QCDM BBQ VI @ L’Entité, Trois-Rivières – 18-19 juillet 2025

La sixième édition du QCDM BBQ Fest avait toujours lieu cette année en plein cœur du centre-ville de Trois-Rivières. Pour l’occasion, le site de l’événement s’étendait sur deux salles conjointes dans la même bâtisse. Les parties s’alternaient entre deux bars disposés sur deux étages pour cet événement monstre, qui a réuni 23 groupes et une foule de supporteurs de musique extrême. Les prestations se sont déroulées sur deux jours, entre 15:30 et 00:00. La scène secondaire, celle du Steak Liquide, est située au fond d’un petit bar qui donne au niveau de la rue. Le cadre y était plus en mode showcase, ce pourquoi la place était facilement paquetée. La scène principale se trouve à l’étage, dans l’assez vaste salle de spectacle du bar l’Entité. Un barbecue installé sur la terrasse-balcon permet aux participants de l’événement de se restaurer avec d’excellents hot-dogs et (cheese)burger faits avec amour, ou de prendre un peu d’air au besoin.

 

Vendredi 18 juillet 2025

Acetone

(Saguenay, Québec) 15:30 – 16:00 @ Scène Steak Liquide

Death metal de la vieille école, surtout dans sa lourdeur et dans l’orientation mélodies dont l’inspiration est sans doute puisée dans un bon répertoire d’œuvres classiques du genre. Les deux guitares se complètent souvent dans un arrangement d’harmonisation. Celle du chanteur est bien présente pour soutenir les passages dédiés au soliste Vladimir Jobin. L’emphase placé sur la créativité dans les parties instrumentales fait en sorte que leur style de composition se rapproche du Thrash technique. Le groupe a présenté en primeur sa nouvelle pièce intitulée Molten Remains, qui paraîtra sur le prochain LP à venir.

 

 

Catastrophic Hemorrhage

(Brantford, Ontario) 16:00-16:30 @Scène L’Entité

Deathcore punitif qui entretient la manie des longues fessées. Le côté slam est omniprésent dans leurs chansons, tant qu’on en subit les relents même pendant les blast beats. Leur style est agréable en ce qu’il recourt à un degré de complexité sans artifices, juste assez suffisant pour les exigences du genre. Les cinq musiciens ont présenté des pièces fraîchement préparées pour leur plus récent EP paru un mois auparavant. L’une d’elles devait probablement se terminer en fade out puisque le chanteur nous informe que le riff « goes on for a long time ». Il a suivi en introduisant son morceau préféré du EP, Rotten Specimen, un peu plus rapide que les autres, et dans lequel il fait montre de ses plus remarquables prouesses gutturales.

 

 

Spitpool

(Québec, Québec) 16:30-17:00 @Scène Steak Liquide

Slam Death très assumé et qui ne ménage pas les claques. Le groupe est composé de six membres, dont deux vocalistes, tous rassemblés en cette occasion pour offrir leur toute première prestation publique, enfilant en version intégrale leurs quelques EP. Bien que criblé de quelques blast beats, les tempos sont très mid en général, et ponctués d’immenses coups assénés sur une caisse claire qui pète des gueules. L’ambiance était bonne, et on aurait même dit des fois que la musique se cassait tellement ils en donnaient. Le style est très épuré et comprend une touche d’originalité qui se remarque surtout dans la façon dont les riffs s’imbriquent. Pour livrer le breakdown introduit par un « tabarnak » bien placé sur la pièce Québectomy, John Mayer, vocaliste de NecroticGoreBeast, a été invité à prendre place au micro.

 

Human Compost

(Toronto, Ontario) 17:00-17:30 @Scène L’Entité

Deathgrind brutal et progressif dévoué au culte de l’horreur et du gore. Le groupe s’est présenté en format réduit en raison d’un problème de poignet souffert par le bassiste, absent pour cette raison. La qualité générale du son n’en a pas trop perdu puisque quand même bien remplie par les deux guitares. Cependant, l’effet de pesanteur en a certainement écopé lors des passages plus lents, mais ceux-ci sont rares. Les pièces prennent leur forme plutôt dans l’alternance d’une variété de pulsions oscillant entre les blasts et les skank beats. Le chanteur fait parvenir du fond de ses tripes les sons puissants par lesquels il domine l’ensemble, et quelques solos saturés d’effet de réverbération couvrent leurs interludes lugubres. Le numéro s’est terminé avec la pièce Decomposed (Degradation of a Virgin Corpse) qui figure sur le premier EP du groupe, paru en 2018.

 

Recorruptor

(Lansing, Michigan) 17:30-18:00 @Scène Steak Liquide

Death mélodique — L’événement a dû être interrompu à ce moment en raison de l’absence du groupe Recorruptor, qui apparemment se serait séparé en plein milieu de leur présente tournée. La musique du groupe, qui se décrit comme touchant des éléments de black métal mélodique et de deathcore, est toujours disponible sur les plateformes numériques.

 

 

Purgatoire

(Est du Québec) 18:00-18:30 @Scène L’Entité

Death métal old school à la sauce du Québec, Purgatoire s’est imposé sur la scène principale du festival avec une constance marquée par la lourdeur. Le vocaliste du quatuor s’est montré très impliqué à faire lever le party au sein de son public : « Eille réveillez-vous tabarnak ! ». Les rythmes variés sont contenus dans une approche traditionnelle du genre. On ne tarit pas les clins d’œil aux différents styles avoisinant comme le Thrash metal, le groove metal, et même le mince/grindcore par moments. Le groupe a principalement puisé dans le répertoire de son premier album Passé décomposé paru en 2016, mais nous a également offert le morceau intitulé Ordre funèbre, à paraître sur le prochain album en préparation. Cette pièce, très rapide, est la preuve que leur démarche artistique n’entend pas inciter au repos.

 

Root Cellar

(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:30-19:00 @Scène Steak Liquide

La formation Root Cellar a été appelée à remplacer le groupe Primal Horde qui a malheureusement dû annuler sa prestation à la dernière minute. Les membres de Root Cellar, tous présents sur le site pour profiter des spectacles du jour 1, avaient évidemment leur propre plage horaire, prévue pour le lendemain. Ils ont été le seul groupe à expérimenter les deux scènes. Cela a eu pour avantage de permettre à l’auditoire d’apprécier les différences de chacune d’elles. Je vais m’attarder plus à leur musique lors de la rubrique dédiée à leur performance sur la scène principale. Je tiens toutefois à mentionner ici qu’un bon effet de surprise a pu être conservé pour la deuxième journée, puisque lors de cette première prestation, la place de la batterie dans le mix était un peu exagérée par rapport à celle des autres instruments. Malgré ce déséquilibre, leur apparition sur la petite scène est restée un de mes coups de cœur de la fin de semaine.

