalight » est un bien joli exercice de style mais si l’on considère la qualité des musiciens en place, on se permet d’espérer quelques envolées lyriques plus développées.
Si l’on peut regretter un brin cette émotion manquante, il y a au moins une exception à la règle avec la très jolie « Night’s Outline » qui, malgré son titre anglais, nous est interprétée en français, fait très rare dans cette branche de métal. D’ailleurs, pourquoi ne pas récidiver en ce sens sur les albums suivants? Cette pièce est une ballade, mais il ne fait nul doute que la langue de Molière trouverait bien sa place sur des compositions plus énergiques. Au fond, pourquoi pas?
Au-delà de la solide prestation des musiciens, la chanteuse Gabrielle Morché s’est révélée une belle trouvaille à mes oreilles. La dame offre un chant très juste et surtout très nuancé, comme elle le démontre avec brio sur « Skyline« , certainement le morceau plus intéressant de l’album, avec sa belle richesse instrumentale et une ligne vocale très théâtrale, aspect que l’on souhaite voir exploité davantage dans le futur. On peut dire la même chose au sujet de « Panic« , titre où le chant est très coloré et se marie bien à une interprétation musicale énergique dominée par le piano qui vit ici de belles heures.
Dans la même lignée, « Cender » est truffée de très bons moments instrumentaux et nous démontre que lorsqu’Eidon se donne la peine de développer davantage sa musique, il peut donner la pleine mesure de son potentiel. C’est toutefois le guitariste Thibaut Lemoine qui est la véritable vedette de l’ensemble. Si les claviers flottent constamment au-dessus des compositions et créent une belle ambiance, les meilleures séquences de jeu viennent toutefois de l’homme à la six-cordes, qui multiplie les démonstrations de bravoure grâce à un jeu très vivant et une multitude de solos épatants.
Au final, Eidon ne manque pas d’atouts: les musiciens sont performants, la chanteuse possède une voix des plus agréable, le son est riche. Ce qui manque pour faire passer « Crystalight » de «bon album» à «excellent album», c’est la maturité et cette qualité ne vient qu’avec le temps. Dès l’instant où Eidon saura mieux développer ses compositions et colorer davantage son propos, le groupe franchira cette étape et pourra laisser sa trace. Le potentiel et le talent sont là, on ne peut qu’attendre la suite des choses avec grand intérêt.
by Stéphan Levesque | Juin 29, 2014 | Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

On m’a déjà mentionné que je devrais porter davantage d’attention aux groupes d’ici. L’observation est très juste car oui, il y a de bons groupes ici au Québec. Karkaos me vient à l’esprit, leur excellent dernier album, « Empire« , faisant déjà l’objet d’une critique de l’ami Dave ici sur Ondes Chocs. Toutefois, si l’on porte attention au contenu du site, je crois que la scène locale est loin d’être délaissée et c’est pourquoi mon apport, différent, s’oriente davantage vers les groupes internationaux qui viennent piquer ma curiosité. Mais bien sûr si on m’offre la chance de parler d’un groupe de chez-nous, je ne refuserai pas! Je vous entretiendrai donc du troisième album de Liva, un groupe d’ici qui mérite qu’on s’y attarde. Dans mon esprit de mélomane voyageur, je vous présente d’abord Rainover, un groupe espagnol. En souhaitant que cette lecture vous soit plaisante! – Steph
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Rainover
« Transcending the Blue and Drifting into Rebirth«
Wormholedeath/Aural Music
2014
La musique metal, c’est intense. Tellement que, souvent, les groupes tentent d’en faire un petit plus pour nous en mettre plein les oreilles. Parfois c’est réussi, parfois moins. Il arrive donc que se crée dans l’oreille de l’auditeur une impression de trop-plein, ce qui nous amène à trouver parfois refuge auprès d’oeuvres moins ambitieuses constituant un baume pour les parois auditives. Bref, si vous cherchez à vous calmer un brin, Rainover taille sa musique sur mesure pour vous.
Trouvant ses origines en 2003 sous le nom de Remembrances, le groupe s’est peu à peu transformé et a évolué lentement mais sûrement, pour trouver son nom actuel et faire paraître un premier album, « Crystal Tears« , en 2008. C’est en 2011, doté d’une nouvelle chanteuse, Andrea Casanova, que le groupe espagnol a débuté l’enregistrement de son deuxième album, « Transcending the Blue and Drifting into Rebirth« , qui a enfin vu le jour au début de la présente année.
Tel que mentionné ci-haut, Rainover ne joue pas dans la ligue des groupes épiques. Le groupe nous offre principalement un métal teinté d’accents gothiques. C’est ce que nous suggère « Rebirth » d’entrée de jeu, avec de bons riffs, un piano et des claviers discrets qui laissent planer une ambiance mélancolique. Ce serait toutefois erroné de classer Rainover dans une case spécifique, eux qui jonglent habilement avec les ambiances et les genres sur les onze titres qui composent l’album.
« Despair » et « Cycles » nous confirment toutefois le penchant gothique du groupe alors qu’encore une fois cette ambiance triste plane au-dessus des compositions, joliment ensoleillée par la jolie voix mélodieuse d’Andrea Casanova. Cette dernière se voit offrir la réplique, pour balancer le tout, par Antonio Perea et par Luca Starita du groupe Neuromantik (invité sur « Cycles« ). L’instrumentation mise sur l’effet d’ensemble, donc pas de grandes envolées héroïques ici, le tout étant exécuté avec une belle cohésion.
Si « Rain Over my Tears » enfile dans le même registre, on découvre par la suite l’autre facette du groupe alors que « H2SO4« , « An Ocean Between Us » et « Dust and Dawn » nous amènent sur un terrain plus typiquement rock, avec des rythmes plus entraînants et des mélodies simples qui nous font taper du pied. Ajoutons au passage que sur ces pièces, les claviers arborent des sonorités «eighties» qui créent un effet de décalage intéressant entre métal moderne et rock plus formaté. Ces pièces, toutes en simplicité, se font faciles à l’oreille sans pour autant être dépourvues de charme, surtout que la voix de la chanteuse fait merveille ici, tout en étant complétée par une production claire, qui rehausse tout particulièrement la batterie, nous aidant à adopter les rythmes entraînants.