 

 

Servile Conceptions

(Los Angeles, Californie) 19:00 – 19:30 @Scène L’Entité

Blackened death metal (death métal infusé de métal noir) constitué de trois membres dont le guitariste est responsable de la section vocale. Le groupe a commencé en puissance avec ses morceaux les plus rapides et techniques, entre lesquels le public les a vivement acclamés. Les blast beats en continue s’emboîtaient parfaitement avec les affaires compliquées de la guitare et de la basse. C’était véritablement impressionnant à voir et à entendre. Ensuite ils ont démontré un côté plus progressif et savant, avec de longues progressions d’accords dissonants et des solos un peu fromagés. Leur discographie, bien que limitée à un mini album paru en 2013 qui suivait leur démo, suffit amplement à monter un numéro satisfaisant.

 

 

Exotoxic

(Shawinigan, Québec) 19:30-20:00 @Scène Steak Liquide

Parmi les pionniers du grindcore québécois, Exotoxic joue un death metal garroché à la façon punk. Je les décrirais comme un groupe qui aime croire et veut convaincre que le chaos est une bonne chose. À cet effet, l’argument est sans faille. L’approbation est manifeste puisque tous hochent de la tête au gré des rythmes cathartiques.  Leur son tempéré, livré avec une certaine économie de fréquences qui rend l’ensemble très cohésif; c’est comme si le groupe était un seul et même instrument. La basse crue du chanteur ressortait agréablement du lot par moments, lorsque sa voix caverneuse ne récitait pas ses chants de révolte. Ils nous ont joué dans son intégralité leur premier démo Face the Facts, nouvellement renippé pour le format digital, qui se trouve désormais disponible en téléchargement libre sur la plateforme Bandcamp.

 

 

Nervous Impulse

(Montréal, Québec) 20:00-20:30 @Scène L’Entité

Grindcore moderne, fortement influencé par le Brutal death metal. Le groupe s’est présenté pour la première fois en quatuor, avec leur nouveau chanteur Spencer Blass qui faisait son tout premier show avec eux. Il a très bien géré, surtout en considérant la large palette de cris qui était auparavant couverte par deux personnes. Le vocal s’ajoute au même niveau que les autres instruments, dans un bloc perpétué d’agression sonique. Le guitariste alterne entre le son sourd et clair, en utilisant parfois les accords plus sophistiqués qu’on entend par exemple dans le disso-death, genre qui émerge tranquillement depuis son institution par les fameux Gorguts. Le groupe procède par coupures abruptes et emploie les accelerandos, dont l’un des plus intenses s’étirait sur presque 30 secondes. L’aisance du batteur est remarquable, lui qui devient gaucher pour effectuer ses gravity blasts, et détend momentanément la chaîne de sa caisse claire lorsqu’il doit signaler une transition par une frappe solo. Je l’ai même vu se pencher pour prendre une nouvelle baguette sans même que le rythme effréné n’en soit le moindrement affecté. Pour son originalité et son implacabilité, Nervous Impulse s’élève en tant qu’ incontournable du métal extrême.

 

Cenotaph

(Ankara, Turkey) 20:50-21:35 @Scène L’Entité

Brutal Tech death — Technical Brutal death — difficile de trancher. Le niveau d’habileté démontré par les musiciens est si élevé qu’il me paraît réducteur de les considérer principalement comme un groupe de Brutal death, mais ils sont si brutaux que le côté technique paraît plutôt accessoire, simplement inhérent aux compétences inouïs des musiciens. Cenotaph ne fait pas que reproduire la même esthétique de violence depuis plus de 30 ans, ils incarnent le principe même d’évolution. Ils semblent s’interdire la répétition. Une maîtrise inaliénable de la forme musicale leur permet de s’en servir comme objet de défoulement, cible de torture. Les attentes que nous susciterait un groupe de Brutal Death plus traditionnel sont forcés dans des contorsions peu confortables, et les harmoniques pincées en sont comme les plaintes éparses, les gicleurs. Autant était-il souvent impossible de saisir un instant entre deux coups de caisse claire que parfois il semblait ne pas y en avoir pendant plusieurs mesures. Ce fut le cas par exemple lorsqu’ils nous ont joué une pièce de l’album Putrescent Infectious Rabidity (2010). L’agitation de la foule m’a emporté, et si bien que j’y ai malencontreusement perdu mon carton d’accès pour le festival. Heureusement, à la fin du numéro, le chanteur Batu m’a sauvé la vie et m’a aidé à la retrouver. 

 

 

Morpheus Descends

(Middletown, New York) 21:55-22:40 @Scène L’Entité

Death doom métal à thématique d’horreur psychologique. Bien que le groupe existe depuis 1990, sa discographie est plutôt frugale : un seul album paru en 1992 et moins d’une demi-douzaine d’enregistrements mineurs. Pourtant, c’était l’un des numéros les plus complets, et l’un des répertoires les plus variés de la fin de semaine. Le groupe sait comment bien exploiter le spectre du Death métal, et il se permet d’étirer quelques fois ses notes les plus exquises, d’où le côté plus Doom à l’occasion. Au fond, ils ressemblent beaucoup à un groupe comme Incantation, mais avec beaucoup de références à d’autres styles comme le Thrash métal et parfois le Brutal Death dans le style iconique de Butchered At Birth. La limite au côté extrême du groupe se rencontre aux bouts qui ralentissent : plutôt que de faire du Slam, ils s’en vont carrément dans le Doom. Le bassiste était très occupé de son manche, qu’il tenait presque debout vis-à-vis de sa tête, et semblait captivé par les contes horrifiques que déballait le chanteur.

 

 

Malignancy

(Yonkers, New York) 23:00-00:00 @Scène L’Entité

Death metal (ultra-)technique avec un côté grindcore qui ressort par son attitude punk et hardcore. Le groupe ne sombre pas dans la brutalité, mais plutôt dans une folie disjonctée qu’il transmet à travers des pièces décousues dont le rythme est si souvent interrompu que personne n’arrive jamais vraiment à bien suivre ce qui se passe (à moins d’avoir écouté les albums à plusieurs reprises!). Heureusement que les musiciens sont arrivés plus que préparés, car le tout aurait facilement pu faire fiasco. Ceux-ci en ont visiblement profité pour s’éclater de plaisir, comme le suggérait le non-verbal du guitariste Ron Kachnic (Pyrexia, ex-Mortician), qui sautillait sans cesse, tournait sur lui-même et se promenait partout sur la scène. Le niveau d’attention porté aux détails dont fait preuve cette troupe de virtuoses défie les lois de l’intelligence humaine, et informe au passage de la limite que les sens peuvent nous imposer à la conscience. La deuxième pièce jouée, Neglected Rejection, qui se retrouve sur l’excellent album Inhuman Grotesqueries (2007), est un parfait exemple de ce qui nous a défilé dans les oreilles pendant une heure. Les brèves petites pauses entre les morceaux étaient toujours accompagnées par le visage souriant du chanteur Danny Nelson. Celui-ci alignait l’une après l’autre les blagues hilarantes. Par exemple, pour nous inciter à acheter un album, il annonce qu’il s’agissait du dernier spectacle « ever » du groupe. Ensuite, à la fin d’une pièce, il déclare que puisque nous semblions avoir aimé celle-ci, il allait nous la rejouer immédiatement. Les musiciens ont alors fait mine de la recommencer pendant une seconde. Puis, une autre fois, il nous informe que : « If this sounds discontinuous, this is purely on purpose ! ». Le bassiste ne pouvait pas lâcher son manche des yeux, et le très jeune prodige de la batterie Nikhil Talwalkar (Anal Stabwound) qui accompagnait le groupe pour cette tournée, se tenait la bouche fermée en mordant ses lèvres de l’intérieur. Après tout ce qui s’est passé pendant cette incroyable journée, rien de mieux qu’un groupe qui met la barre aussi haute de Malignancy pour mettre un terme aux activités, et tout le monde se dit : « À demain ! ».

———————————————————————————————————————

Samedi 19 juillet 2025

 

Sentiment Dissolve

(London, Ontario) 16:00-16:30 @ Scène L’Entité

Tech Death Progressif avec un petit côté metalcore mélodique bien plaisant.  Le groupe est de formation récente, ayant seulement 6 chansons sur leur bandcamp. Elles sont cependant de bonne durée compte tenu du côté progressif très prononcé de leur musique. Le groupe a profité de sa tribune pour tester quelques nouvelles compositions dont Sementelligence, qui fut de loin ma préférée de leur numéro. Le groupe a beaucoup de potentiel, chacun des musiciens prend sa place d’une façon qui lui est propre et qui favorise l’exhibition de ses talents. Leur attitude légère et parfois comique servait parfaitement à la situation, qui devait nous amener tranquillement à un état d’éveil auditif, et nous préparer à une autre grosse journée de ce qui se fait de plus fort comme métal. Du reste, n’allez pas croire que Sentiment Dissolve est une band soft, car leur niveau de tapage et de criage n’avait rien à envier aux autres groupes. Le prochain album promet d’être épique.

 

 

 

Oath of Anguish

(Montréal, Québec) 16:30-17:00 @ Scène Steak Liquide

Brutal death metal très old school, avec le côté hardcore qui a mené au Slam. Le groupe opère une cadence constante et modérée qui rappelle celle d’un tuyau d’échappement de moto, du genre de celles avec les poignées du guidon élevées très haut par-dessus le casque du chauffeur. Le chanteur a une façon particulière d’étirer sa mâchoire pour donner à sa voix une expression monstrueuse, comme celle que je m’imagine qu’aurait le boulanger démoniaque qui figure sur l’affiche officielle du QCDM BBQ VI. Le guitariste employait un son de wah-wah pendant ses solos, ce qui ajoutait un côté hard rock qui faisait bien avec le style posé du groupe. Le groupe a annoncé qu’un nouvel album était à venir, et a présenté une pièce qui figurera sur celui-ci. Rien pour décevoir les fans, car le groupe est en pleine connaissance de ce qui le caractérise, et semble travailler à perfectionner son style en expérimentant avec prudence.

 

 

Angel Morgue

(Manchester, New Hampshire) 17:00-17:30 @ Scène L’Entité

Death Metal blasphématoire, incorporant la fougue anti-religieuse de la première vague Black Metal et l’oppression méditative du Funeral Doom. Le groupe commence dans la une salle où les spectateurs commençaient à remonter peu à peu du premier étage. Récemment reformé après une séparation de quelques années, le groupe a présenté son matériel en trio, tandis que deux membres (un chanteur et un guitariste) n’étaient pas en mesure de faire le chemin jusqu’au Canada. C’est sans le moindre inconvénient que le seul guitariste présent, Leonard Trombly, s’est chargé de remplir le rôle de chacun. En plus de jouer des morceaux parus sur leur démo (2017) et sur leur sublime opus In the Morgue of Angels (2020), ce trio de fortune a également propulsé quelques pièces qui feront partie du prochain album en préparation. La musique du groupe installe l’ambiance solennelle d’un deuil qui, porté à culmination par une satisfaction malsaine, inspire une espèce de sentiment d’expansion spirituelle assez indéniable. Le groupe expérimentait une nouvelle formule dans la structure de son numéro, lequel était construit de façon à ce que soit placé en position centrale, comme sur un podium, le solo de guitare de la pièce The Sigil and The Key. Le résultat en fut des plus saisissant, et le solo joué avec le recueillement cathartique d’une profonde tristesse.

 

 

Badass Commander

(Québec, Québec) 17:30-18:00 @ Scène Steak Liquide

Death métal old school à thématique militaire, inspiré de près dans son esthétique et sa musique par le pilier du métal extrême britannique Bolt Thrower. Le groupe présentait un nouveau set constitué exclusivement de chansons qui se retrouveront sur l’album Intense Combat Experiment, à paraître au courant de l’automne. On peut déjà entendre un extrait via le single Shards of Metal, un court morceau qui laisse comme un arrière-goût de débris d’artillerie en bouche. Il s’agira d’un deuxième opus pour le groupe, dont le seul matériel actuellement disponible est compacté sur le solide mini-album Bad Intentions. À noter que le groupe a changé de stratégie depuis sa formation, en confiant désormais les principales missions vocales à Steve Jonk (ex-Mesrine, The Mighty Megalodon). Ils recrutent ainsi dans leurs rangs un collaborateur de longue date, ce qui contribue certainement à accentuer la chimie nucléaire déjà existante entre les membres de ce projet de métal martial.  