« Oh, my Cross!! » se fait quant à elle plus lourde, s’amorçant sur un couplet bien tranquille pour finalement grimper en tension grâce à la belle passe d’armes entre les vocalistes sur le refrain, les claviers ramenant le tout vers le côté plus léger. « Hopeless« , de son côté, est une jolie pièce mid-tempo où Rainover retrouve ses accents gothiques, la mélancolie étant de retour via le piano et le beau mélange des voix. Le côté accrocheur de Rainover refait surface sur « In Free Fall » et « Remembrances » (clin d’oeil aux origines du groupe?) dotées de refrains accrocheurs afin de nous laisser sur une note positive.
Au final, on se retrouve face à un album mi-gothique, mi-rock, où les deux tendances alternent et viennent souvent se chatouiller à l’intérieur même des chansons. Je martèlerai une dernière fois mon credo comme quoi nous n’avons pas affaire à une œuvre d’une grande complexité, mais force est d’avouer que l’ensemble est des plus sympathiques. Voici donc un CD qui peut rallier grand nombre d’amateurs de musique, y compris les mélomanes réticents au métal qui retrouveront ici une accessibilité qui leur conviendra sûrement.
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Liva
« Human Abstract«
Stoke Records
2013
Liva, de Sherbrooke, ne sont pas de nouveaux venus sur la scène métal. En effet, la fondation du groupe remonte déjà à plus de 15 ans, les premiers pas du quatuor datant de 1997. « Human Abstract » étant seulement le troisième album du groupe, on peut relever que la vitesse n’est pas leur qualité principale! Mais au fond, pourquoi se hâter de sortir des œuvres bâclées, comme on en voit si souvent sur le marché, alors que l’on peut prendre le temps de bien travailler sur son matériel? Liva appartient sans l’ombre d’un doute à cette deuxième catégorie.
De par mon parcours de mélomane (je n’ai pas de formation musicale et je ne suis pas un spécialiste, je tiens à le spécifier), l’introduction d’éléments rappelant la musique classique m’a toujours intéressé, rendant bien sûr Liva attrayant à mes yeux. Chose certaine, la formation musicale poussée des musiciens transpire dans les dix compositions qui forment « Human Abstract« . Aucune note n’est placée là au hasard et c’est avec beaucoup d’habileté que le groupe réussit à offrir un son qui peut être musclé par moment, sans tomber dans la surenchère, tout en y intégrant des structures et sonorités qui réfèrent à la «grande musique», encore là sans abus, l’équilibre des éléments étant la clé chez Liva.
Le premier instrument classique à que l’on croise sur notre chemin est l’alto (un peu plus gros que le violon et produisant un son plus grave) qui s’intègre très bien ici et là aux chansons. Très appropriée également l’utilisation de xylophone sur « Desert Places« , qui n’est qu’un des aspects de la richesse rythmique et sonore déployée par le batteur Martin Plante, capable de jouer autant en finesse qu’en puissance, s’adaptant aux demandes des compositions. Même la guitare classique s’intègre au discours, on pense ici à « The Last Word » ou à la superbe « Interlude pour Italo« .
Autre élément classique, mais non le moindre, que l’on remarquera: la voix. Catherine Elvira Chartier brille de tous ses feux, offrant un chant très souple et surtout très varié (mention spéciale à « The Indian Serenade« ). Encore ici, pas de surenchère; même si la dame peut pousser la note très haut, elle ne le fait pas inutilement et adapte parfaitement son interprétation au service des ambiances riches dégagées par la musique. En fait, on ne peut que remarquer la formation classique de la chanteuse.
Même si la voix s’avère un élément fort, l’instrumentale « Evocation » vient nous rappeler avec un brio hors du commun que le vocal n’est qu’une facette de l’art du groupe. Cette pièce nous livre d’abord un duel effréné entre la guitare et l’alto, renforcé par une section rythmique ici à la fête. Preuve de la variété du propos, l’ambiance change en milieu de chemin pour devenir soudainement mystérieuse avec son mélange de sons atmosphériques, ce qui n’aurait pas déparé n’importe quelle trame sonore de suspense, alors qu’en conclusion on pourra observer la montée en crescendo de la tension amenée par l’alto et le retour progressif des percussions qui nous transporte vers une finale explosive.
Vous avez donc sûrement déjà compris, tout est en finesse sur cet album et c’est ce qui en fait une grande réussite. Les compositions sont bien fignolées et il est surtout intéressant de constater que tous les instrumentistes ont l’occasion de tirer leur épingle du jeu. La pièce-titre en est l’exemple parfait, alors que se côtoient à merveille chant guttural, chant classique, alto, lourde rythmique (autant la basse que la batterie), guitare déchirante. Ce morceau représente bien le duel qui existe constamment chez Liva entre douceur et lourdeur.
Souvent, dans l’appréciation globale d’une œuvre musicale, c’est l’équilibre qui fait la différence et nous la retrouvons d’un bout à l’autre ici. Bien sûr, la qualité des musiciens y est pour quelque chose; ces gens-là savent jouer et donnent au métal symphonique leurs lettres de noblesse en misant sur une écriture solide et surtout en évitant de tomber dans le piège de ne vouloir que miser sur leur virtuosité.