 

 

Root Cellar

(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:00-18:30 @ Scène L’Entité

Goregrind technique, le groupe incarne le décorum horrifiant d’un antre de collectionneur homicidaire. Chaque musicien revêt un masque brunâtre et une chemise carottée en lambeaux. Quelques têtes de poupées sont piquées parmi eux sur des pieux, comme les membres fantômes d’un orchestre macabre. Les boutons de la pédale multi-effets d’un des guitaristes sont remplacés par des poignées d’armoires, ce qui donne l’impression qu’on se trouve dans l’intimité broche à foin d’une famille de timbrée qui fait n’importe quoi de ce qu’il a. La musique, quant à elle, frôle le niveau d’achèvement d’une scène qui passe au montage. Le batteur possède une manière authentique de démolir le rythme en se servant de ses toms et en brisant le rythme avec une approche polymétrique. Le groupe a performé une reprise d’un groupe « que vous connaissez fortement bien », un classique de Deicide, en plus de plusieurs morceaux tirés de leurs deux EPs actuellement disponibles. Quelques-unes de celles-ci sont introduites par des extraits de films, qu’il n’en tient qu’à vous reconnaître, ou de retrouver en parcourant les slashers les plus obscurs. 

 

 

Mortal Rites

(Gatineau, Québec) 18:30-19:00 @ Scène Steak Liquide

Death thrash aux accents progressifs. Le groupe est composé de quatre membres, dont deux guitares. Le chanteur tient entre ses mains une guitare B.C. Rich; comme tous ses camarades. La sienne est moulée sur le modèle de Chuck Schuldiner : comme son style de vocal, brumeux et soutenu. Celui-ci décide que le meilleur moment pour clancher ses solos, c’est sur les blast beats. Les riffs passent parfois par un côté plus Doom, traînant dans une démarche visqueuse, puis déclenche un effondrement de fréquences. Les références aux bons vieux bands old school pleuvent pendant les interludes, et on apprend que le nom du groupe est une radicalisation du titre du demo de Morbid Angel. L’emphase de la prestation est mise sur le dernier EP du groupe, Death in Heaven, Life in Hell, paru en décembre 2024. Si bien qu’on nous conseille de « n’allez pas écouter notre démo ». Pour leur premier show à Trois-Rivières, les gars ont réussi à créer un lien avec le public. Actifs depuis peu, on s’attend à les revoir. 

 

 

Decerebration

(Québec, Québec) 19:00-19:30 @ Scène L’Entité

Brutal Death métal old school qui fait autorité dans la scène locale. Le groupe possède un côté mélodique marqué par une sincérité troublante, et la force que dégage sa retenue crée un effet d’attraction invitant. Le rythme est parfois syncopé, et les guitares jouent les mélodies en harmonie. Les cinq musiciens perpétuent une entreprise fondée depuis plus de 30 ans, avec quatre albums et deux démos. Les riffs sont délicieusement menaçants, et nous rappellent qu’on est tous dans le même bateau. Le groupe entretient un côté très rassembleur, et le chanteur, malgré son aspect intimidant lorsqu’il performe, s’investit avec le public entre les chansons. Le groupe a présenté des pièces de son dernier album, Follow the Scars, paru en 2021.

 

 

Cystic Embalmment

(Montréal, Québec) 19:30-20:00 @ Scène Steak Liquide

Goregrind à la lettre livré dans une enveloppe punk racornie. En mode trio pour l’occasion, Cystic Embalmment fût le dernier groupe à occuper la petite scène du bar en bas. Quelque chose comme un « boost » dans les fréquences moyennes de la guitare permettait de l’entendre mieux qu’il n’avait encore été le cas en ce lieu. Cela a été très bénéfique au côté rock ‘n’ roll dans le tapis du groupe, qui ressortait ainsi bien plus facilement du jeu précis du guitariste. Le rythme accrocheur était souvent poussé à des vitesses excessives, lorsqu’il n’était pas disséqué en bris répétés. Le bassiste utilisait deux micros dont l’un passait dans un effet de transposition vers les sons plus graves, ce qui donnait l’impression d’entendre un démon hanter le cauchemar d’un patient de l’hôpital psychiatrique. Quelques notes brèves apportaient souvent des sonorités Death métal à leurs riffs rebelles et fuyants. Le batteur joue impeccablement une grande panoplie de blast beats et ses punchs étaient droit comme l’édifice du grindcore traditionnel. La foule nombreuse, massée dans l’espace étroit qui entourait les musiciens, applaudissait chaleureusement à toutes les occasions que la moindre pause leur offrait.

 

 

Zero State

(Blainville, Québec) 20:00-20:30 @ Scène L’Entité

Death metal qui tire d’importantes influences du thrash metal, surtout dans ses parties instrumentales dont l’écriture attribue une place centrale aux solos de guitare. Le groupe est composé de cinq musiciens, nombre qui a augmenté récemment depuis l’addition d’un deuxième guitariste. Celui-ci comble un rôle hyper-important qui l’apporte à soutenir la lourdeur écrasante qui croule sous la pluie des notes aiguës du soliste. Il ajoute une couche de fracas, et soulève les poussières du chaos qui peuple le néant. Le groupe aborde des thèmes liés aux comportements des psychopathes dans un monologue introspectif. Certains couplets ont l’urgence d’une panique apocalyptique. Le tout dernier mouvement de la pièce Lethal Gateway constitua un moment spécial, glorieux et unanime.

 

 

Obsolete Mankind

(Montréal, Québec) 20:50-21:35 @ Scène L’Entité

Death métal brutal et impitoyable. La puissance dévastatrice de ce groupe se déploie comme l’éboulement de tout un continent. Obsolete Mankind fait dans le gros bûchage. Son côté plus groovy, qui contribue une touche de Slam, est très bien représenté par la pièce Manufactured Enthusiasm, qu’ils ont joué avec une rage hors scrupule. Pour leur première apparition en cinq ans, le groupe est arrivé plus que préparé. Le public bougeait activement, et rendait l’énergie électrisante qui circulait dans la salle. Ils ont joué une nouvelle chanson qui laisse présager la sortie d’un futur album. La pièce en question est initiée par un blast beat interminable qui se boucle sur une petite surprise. On a fait l’éloge de la bière nommée selon le premier album du groupe, Dystopian Heuristics, laquelle est brassée par la Brasserie Nouvelle-France. Celle-ci s’était donné le mandat de servir des rafraîchissements spécialement brassés pour le festival. 

 

 

Pyrexia

(New York, New York) 21:55-22:40 @ Scène L’Entité

Brutal Death metal fondé dans la scène hardcore new-yorkaise. Le groupe faisait rebondir tout le monde sur le plancher. Les musiciens étaient en perpétuelle interaction avec les spectateurs, comme pour les inviter à montrer leur plus solide charpente. L’ambiance inclusive a décuplé lorsque le groupe a invité tout le monde à grimper sur la scène, qui s’est alors presque remplie. Actif depuis plus d’une trentaine d’années, le groupe possède un répertoire très étendu. Une pièce du numéro était tirée de leur tout premier album Sermon of Mockery, ainsi que d’autres de leur classique System of the Animal, récemment ré-enregistré intégralement par ses nouveaux membres pour en constituer une version réactualisée. Le résultat est très réussi. Ils ont également joué la pièce Wrath, lancée avec un vidéoclip dans lequel le groupe est représenté par des dessins animés. Ce simple est un échantillon promotionnel annonçant la sortie d’un nouvel album, Unholy, prévue pour le mois prochain. Le groupe vient tout juste d’être annoncé comme faisant partie de la prochaine tournée de Krisiun, qui sera de passage à Québec et à Montréal fin novembre. Soyez-y !!

 

 

Incantation

(Johnstown, Pennsylvania) 23:00-00:00 @Scène L’Entité

Death doom métal qui devrait pouvoir se passer de présentations. Le groupe mené par le chanteur et guitariste John McEntee était de passage à Trois-Rivières dans le cadre d’une tournée spécialement consacrée à leur tout premier long-jeu Onward to Golgotha (1992). McEntee a profité de l’occasion pour souligner le décès d’un des collaborateurs à la conception de cet album, le bassiste Ronny Deo (1974-2022). Les deux tiers de leur performance étaient donc entièrement constitués de pièces tirées de cet album. Dès la première note, on reconnaissait la signature sonore du groupe. Les subs étaient pleinement exploités, et on en ressentait la vibration dans la poitrine. Le groupe entonnait sa symphonie de fausses notes comme une oraison funèbre prédicatrice. Le style d’Incantation est un mélange unique de rock baveux et de solennité malveillante. McEntee a profité du fait que l’attention du public convergeait vers la scène pour donner lieu à quelques excentricités, comme celle d’exiger que tout le monde lève la main pour lui montrer des cornes. Un des participants du festival, qui portait une prothèse de tête à forme conique, est monté sur la scène pour donner une bière au chanteur. Comme rien, il a laissé une prothèse identique à la sienne au pied de McEntee, qui s’en est vite aperçu : « This might be the stupidest thing in the world, but sometimes you gotta do what you gotta do ! ». Après avoir posé quelques secondes avec le truc sur la tête, John s’est ressaisi : « I’m not playing with that thing ! ». Leur numéro a beau avoir été le plus long de la fin de semaine, on en demandait encore plus. Les célébrations se sont terminées avec un sourire sur tous les visages.

 

La sixième édition du QCDM BBQ fut plus qu’un succès; elle réaffirme que ce rendez-vous est un incontournable pour les amateurs de musique extrême. Certains membres de l’audience étaient partis de l’Ontario, d’autres du New Hampshire pour assister à ce festival unique. On y découvre des groupes d’ici, les nouveaux comme les vieux de la veille, des groupes venus de l’étranger, et certains bijoux sortis des confins obscurs de la scène underground. Un gros merci à toute l’équipe d’organisation, aux bands, et à tout le monde qui est venu en profiter, les encourager et les supporter groupes.

-Journaliste: Luc Belmont
Photographe: Pierre-Luc Forest

BUÑUEL//Today Is The Day//Spiritual Poison @ L’Anti Bar & Spectacles, Québec – 6 juillet 2025

Voici le compte rendu de Luc Belmont lors du spectacle de BUÑUEL présenté par District 7 Production à L’Anti Bar & Spectacles de Québec le 6 juillet 2025 et qui mettait également à l’affiche Today Is The Day et Spiritual Poison.

——————————————————————————————————–

Retour sur le spectacle

Une soirée de musique bruitiste émise par trois formations dont chacune varie dans sa constitution. Petite déception quant à l’achalandage: la salle était à peu près vide quand le départ du concert est initié à l’Anti-bar et Spectacles, en ce dimanche pluvieux.

 

Spiritual Poison


Le premier acte est un projet solo d’Ethan Lee McCarthy, chanteur et guitariste d’un groupe pilier du Sludge métal, soit Primitive Man. Ce musicien prolifique n’est pas étranger à la salle de l’Anti, y ayant déjà performé avec son autre groupe les 26 mars 2018 et le 5 juin 2022, dates dont les premières parties avaient été assurées respectivement par Spectral Voice et Mortiferum.

Cette fois, le géant Ethan troque sa guitare et son micro pour une plateforme sur laquelle trône une quincaillerie d’appareils électroniques. Debout au milieu de la scène, nu tête, il reçoit le faisceau de lumière du projecteur qui défile le court métrage accompagnant les deux mouvements de son numéro.

Des motifs ornementaux produisent des dédales épineux et sombres. Au travers semble circuler un vent houleux, qui se heurte sur des parois insondables. La coloration de la pièce se fait matte, arriérée, et on savoure le cycle des sons à travers de multiples palettes d’arrière-goût.

Un aveuglement comateux ne laisse entendre qu’une respiration suffoquée, saturée dans le vrombissement d’une accumulation de tintements retentissants. Le frottement causé dans les moniteurs engourdit les quelques auditeurs, comme un rappel permanent au calme et à la sérénité.

On reconnaît à l’écran la forme de quelques visages illuminés par la bienveillance, sur lesquels constelle la pollution jalouse de crépitements intrusifs. Dans un tremblement globuleux, l’artiste persiste au ralliement de présences invisibles, créant l’impression frêle d’un ensemble d’ombres allongées. Le fracas turbulent de la chute se perd dans les cimes inachevées.

Un lustre vitreux cristallise une implafonnable nostalgie, atavisme inconditionnel des origines où l’on n’était pas encore. Le musicien nous explose, au creux de la gravure vandale d’une lourde agonie où se troublent les échos déchus dans l’échec flagrant. Ce reproche interminable est mis en relief par la profondeur d’un espoir dont chaque déception provoque le renouvellement immédiat.