Ce qui me peine en bout de ligne, c’est de constater que Liva demeure relativement inconnu. Je n’ai aucun mal à présumer que si le groupe s’exécutait en Europe, où le marché est plus favorable à ce style musical, il réussirait à se former une plus grande base de fans. Qu’importe, Liva nous apporte la preuve que le Québec n’est pas un figurant sur la scène métal. Dommage car un pareil talent mérite d’être davantage remarqué….
by Stéphan Levesque | Juin 14, 2014 | Chroniques, Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

Au début du mois de mai, deux poids lourds, Epica et Xandria, faisaient paraître leur nouvel album respectif, le même jour. C’est pourquoi cette première chronique de juin sera consacrée à ces deux nouvelles parutions. Toutefois, cette édition des « Elles » du métal a ceci de particulier: je ne l’ai pas écrite au complet! En effet, la musique d’Epica me laisse, pour une raison inexplicable, plutôt froid (c’est inversement proportionnel à l’effet que me fait la chanteuse Simone Simons, dont la seule vue me rend totalement dingue) et c’est pourquoi l’idée m’est venue de confier cette critique à une personne connaissant mieux ce groupe et qui est donc davantage en mesure de partager son appréciation. Mon amie Graciela, dont les goûts musicaux rejoignent beaucoup les miens, a sans hésiter accepté mon offre. Je la remercie chaleureusement, elle qui par surcroît a pris le pari de nous livrer ses impressions dans un français de grande qualité, alors que ce n’est pas pas sa langue maternelle. Je vous laisse donc apprécier cette première chronique commune; je dis «première» car, sait-on jamais, l’expérience sera peut-être renouvelée dans le futur. Bonne lecture! – Steph
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Epica
« The Quantum Enigma«
Nuclear Blast
2014
Brutal, puissant et sublime. Ce sont les mots qui me viennent à l’esprit en écoutant « The Quantum Enigma« . Du point de vue de la physique, ce concept suggère que l’observation ou la perception par l’observateur influence ce qu’on observe. On pourrait dire la même chose du sixième album du groupe néerlandais Epica. Chaque chanson, chaque mélodie semble changer et s’adapter à l’état d’âme du moment.
Le concept derrière l’album est une réflexion sur le monde d’aujourd’hui, les mystères de la vie et la condition humaine. Visuellement, on peut voir cet univers de questions représenté par les images sous-marines dans l’illustration principale de l’album dont la spiritualité est symbolisée par Bouddha. Les thèmes des chansons parlent du spectre de la mort lors d’une maladie, de la croissance des personnes à travers les erreurs qu’on expérimente tous à un moment donné, et de la perte de soi.
Pour commencer, « Originem » m’a surprise puisqu’ellle inclut un échantillon de la chanson « Leaving Too Soon » de l’album « Silverthorn » de Kamelot, disponible seulement dans l’édition japonaise. Écrit par B. K. Atsionis et avec le texte de Mark Jansen, cette chanson envoûte l’auditeur dès les premiers accords.
Le power métal est beaucoup plus présent dans ces compositions, sans perdre les éléments symphoniques: les arrangements orchestraux, les voix lyriques et les ensembles vocaux, accompagnés des claviers évoquent de la majesté et créent une atmosphère captivante, où l’œil sur la montagne perçoit la planète.
La virtuosité des musiciens est toujours mise en évidence. J’aime particulièrement le duel entre Isaac Delahaye à la guitare et Coen Janssen aux claviers, dans la chanson « Reverence (Living in the Heart)« . L’une de mes chansons favorites est la ballade « Canvas of Life« , écrite par Simone Simons. Sa belle voix et les harmonies de la guitare d’Isaac créent une chanson qui est aussi réconfortante que mélancolique, qui parle des souvenirs d’une personne qu’on ne pourrait jamais oublier.
L’album compte également sur la participation spéciale de Marcela Bovio, chanteuse de Stream of Passion qui a prêté sa voix à certaines mélodies. Ceci est aussi le premier enregistrement avec Rob van der Loo, le nouveau bassiste du groupe, qui remplace Yves Huts depuis 2012. Dans l’ensemble, cette production musicale est un travail d’équipe, dirigé cette fois-ci non pas par Sascha Paeth, qui a quand même participé au préenregistrement, mais par le producteur Joost van den Broek. Fort d’une méthode de travail rafraîchissante, chacun des membres a apporté ses idées et sa personnalité, nous donnant des mélodies à la fois dynamiques, profondes et accrocheuses.
Cet album propose des sons somptueux, des notes délicates, de vifs chants gutturaux et des voix imposantes. En deux mots, tout ce qui va de pair avec les textes intrigants qui nous font plonger dans un monde où «toutes les ombres et illusions que l’on a tendance à croire, ne sont que des créations de notre propre esprit trompeur».
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Xandria
« Sacrificium«
Napalm Record
2014
En 2012, le groupe allemand Xandria a frappé un très grand coup avec « Neverworld’s End« . Premièrement, la formation avait décidé de miser à fond sur un format symphonique très dynamique, faisant de cet album une formidable réussite dans ce registre. Finalement, nous avions eu la chance de faire connaissance avec une nouvelle chanteuse, Manuela Kraller, qui grâce à une voix très puissante était devenue une star instantanée dans la grande famille du métal à chanteuse.
Pour « Sacrificium« , c’est un double défi qui attendait Xandria. Tout d’abord, les Allemands avaient la pression de publier un successeur digne à un album encensé de partout et considéré à juste titre comme le meilleur de leur discographie. Ensuite, dur coup, Manuela Kraller a décidé de quitter le navire pour se consacrer à d’autres projets (outre sa performance sur la chanson « Memories Fall » de Dark Sarah, on attend toujours la réapparition de la divine voix). Ainsi nous arrive Dianne van Giersbergen, Néerlandaise que certains ont pu entendre avec le groupe Ex Libris. C’est donc avec beaucoup de curiosité et un peu d’inquiétude que je glisse le CD dans le lecteur.
Et qu’elle se dissipe rapidement cette inquiétude! En effet, d’entrée de jeu, on nous attaque avec la pièce-titre, morceau de plus de dix minutes qui réunit tous les éléments que doit comporter un morceau épique: chorale, rythme effréné, narration, superbe solo de guitare, tous les ingrédients sont réunis et habilement mélangés pour nous enchanter immédiatement. De plus, la nouvelle venue nous démontre toute l’étendue et la puissance de sa voix, venant faire tomber tous les doutes qui pouvaient persister. C’est un très grand coup que frappe Xandria dès le départ, nous plaçant dans les meilleures dispositions.
De plus, cette pièce ne sert pas d’écran de fumée. Effectivement les chansons suivantes, si elles sont de durée plus courte, demeurent dans le même registre. « Nightfall« , à grand renfort de chorale – la chorale néerlandaise PA’dam, que l’on avait pu entendre sur le «live» « Black Symphony » de Within Temptation, tient le fort – et de lourde batterie, vient nous enchanter tandis que sur « Stardust« , les guitares mènent la barque jusqu’à ce que l’on attrape la chair de poule en conclusion lorsque Dianne van Giersbergen hausse la note de manière impressionnante de la même façon que sa prédécesseure le faisait sur la conclusion de « Blood on my Hands » sur l’album précédent. Définitivement, Xandria a mis dans le mille et on ne peut que souhaiter que la rotation à ce poste soit terminée (Dianne est la quatrième chanteuse du groupe, en six albums…).
Tout au long de ce « Sacrificium« , nous pouvons établir des comparaisons avec « Neverworld’s End« , les deux albums étant vraiment sculptés dans le même roc. Les guitaristes Marco Heubaum et Philip Restemeier se taillent la part du lion en martelant solos et riffs mordants à multiples endroits, le tout bien soutenu par le batteur Gerit Lamm, très solide, et par le nouveau-venu à la basse Steven Wussow, qui complète bien le jeu. Cette formation rock bien musclée est habilement augmentée par Joost van den Broek, claviériste et arrangeur qui a travaillé avec les Ayreon, Stream of Passion, Star One, Epica (voir critique ci-dessus) et surtout, After Forever. N’étant pas un membre officiel du groupe, van den Broek se fait toutefois bien présent grâce à ses talents, lui qui relève l’ensemble en amenant sons orchestraux et arrangements symphoniques, achevant de donner à ce nouvel album un son plus grand que nature.
Xandria se montre aussi plutôt habile dans les pièces moins rythmées; « The Undiscovered Land » se développe en un intelligent crescendo et gagne en intensité sur toute sa durée, tandis que « Our Neverworld » et « Sweet Atonement » s’avèrent être de très belles ballades où la voix de la chanteuse, dans ces moments calmes, peuvent curieusement rappeler celle de Simone Simons d’Epica. Les autres pièces sont du Xandria pur jus, c’est-à-dire des pièces rythmées et denses où les moments forts ne manquent pas.
Si ce nouvel album ne traduit pas d’avancée majeure par rapport à son devancier, on peut se réjouir que Xandria ait pu consolider ses acquis en offrant de nouveau un produit de très haute qualité. Une de mes amies soulignait que « Sacrificium » était un « Neverworld’s End » amélioré. Sans être d’accord à 100% avec cette affirmation, il est très approprié de comparer les deux œuvres, aussi solides l’une que l’autre. Autre point marquant, le groupe aura encore une fois su faire le bon choix au niveau vocal. Bref, Xandria se maintient dans le peloton de tête des groupes de métal symphonique.
Pour les fans québécois qui veulent les entendre, j’en profite en terminant pour vous mentionner que Xandria sera au Québec en septembre, le 8 au Club Soda de Montréal et le 9 à l’Impérial de Québec, en première partie d’un line-up plus qu’attrayant qui sera complété par Delain et Sonata Arctica. Deux spectacles à ne pas manquer, à un prix amical, mettant en vedette trois groupes de haut calibre.
by Stéphan Levesque | Mai 31, 2014 | Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

Il y a quelques semaines, je vous confiais que le nouvel album de Delain, « The Human Contradiction« , était à mes yeux un sérieux candidat pour être mon album de l’année. La compétition sera toutefois féroce alors que nous arrive la nouvelle offrande de Diabulus in Musica. Afin de respecter la thématique de cette chronique qui vise aussi à vous présenter des albums moins récents, on revient en 2011 et on se jase du groupe mexicain Dramatvm. Bonne lecture! – Steph
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Diabulus in Musica
« Argia«
Napalm Records
2014
Originaire du pays basque espagnol, Diabulus in Musica nous présente son troisième album, « Argia« , mot signifiant «lumière» en langue basque. Première constatation avant même d’introduire le CD dans le lecteur, le groupe a été passablement remodelé. En effet, on note l’arrivée de nouveaux musiciens à la basse, à la guitare et à la batterie, ces nouveaux éléments venant se greffer aux deux seuls membres originaux restants: le claviériste Gorka Elso et la chanteuse Zuberoa Aznarez.
Malgré ce changement, on constate assez rapidement que cette révolution de palais n’aura pas vraiment entraîné de changements majeurs dans la musique de Diabulus in Musica, compte tenu que les deux musiciens restants sont en fait le noyau du groupe. On retrouve donc un menu similaire à ce que le groupe nous offrait sur « Secrets » (2010) et « The Wanderer » (2012), c’est à dire un power metal symphonique qui se déploie dans les mêmes territoires qu’Epica avec son aspect musclé et l’incorporation de chant masculin guttural ici et là. Toutefois, les Basques le font à leur manière et avec brio, avec le résultat qu’on se retrouve malgré la comparaison devant une œuvre personnelle qui met bien en valeur ce que le groupe sait faire de mieux.
Ce savoir-faire passe principalement par Zuberoa Aznarez qui nous dévoile ici toute l’étendue de ses talents. En plus de posséder une voix très mélodieuse qu’elle peut pousser dans les hauteurs lorsqu’elle le désire, la dame signe ou cosigne la musique de presque toutes les pièces; généralement, les chanteuses de ce type de groupe s’affairent surtout à l’écriture des paroles. Pour compléter le tout, notons qu’elle n’hésite pas à nous démontrer sa capacité à manier la flûte et la harpe, ajoutant ainsi une autre dimension aux compositions.