Une petite pause pendant laquelle le monde démontre un certain enthousiasme fait gage de l’attention apportée au travail du performeur par cette soirée tranquille. Les conversations se font rares durant cette période remplie de bruits.

La seconde partie du numéro ressemble à une catastrophe vécue dans un vaisseau où la pesanteur n’existe pas. Une voix enrouée récite un message ponctué d’interférence comme le ferait la boîte vocale d’un vieux répondeur. La communication demeure stable, et semble rapporter un phénomène abyssal inusité. La confidence concerne probablement le déroulement d’une opération concertée avec son destinataire.

La projection fait montre de procédés rituels qui soulèvent des questions quant à leur nature. Le son d’une alarme crée un sentiment d’urgence, alors que le tableau de bord griche avec impertinence. On entend un bruit de friction rescapé, comme une scie à l’éther brûlant de l’acier. Un klaxon éternel ajoute au sentiment de panique. Un tourbillon de succion aérien désintègre le sourd bourdonnement de la gravité siphonnée. Les images tremblent, les ondes divaguent: une collision imminente est anticipée.

L’ambiance angoissante est interrompue par une rencontre subite avec un ordre suprême. Des troupeaux de filaments lumineux engouffrent la totalité de l’agitation restante dans une finale lointaine et résonnante.

 

Today is the Day

Le groupe s’installe en formule duo, pour une première dans ce format à l’Anti, lui qui avait ouvert en trio pour Soulfly as Nailbomb le 16 mars 2018. Le batteur est de plus un nouveau venu dans la formation, et se présente sous le prénom de Colin. Le meneur du projet, Steve Austin, se place à gauche de la scène, tout près d’un ordinateur à partir duquel il démarre les séquences pré-enregistrées qui parsèment l’ensemble du numéro.

Les musiciens sont habillés sobrement, ayant chacun une chemise avec le premier bouton ouvert et des pantalons noirs, ainsi que la caboche calée dans une casquette monochrome. La seule différence d’accoutrement entre les deux réside dans l’emploi de manches et de culottes longues pour le chanteur, ce qui permet de camoufler ses tatouages et d’ainsi garder une allure chic malgré l’usure de sa calotte déteinte.

Avant de commencer, aux oreilles de tous, Austin offre candidement à Ethan de Spiritual Poison de se joindre à lui sur scène pour la onzième et dernière pièce du numéro, pendant laquelle est chantée « I can’tbewhatyouwant me to be, I’mdead ». Celui-ci se montre insistant lorsque Ethan lui répond avec un air embarrassé qu’il ne sait pas trop. On verra ce qui en sera, d’ici une bonne quarantaine de minutes.

Une brève et vaporeuse introduction permet aux deux membres du groupe d’occuper l’espace sonore avec leurs instruments avant d’entamer officiellement leur répertoire. Cela cause honnêtement un effet de surprise assez intéressant. Les premières pièces sont tirées de le la période classique du groupe, avec les six premiers morceaux figurant dans l’ordre sur l’album de 1999, In the Eyes of God. Plusieurs chansons sont ensuite tirées de leur premier album, Supernova.

Le fait de changer continuellement son alignement peut avoir l’avantage pour un groupe d’apporter des nouvelles interprétations à la musique, lorsque celle-ci laisse un peu de place pour l’improvisation. En revanche, pour arriver à cet agréable résultat, il est nécessaire d’appliquer une dose supplémentaire de travail. En apportant une attention particulière au jeu mutuel, il demeure possible d’atteindre un niveau acceptable de mise en cohésion.

Ici, la complicité entre les musiciens n’est pas très satisfaisante à observer, ce qui peut s’avérer frustrant pour n’importe qui connaît le groupe depuis près de vingt ans ou plus. Il semble malheureusement que chacun produit séparément ce qui est attendu de lui, ce qui par moment incite à commettre des différences d’accentuation qui ne peuvent être l’objet de nuances. Pour un groupe de plusieurs musiciens, cela se rattraperait probablement par l’association avec les autres instruments, mais encore.

Dans le cas d’un duo, il est difficile de résoudre de telles erreurs. Comme le batteur en demeure inébranlablement sûr de lui, c’est au chanteur-guitariste de justifier ces bévues dans le pittoresque, par des moues théâtrales ou des poussées vocales poignantes. L’exécution du batteur, bien qu’impeccable, manque un peu cette fougue rageuse qui caractérise habituellement la musique de Todayis the Day. Les refrains, normalement plus intenses en concert que sur album, en paraissent sensiblement amoindris, et l’énergie débordante du chanteur, alors qu’il hurle « Crucify Me !! », ne lui est rendue qu’en partie par son accompagnement tronqué.

Si le choix des pièces est effectué avec goût et style, le résultat en est plutôt audacieux. La sélection est similaire à celle présentée lors de la tournée avec Kayo Dot en 2017. Toutefois, en l’absence d’un bassiste, les sections instrumentales manquent de leur lourdeur fondamentale. Cela est fâcheux, surtout compte tenu du fait qu’un joueur de basse accompagnait le groupe quelques semaines auparavant (voir la vidéo du 14 juin à Brooklyn sur Youtube).

La douzaine de personnes dispersées dans la salle manifeste un emportement spasmodique. Les lumières rouges reflètent la tension palpable des accords joués à la guitare. L’instrument le plus important du numéro, la guitare, doit être changé et raccordé à quelques reprises, ce qui suggère que l’ampleur dysharmonique est due au désajustement des notes. Je suis d’avis que c’est plutôt l’intensité du jeu de Austin qui en perturbe le réglage.

Une pièce annoncée comme étant l’œuvre de Christopher Cross commence et se termine avec des notes de pianos en arrière-plan. Il s’agit d’une valse langoureuse, surmontée des quelques passages où la guitare accompagne parfois en tremolo le chant majoritairement a cappella.

La chanson suivante est un retour au son plus fort et lourd du groupe, avec ses frappes solides et ses bruits stridents. Il s’agit de la pièce titre de son opus de 2014, Animal Mother. Les couplets de ce morceau reposent crucialement sur un motif répété à la basse qui supporte les notes plus aiguës. Cet agencement de l’instrumentation n’a pas lieu cette fois.

Austin, le chanteur-guitariste, lance sa casquette loin de lui sur la scène et s’écrie plaintivement « Nothing for me !! Look whatyou’vedone !.. ».  Les applaudissements sont loin d’être timides au terme de cette pièce envoûtante. L’accord mélodique joué au plectre en guise de sortie se termine sur un « Thankyousomuch » appuyé par le commentaire « En formule intime ! » d’un des spectateurs.