Sur toute la durée de l’album, nos oreilles sont appelées à apprécier des morceaux musclés bien enrobés par des interludes plus calmes qui viennent abaisser la tension et contribuent à créer une belle variété. Après la douce introduction qu’est « Et Resurrexit« , « From the Embers » nous bouscule avec son rythme soutenu bien agrémenté par les choeurs à voix multiples – composante très bien utilisée sur plusieurs pièces – et par le grunt du claviériste, lui qui se révèle être très compétent dans ce registre, surtout que ses interventions sont bien dosées et ne viennent pas retirer le projecteur de l’endroit où il doit être, c’est à dire sur l’excellente chanteuse.
Ensuite, « Inner Force » nous montre le côté symphonique de Diabulus in Musica, cette pièce nous entrant immédiatement dans la tête avec sa mélodie entraînante et ses claviers très luxuriants. « Furia de Libertad« , augmentée de la participation vocale d’Ailyn Gimenez de Sirenia, s’inscrit grosso modo dans la même lignée, mais avec des arrangements plus lourds. C’est ensuite l’aspect celtisant qui se manifeste avec l’entrée de la flûte et de la guitare acoustique en introduction sur « Maitagarri » (qui signifie «conte de fées»), pièce très riche.
Afin de calmer le jeu, la harpe fait merveille sur l’interlude « Sed Diabolus« , mais cette accalmie est de courte durée car « Spoilt Vampire » s’avère être le morceau le plus musclé de l’album avec sa musique pesante, son chant masculin rageur et des choeurs qui font encore merveille; la comparaison avec Epica prend ici tout son sens. Nous sommes ensuite frappés par un autre contraste avec la ballade « Eternal Breeze« , pièce absolument magnifique qui contient tous les éléments qui vous donneront envie de coller l’être cher: rythme lent, jolie voix, choeurs et très beau solo de guitare.
Bien calmés, on repart en vitesse avec « Mechanical Ethos« , musclée, avant d’enchaîner avec la très réussie « Encounter at Chronos’ Maze« , qui met en vedette Thomas Vikström de Therion dans une pièce aux ambiances variées où tous les types de chant y passent. Fidèle au plan, « Indigo » fait baisser la tension avec harpe et flûte avant la finale épique qu’est « Healing« , où les claviers et le chant sont à la fête, particulièrement en conclusion lorsque la chanteuse pousse sa voix à la manière d’une cantatrice d’opéra pour ensuite faire place à un dernier soubresaut instrumental de haute voltige.
Bref, au final, rien d’ennuyant sur cet album. Les ambiances sont variées et riches, l’instrumentation y est solide, le tout soutenu par une production impeccable. Ce « Argia » risque fortement de se retrouver sur plusieurs listes des meilleurs albums de l’année, Diabulus in Musica s’imposant de plus en plus comme un incontournable dans son genre.
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Dramatvm
« The Prophecy of Mhisty: A Prelude of Chaos«
Autoproduction
2011
Il est très rare, dans mes aventures musicales, que je croise du death metal. D’emblée, je suis obligé d’admettre que ce n’est pas forcément ma tasse de thé et que je suis plutôt néophyte en la matière. On a toutefois pris soin de m’aviser que le groupe mexicain Dramatvm fait du death «mélodique». Ah, ça pique un peu plus ma curiosité. Je scrute ensuite le nom des membres du groupe. Tiens, une chanteuse! Me voilà mieux disposé à entrer dans cet album, le premier complet du groupe de Guadalajara, si on fait exception d’un EP (« Index« ), publié en 2004 et d’un album en spectacle sorti en 2008.
Les premières notes de « The 9 Signs » m’annoncent sans la moindre cachette que je ferai affaire avec du muscle. L’introduction est lourde avec sa batterie effrénée, sa guitare bien appuyée et la voix non moins lourde du chanteur Roberto Perez. On fait ensuite connaissance avec la voix de Cecilia Ledesma, très juste et puissante. Ce premier morceau me laisse une excellente impression avec son instrumentation riche et d’intéressants changements de rythmes; en effet, Dramatvm produit une musique fidèle au style mais sait le faire avec finesse.
La pièce-titre, elle, est introduite différemment, c’est à dire par une douce voix qui permet ensuite aux autres instruments de se joindre à la parade. Le moins que l’on puisse dire, c’est que personne ne chôme au travail, la section rythmique étant particulièrement active, cette qualité sera constante sur toute la durée de l’album. Tel que mentionné plus haut la musique est pesante mais les claviers d’Angela Ramirez (elle a depuis été remplacée par Uriel Ramirez) font merveille et viennent justement donner cette touche symphonique qui vient un peu adoucir le tout.
« Fire of Fury » mélange ensuite habilement les deux types de vocaux, ma préférence allant bien sûr au chant féminin mais je me dois de donner à César ce qui revient à César: dans le registre guttural, Roberto Perez fait le travail, réussi à imprégner l’album de son agressivité et de son énergie et se révèle un parfait complément aux envolées lyriques de Cecilia Ledesma. « Mhisty: The Universe » et « Web of Bifurcations » me confortent dans mon opinion, la chanteuse est sublime mais je souligne encore une fois l’aspect complémentaire des vocalistes qui fait merveille.
C’est ensuite la guitare et la basse qui prennent les commandes sur « My Domains (The Black Desert)« , chanson bien construite où la mélodie est bien complétée par des passages où les solistes peuvent s’illustrer. « The Possession » voit encore une fois le guitariste Al Tobias se tailler la part du lion, mais la section centrale de la chanson nous permet de respirer un peu alors que le rythme ralentit un peu tout en faisant place aux claviers. Cette pause est toutefois de courte durée: death metal oblige, on repart en grand vers une conclusion particulièrement lourde et chargée. Quant à l’introduction de « Battlefront« , elle se fait atmosphérique grâce aux claviers, mais la guitare lourde et la très efficace section rythmique viennent reprendre leur place dans ce qui s’avère le morceau le plus complexe du disque, alors que l’on peut facilement le diviser en trois sections bien distinctes et bien reliées entre elles.