Les deux derniers morceaux sont joués avec beaucoup d’émotion et d’intensité. Les cymbales sont nombreuses, et les gestes sont exaucés. Le numéro se termine sur les notes méditatives de la pièce titre de l’album Temple of the Morning Star, à laquelle ne s’est finalement pas joint leur partenaire de tournée. Une finale agenouillée, une supplication pénible, le pic est lancé au milieu des spectateurs. Les remerciements pleuvent, se multiplient envers Olivier qui s’est occupé du son, et envers Hank Austin, fils de Steve, pour sa présence unique.

 

Buñuel

Le groupe italien Buñuel se produit pour la deuxième fois au Canada, après avoir participé au 39e Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville (FIMAV) en 2023. Un léger changement a depuis été effectué dans la formation : le bassiste a été remplacé. Un truc n’a pas changé cependant, le bassiste du groupe joue toujours sur un instrument avec un manche en aluminium. Les quatre musiciens s’installent rapidement, et commencent leur numéro de façon abrupte.

La musique du groupe est très aérée. Elle comprend beaucoup de moments où presque rien n’arrive; comme de brefs instants d’attente. Cette particularité apporte un effet de contraste, et met d’autant plus en valeur les passages endiablés. Les musiciens démontrent une double nature, à la fois calme et déchaînée.

Les membres sont vêtus avec une certaine mesure d’accoutrement. Le chanteur se démarque par ses vestes en cuir ouvertes sur de gros tatouages, son pendentif représentant une étoile de David, ainsi que deux morceaux de ruban électrique collés de part et d’autre de la tête. Celui-ci se déhanche de façon élégante et affirmée, en assumant une indifférence qui fonctionne avec le côté voyou du groupe.

Le guitariste profite des moments de pause pour employer des positions inattendues. Par exemple, il se pose en tenant sa guitare la tête en bas au milieu de son corps, tout juste à la bonne hauteur pour laisser émerger son cou et sa propre tête. Son regard se perd alors dans le lointain de la salle. Le batteur opère quant à lui promptement, et ne semble pas indulger aux dépenses inutiles d’énergie.

La deuxième pièce reprend sur l’état d’exaltation contenue qui caractérise l’entrée en matière du groupe. Le chanteur fait preuve d’une maîtrise époustouflante de lui-même, ce qui rend sa présence formidable et imposante. La basse est puissante, parfois augmentée d’effets synthétiques. Les musiciens sont coordonnés, leur jeu est réglé à la montre.

La structure des pièces est décousue, ce qui ajoute un effet de foire burlesque à la performance. Le premier solo de guitare est joué en aphasique, et la pièce se conclut sur l’un des nombreux hymnes accrocheurs qui suivront. On a l’impression d’être complice d’un mauvais coup bien accompli dans un désert où les lois chancellent. Le sérieux des musiciens camoufle une source d’intelligence inépuisable et de raillerie moqueuse.

La musique respire énormément, ce qui laisse beaucoup de marge de manœuvre au chanteur. Celui-ci occupe à lui seul une partie importante du numéro. À quelques occasions, il est appuyé par les battements soutenus de la grosse caisse de son partenaire responsable des percussions. Les retours à l’ensemble sont toujours opportuns, et exécutés au même degré d’excellence. Les compositions du groupe sont balancées.

La musique porte à l’élévation, comme les solos de guitares projetés en hauteur, et la voix du chanteur chargée de grâce lyrique. Un rythme parfois gauche accompagne ses propos teintés d’une maladresse assurée. Un côté épique agit merveilleusement avec la verve indéniable du groupe, et les intentions claires du chanteur expriment une authenticité qui inspire confiance. L’insistance portée sur certaines notes est parfois déstabilisante, que ce soit celles portée sur les accords de guitare, sur les harmoniques nébuleux de la basse électrique, ou sur la voix relâchée du chanteur.

La septième pièce du numéro, intitulée Killing on the Beach, est l’une des pièces publiées comme single, avec un vidéoclip dans lequel le chanteur porte un habit doré. Ce morceau, bien qu’il soit présenté publiquement comme façade promotionnelle, est l’un des plus chaotiques de la soirée. Le contretemps frappé à la batterie déjoue la ligne sinueuse de la basse, tandis que quelques slides de guitares l’éclaire.

La huitième chanson qui suit se base sur un accord joué à la basse avec un style rappelant celui d’une harpe. Cela pose une ambiance un peu tendue, mais pas trop forte, et laisse l’opportunité de bien discerner les paroles répétées: « Do youhear me ? — Fromasheswegetdust — We all could die … ». Pendant ce temps, le guitariste patiente dans une torpeur stoïque. Le morceau est long,et à leur tour, les interventions de la guitare ajoutent de la couleur à la structure. Un court motif est échangé avec la basse. « Is hedead ? » demande le chanteur. La batterie augmente sa vitesse. Le trouble s’accentue jusqu’au sommet où tout s’éteint.

La soirée se termine rapidement, sous de modestes acclamations, quoique méritées. Le guitariste de Buñuel se poste aussitôt à la table des ventes de marchandise pour échanger quelques mots français avec le public. La soirée s’est bien déroulée pour tout le monde, et ce fut agréable de découvrir ces projets artistiques dans un format plus intime.

-Luc Belmont

Born Of Osiris//The Browning//Convictions @ La Source de la Martinière, Qc – 27 juin 2025

Voici le compte rendu de Luc Belmont et les photos prises par Emilie Hould lors du spectacle de Born Of Osiris présenté par District 7 Production au La Source de la Martinière de Québec le 27 juin 2025 et qui mettait également à l’affiche The Browning et Convictions.

Retour sur le spectacle

Dans le cadre de leur tournée pancanadienne de 21 dates, l’association formée des trois groupes américains Convictions, The Browning ainsi que les fameux Born of Osiris, est de passage à Québec. Une soirée qui prouve le professionnalisme des musiciens et de leur équipe dans leur capacité à gérer une salle telle que celle du bar La Source de la Martinière. La musique prévue pour tôt, j’arrive pile à 19h. La cour extérieure déjà s’était emplie. À mesure que l’auditoire se rassemblait pour assister au concert, les ventes s’accumulaient autant pour les artistes que pour l’employé débordé du bar. Deux premiers groupes exposaient sur la terrasse drapeaux, vêtements et disque alors que les produits offerts par la tête d’affiche occupaient toute l’espace de l’entrée en plus de l’espace ordinaire du vestiaire : revêtements thermiques pour canettes de bière, chandails pour tout le monde, affiches à effigies variées, la discographie représentée en de multiples supports physiques : le prix du tout listé sur deux pages d’indications. L’ampleur d’un musée qui accorde le temps de se glisser avec justesse vers la scène.