« The Ancient Moon – Aaranun Dea » vient conclure comme il se doit, c’est à dire en suivant le plan suivi tout au long du parcours par le groupe: guitare déchirante, rythmique solide et vocaux variés. Je suis bien obliger d’admettre que le grunt me causera toujours un peu de fil à retordre, mais lorsqu’il est appuyé par une musique efficace comme c’est le cas ici, la pilule passe beaucoup mieux.
En bout de ligne, j’en tire la conclusion d’avoir élargi mon champ musical et d’avoir surtout fait un pas de plus dans mon désir «d’apprivoiser» ce genre musical. En fait, au fil des écoutes, nul doute que l’on a affaire à un groupe qui ne se contente pas de «bûcher» pour le plaisir, mais qui a bien pris le temps de peaufiner sa musique, l’exécution et le travail d’écriture étant de calibre professionnel. Bref, cet album saura contenter tout un chacun.
by Stéphan Levesque | Mai 17, 2014 | Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

Dans ma chronique précédente, je vous amenais dans la contrée de Dracula, la Transylvanie. Afin de rester un brin dans la thématique des pays de l’Est, la moitié de cette nouvelle édition des «Elles du métal» portera sur un groupe d’un pays qui faisait aussi partie du bloc communiste: la Pologne. En fait, je consacre mes textes de cette semaine à deux groupes qui n’ont pas encore publié un album. Si les Français de Midnight Sorrow ont un EP de cinq chansons à leur actif, les Polonais d’Hegemony eux, publient les éléments de leur répertoire au compte-gouttes. Place à cette chronique de la relève… – Steph
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Hegemony
EP « Awakening » (2013) + deux chansons (2014)
Autoproduction
La genèse d’Hegemony remonte à l’été 2012 lorsque le guitariste – et principal compositeur – Wojciech Muchowicz a décidé de réunir autour de lui des musiciens pour rallier son projet qui vise à mélanger metal et rock progressif. Au départ, afin de se faire la main et de jeter les bases de son style, le groupe s’est concentré à jouer des pièces de poids lourds du prog metal tels qu’Opeth et Dream Theater. Après un certain temps ont émergé trois compositions, réunies sur le EP « Awakening« .
C’est en décembre 2013 que ce premier essai a été offert au public, et je dois l’admettre, le chroniqueur a été frappé de plein fouet par ce qu’il a entendu. « Dirge – Asylum Part II » ouvre la marche et c’est la sonorité très progressive qui se fait remarquer d’entrée de jeu. Pièce très planante, l’instrumentation minimaliste est bien renforcée par le violoncelle qui, mélangé à la guitare acoustique, confère une certaine mélancolie à l’ensemble. Cette entrée tout en douceur est suivie de « Torment – Asylum Part IV » (on attend toujours les parties I et III…), dont l’introduction n’est pas sans rappeler Porcupine Tree. Plus énergique, cette chanson permet à la section rythmique de faire sentir sa présence et à la guitare d’imposer le tempo.
C’est toutefois « Into the Sacred Woods » qui s’avère être la perle de ce premier enregistrement. Introduite par la guitare acoustique, l’entrée en scène graduelle des autres instruments confère à cette pièce une grande complexité, mettant pleinement en valeur le mélange de progressif et de metal préconisé par le groupe. De plus, la musique est littéralement enveloppée par le chant de Valyen Songbird qui épate par sa puissance et sa grande force évocatrice. Ayant entendu des centaines de voix féminines plus étourdissantes les unes que les autres, l’auteur de ces lignes doit pourtant s’avouer presque «troublé» lorsqu’il entend la chanteuse s’exécuter. Aucune explication rationnelle n’est possible ici, j’ai seulement l’étrange impression que la dame vient tout simplement s’emparer de mon âme avec sa voix. Cherchez à comprendre…
Une chose est sûre: c’est avec brio qu’Hegemony s’introduit à nous avec ce court essai. Voici d’ailleurs le lien où vous pouvez encourager le groupe, pour moins cher que le prix d’un grand latte chez Starbucks…
Depuis le début de l’année 2014 le groupe nous a également gratifié de deux nouvelles pièces: « Orison » et « Labyrinth« . Si Hegemony puise une partie de son inspiration chez des groupes modernes, on constate sur la première de ces deux chansons que les années 1970 n’ont pas été oubliées. En effet, « Orison » évoque un géant de cette décennie: King Crimson. Sur ce morceau, le jeu du leader à la guitare contient une petite touche du grand Robert Fripp, mais c’est surtout la présence du saxophone soprano en surimpression qui force cette comparaison avec «Crimso»; ainsi, on se retrouve vaguement projeté à l’époque de « Lizard » et de « Islands« , mais avec une touche bien particulière conférée par le chant de la sirène qui se fait ici plus posé, en parfaite harmonie avec la simplicité exprimée par la musique.
Avec « Labyrinth« , publié à mi-avril, Hegemony signe toutefois son morceau le plus solide. La complexité des éléments mis en valeur par le groupe y est ici à son sommet; l’entrée lourde à la guitare bien appuyée par un chant puissant (cette voix! j’en suis bouche bée) fait ensuite place à une brillante séquence instrumentale, bien augmentée par des vocalises discrètes, où la guitare acoustique et la section rythmique volent la vedette. Cette petite pépite vient se terminer tout en lourdeur dans la plus pure tradition metal prog. Nul doute, après seulement cinq chansons, il faut savoir reconnaître qu’un soleil brillant se lève en Pologne.
À suivre de très près…
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Midnight Sorrow
« At First » (EP)
Autoproduction
2014
C’est de Strasbourg, en Alsace, que nous arrive Midnight Sorrow, groupe formé à la fin de l’année 2011 par des maniaques de metal symphonique. Le temps de stabiliser la formation, de se faire connaître sur scène et de peaufiner certaines compositions, c’est finalement en février de cette année que le groupe a pu publier son premier EP, nommé « At First« .
C’est avec « Crystal Drops« , une courte pièce instrumentale, que sont lancées les hostilités. On peut immédiatement déceler le fort penchant symphonique des Français qui mélangent avec grâce piano et claviers orchestraux. On enchaîne avec « Waterfall« , chanson très power metal qui joue habilement dans les plate-bandes de Therion avec son rythme effréné qui, une fois de plus, place les claviers à l’avant-plan.
Vient ensuite « Between Sun and Moon« , qui vient nous confirmer notre première impression: le tempo est rapide et on nous gratifie de nouveau de belles envolées aux claviers. On relève l’ajout de chant guttural sur ce morceau; celui-ci se fait discret et vient bien seconder le travail de la chanteuse Maureen Morvan qui nous livre ici sa meilleure interprétation de l’album, bien qu’elle s’exécute également avec beaucoup d’aplomb sur les deux autres plages chantées. Son registre haut et lyrique fait merveille et s’avère un appréciable complément à l’ensemble hautement symphonique.
Si les trois premières chansons s’avèrent très agréables, c’est toutefois la chanson-titre qui vient nous en mettre plein les oreilles en nous offrant un programme varié. Le tout débute avec une jolie entrée au piano, qui introduit le morceau sur un tempo lent. On sent la pièce gagner en intensité à mesure de sa progression, le growl venant amener une belle dimension agressive au tout, qui ensuite se poursuit avec un excellent passage rapide où tous les instruments sans exception ont l’occasion de se faire valoir. Le thème introductif revient ensuite s’imposer pour clore la marche. Définitivement, « At First » est un morceau complexe et extrêmement bien construit.
Le EP vient ensuite se terminer comme il a débuté, c’est-à-dire avec une pièce instrumentale. Toutefois, on a ici affaire à une reconstitution orchestrale librement inspirée de la chanson « Waterfall« . Les arrangements sont si bien ficelés qu’on croit à s’y méprendre que « Behind the Waterfall » met en vedette un véritable orchestre symphonique! Ces arrangements, qui sont l’oeuvre d’Émilien Bontz de Light & Chaos, viennent conclure l’ensemble de manière majestueuse
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Midnight Sorrow débute sa carrière sous les meilleurs auspices. On sent une belle maîtrise instrumentale et vocale et, plus important, on sent le groupe en mesure d’offrir des compositions complexes et bien ficelées, qui seront bien appuyées par une appréciable puissance sonore. C’est avec impatience que l’on attend la sortie du premier véritable album qui est présentement en chantier, bien qu’aucune date ne peut être avancée pour l’instant. Entre temps, on se délectera de cette entrée prometteuse.
by Stéphan Levesque | Mai 3, 2014 | Critiques, Critiques d'Albums, Les "Elles" du Métal

Cool! Il paraît que je serais le premier Canadien à m’être procuré la version CD physique de « Through Darkness and Light« , qui marque les débuts (prometteurs) du groupe roumain The Hourglass. Et puis tant qu’à vous introduire à une formation de ce pays, aussi bien en faire un deux pour un en complétant avec Whispering Woods, dont les musiciens sont originaires de la même ville, soit Cluj-Napoca en Transylvanie. Au fait, saviez-vous que 65% du vocabulaire de la langue roumaine provient du latin? On en apprend des choses avec moi, n’est-ce pas? Bon, ok, la leçon est finie, parlons musique… – Steph
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The Hourglass
Through Darkness and Light »
autoproduction
2014
Entre le processus d’écriture et le moment où un album paraît sur le marché, la route est souvent sinueuse pour les jeunes groupes n’ayant pas droit au support d’une maison de disques. C’est d’ailleurs près de quatre ans après sa formation, marqués par l’enregistrement d’un EP de cinq chansons (« Requiem« , paru en 2011) et d’un long processus de financement et de production que le groupe roumain The Hourglass peut enfin nous offrir son tout premier album, « Through Darkness and Light« .
The Hourglass s’introduit à nous en se présentant comme une formation symphonique teintée d’une touche électro/industrielle. La formulation se révélerait plus juste si elle était présentée à l’inverse, ce dont nous reparlerons un peu plus tard car en premier lieu, les oreilles du mélomane seront attirées par le chant de Alma Vomastek. Dotée d’une puissante voix, la chanteuse s’exécute dans un registre très haut, le tout de façon très naturelle, sans effort. Nous avons donc affaire à une impressionnante démonstration de chant soprano qui saura ravir les amateurs du genre.
Pour en revenir à l’aspect instrumental, disons en effet que c’est la composante électro/industrielle qui s’impose aux dépens de l’aspect symphonique, tout d’abord en raison du choix des sons de claviers. Ceux-ci, omniprésents, tombent rarement dans la reproduction orchestrale pour davantage donner une touche électronique aux onze pièces. En ce sens, la palette sonore utilisée par la claviériste Ioana Dirva est très variée, passant des sons de cordes sur « Requiem« , de l’orgue sur « Dies Irae« , et bien sûr par ces sons électro très présents sur toute la longueur de l’album. Elle a également parsemé du piano sur quelques passages afin d’inculquer une plus grande chaleur à l’ensemble qui, autrement, aurait pu nous laisser une certaine impression de froideur causée par ces sons plutôt synthétiques. Sur cet attribut de sa musique, The Hourglass vise à se détacher du lot et on l’on doit dire que c’est bien réussi.
Le côté industriel, lui, passe davantage par les autres instruments. Très carrée, la section rythmique s’impose par sa lourdeur, particulièrement le batteur Bogdan Mara qui mène habilement la barque avec énergie. Cette lourdeur s’invite à nos oreilles dès le premier morceau, « Dying Star« , qui nous donne déjà une bonne idée de ce qui nous attend avec ces claviers électro et ce rythme pesant. La basse et la guitare suivent fidèlement la parade et amènent une belle profondeur à l’ensemble. Surtout appelé à jouer les soutiens, le guitariste Andrei Buciuta nous gratifie de quelques bons solos, entre autres sur la jolie ballade « Dare« , ainsi que sur « Away« , pièce à l’instrumentation variée. Dans la lignée de cette dernière, « Magdalene » démontre que le groupe sait aussi composer des morceaux plus accrocheurs, cette chanson présentant une mélodie entraînante qui a tendance à vouloir coller aux oreilles.
On saura également apprécier les habiles cassures de rythmes observées sur « Requiem« , avec son intro d’inspiration classique ainsi que sur la très symphonique « Rise« . De son côté, l’introduction de « The Fall » nous sert un joli clin d’oeil à « l’Imaginaerum » de Nightwish, tout comme « Way Home » dont la sonorité nous suggère que les membres du groupe ont dû écouter une fois ou deux la musique des maîtres finlandais. Autre aspect fort intéressant, The Hourglass s’aventure sur un terrain rarement exploré par ce type de groupe: celui du format long. En effet, « Abandoned » chiffre presque dix minutes au compteur; formée de six courtes parties habilement reliées entre elles par de courts interludes assurés par les claviers et joliment enrobées par une introduction et un épilogue au piano, cette dernière constitue une réussite éclatante, nous faisant regretter que peu de groupes se risquent au jeu des longues pièces.
Que dire de plus? Le moins que l’on puisse dire, c’est que The Hourglass a bien pris le temps de peaufiner toutes les composantes de son produit afin d’effectuer une entrée remarquée, cet énoncé s’appliquant autant à la musique, à la production, qu’à la présentation visuelle. En effet, « Through Darkness and Light » nous arrive accompagné d’un très beau livret, sombre et sobre, le tout orné d’une très belle pochette. Le groupe nous offre gracieusement son album sur Bandcamp dont le lecteur est plus bas, ce qui m’amène à vous faire un peu la morale: les groupes ont besoin des fans pour vivre, donc si vous aimez n’hésitez pas à commander le CD ou à verser un montant pour le téléchargement en mp3…
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Whispering Woods
« Fairy Woods«
autoproduction
2012
Il est à peu certain qu’au cours de votre vie, lors de discussions tournant autour de la musique avec des personnes de votre cercle social, vous avez eu droit à des expressions d’horreur à peine dissimulées au moment où vous avez mentionné écouter du metal. Trop de gens identifient ce genre musical à une musique toujours agressive, lourde, voire hargneuse. Pourtant, lorsque l’on retire nos oeillères, on peut facilement découvrir une autre facette de cette riche famille musicale: Whispering Woods, grâce à premier album « Fairy Woods« , vient nous le rappeler de splendide manière.
En effet, nous nous retrouvons devant un album qui mélange brillamment les genres, passant avec aise du gothic metal à la musique folklorique aux influences médiévales. Tout au long de ce premier album, une ambiance lourde entre toujours en conflit avec des sonorités aigües et légères, nous plaçant constamment sur le qui-vive tant nos oreilles sont appelées à entendre se côtoyer plusieurs genres musicaux. Il est d’ailleurs difficile, en bout de ligne, de classer Whispering Woods dans une case spécifique tant sa musique est riche et nuancée.
« Well of Dreams« , l’instrumentale qui ouvre l’album, contribue à installer ce climat inquiétant que l’on retrouvera sur toute la durée du disque, avec sa rythmique lourde bien contrebalancée par le piano. La composante folk se fait ensuite sentir sur « The Call of the Trees« , pièce médiévale à souhait, ouverte par la flûte traversière, celle-ci se voyant ensuite rejointe par les guitares, électrique et acoustique, cette dernière s’imposant comme une importante composante du son du groupe. Cette première pièce chantée nous permet également de faire connaissance avec la superbe voix d’Alexandra Burca, qui en alliant puissance et douceur, aide pleinement l’auditeur à entrer dans la musique.
Cet habile mélange de douceur et de lourdeur se fait bien sentir sur « Ode to the Leviathan« , qui encore une fois alterne parfaitement passages acoustiques et électriques. Permettons-nous d’utiliser de nouveau le mot «nuancée» pour définir cette chanson qui s’avère une belle aventure avec sa séquence centrale parlée, ses multiples changements de rythme et sa partie acoustique finale où se croisent flûte, piano et guitare. Sur « Ghost in the Monastery » et « Realm of Darkness« , cette deuxième étant une reprise d’une chanson du groupe autrichien Darkwell, c’est davantage le côté rock de Whispering Woods qui s’affirme grâce une rythmique lourde et une ambiance plus sombre, toujours bien balancée par la flûte de Catalina Popa qui vient toujours apporter une touche lumineuse aux arrangements.
« Black Wedding« , quant à elle, nous offre un sympathique croisement entre la « Marche nuptiale » de Wagner et la « Marche funèbre » de Chopin, le tout bien augmenté par une instrumentation sombre. Les fans de gothic metal seront ici aux anges, tout comme sur « Curse of the Nightingale » où l’orgue installe une ambiance inquiétante. Autre bel exemple de mélange des genres, « Queen Medusa » allie habilement rock lourd, passages acoustiques et chant absolument transcendant. Les quatre autres pièces, dont nous éviterons de parler de peur de sombrer dans la redondance, poursuivent dans la même veine et contribuent à garder captif l’auditeur qui ne pourra que constater la richesse des arrangements.
Pas de doute, la musique de Whispering Woods vaut largement le détour, elle qui sort des sentiers battus et qui joue sur plusieurs tableaux, faisant de « Fairy Woods » une grande réussite qui saura plaire aux fans de plusieurs genres musicaux. Vous pourriez donc surprendre votre entourage terrorisé par l’amateur de musique grasse que vous êtes en insérant ce CD dans votre lecteur pour leur démontrer que le metal peut aussi être une affaire de finesse. Le groupe besogne présentement sur la mise en chantier d’un deuxième album, cette fois pour le compte de la maison Loud Rage Music qui, espérons-le, réussira à promouvoir comme il se doit la superbe musique offerte par son nouveau poulain.