 

Convictions

Le groupe est acclamé par une foule ayant laissé un grand espace vacant au milieu de la salle. La place se trouve préparée à recevoir du son furieux. Le groupe Convictions s’engage sur un cri puissant du chanteur principal, perché à en frôler le plafond sur une estrade de deux pieds installée au centre de la scène. 

Les deux guitaristes produisent des bruitages garnis d’effets loufoques afin de ponctuer les sections plus rugueuses qui les jumèlent aux secousses de la batterie. Le jeu du batteur, dernier membre original du groupe, est franc et direct. Son instrument rend les frappes vigoureuses qu’il lui assène avec l’aplomb d’une main experte. Les pédales attachées à ses grosses caisses roulent en trombe. D’un côté, le guitariste, celui avec les cheveux longs, appuie par moments l’orateur principal avec une voix malheureusement un peu trop sourde pour rivaliser avec la prestance imposante de son acolyte.

Chaque pièce a sa partie plus calme pouvant varier en proportion. Parfois la structure de la chanson permet aux élans plus rythmés des couplets de se poursuivre dans le refrain, de sorte que la coupure est exercée avec une certaine fluidité, ce qui favorise un assemblage de styles plutôt agréable. Des interludes à sonorité électronique relient certaines sections à l’intérieur des pièces, lesquelles sont toutes organisées autour d’une séquence préparée et omniprésente qui agit comme fil conducteur tout au long de la performance. La trame de fond complémente au fait que le groupe se débrouille sans son bassiste, qui a quitté le groupe plus tôt cette année. Ce dernier a confié publiquement via son compte Instragram personnel que les relations difficiles qu’il entretenait avec les autres membres auraient motivé son départ. Tandis qu’il ne semble toujours pas avoir trouvé de nouveau groupe auquel se joindre, le groupe n’a pas non plus été en mesure d’ajouter un bassiste à leur alignement pour le remplacer.

Un effet d’entraînement certain affecte particulièrement la foule, et il en témoigne de l’enthousiasme manifeste des participants qui occupent l’espace central de la salle. Il y en a du mouvement, au plus grand plaisir du chanteur, qui n’hésite pas à jeter de l’huile sur le feu entre les chansons, avec des appels à l’agitation pour faire sauter le public, dans une démonstration énergique de son plaisir : « UP! UP! UP! ». Plus le numéro avance, plus l’ambiance est disjonctée. Les couplets agressifs se succèdent à un rythme constant, et leur développement opère souvent par le procédé du ralentissement abrupte et des interruptions saccadées. Convictions n’a déçu personne, sauf ceux qui sont arrivés après 19 :45, puisque le morceau qui termina à cette heure avait été annoncé par le chanteur comme étant leur dernier pour la soirée. À ce moment, un partisan du groupe s’est exclamé : « Vous savez vraiment comment démarrer ça, une soirée ! » auquel le chanteur principal, ravi, répartit parfaitement : « Bien sûr, c’est notre travail ! ». Force était alors de l’admettre : la tâche était accomplie et ce, sur un solide temps.

 

 

The Browning

Une quinzaine de minutes allouée pour reprendre son air à l’extérieur, puis quelques sons d’appel retentissent en guise d’alarme et annoncent l’arrivée du prochain groupe. On s’exerce tant bien que mal à reprendre place dans la salle. D’un côté et de l’autre de la scène sont installés deux grands panneaux composés de huit rectangles qui passent du vert au jaune et au rouge. Le bout de chacune de ces installations projette sur le plafond une épaisse ligne fluorescente, en voie vers laquelle se forme un hologramme triangulaire dont la pointe fléchie par-dessous, et se perd parmi l’empilade de matériel de tournée qui couvre l’arrière de la plateforme sur laquelle performent les musiciens.

The Browning entame son numéro, sans s’adresser au public, avec la mélodie troublante de la pièce Wake Up, laquelle ouvre son dernier album OMNI. Cette courte pièce permet l’organisation des derniers réglages techniques avant que ne soit lancé le défilement ininterrompu de la portion de leur répertoire que le groupe a choisi de présenter durant cette tournée. 

Le jeu de lumières installé sur la scène est mis en valeur. Pendant un instant très bref, le batteur dévie légèrement de la trame sonore qui soutient toutes les pièces : le changement de tempo trop précipité de sa part l’obligea d’effectuer une presque imperceptible compensation dans la mesure. Le guitariste joue moins souvent qu’on l’entend sur sa guitare; il devient évident que l’absence de bassiste est aussi suppléée de la même façon que l’a fait le premier acte de la soirée.

Le chanteur fait montre de sa versatilité en combinant divers styles de vocaux extrêmes avec des passages de chant semi-parlé. Celui-ci occupe fermement la partie gauche de la scène, près d’un séquenceur aux boutons lumineux qu’il ne parait pas pour autant manipuler. La musique du groupe est fondée sur un style électronique, ce qui se traduit dans une généreuse distribution de passages où domine une trame préenregistrée, des passages technos qui donnent une ambiance de rave au tournant du bug de l’an 2000. 

Le chanteur n’échappe pas une occasion pour inviter le public à se mouvoir de façon chaotique, comme lorsqu’il annonce Poison, le troisième morceau : « Don’t wait for it, pull a man and move around ! ». Cette pièce reflète bien l’aspect un tantinet ironique du groupe. La batterie relaie sa brutalité avec les sons synthétiques sombres et postapocalyptiques. Les rythmes mitraillés à la grosse caisse font également partie de l’équation; celle-ci se résout dans un fracas mécanique qui écorche les textures technos et les cadences industrielles. 

L’ambiance générale est très festive, ce qui favorise la danse et les élans du cou qui font balancer la tête. La sixième pièce Carnage offre un bout de bataille de rap entre le chanteur et le guitariste, Les deux se regarde en se faisant de l’attitude de gangster. La pièce suivante, Bloodlust, est tiré du premier album du groupe, Burn This World, qui date de 2011. Pour l’occasion, le chanteur demande à la foule de chanter avec lui à en faire exploser l’endroit : « Make this room explode ! ». Cette pièce se distingue des autres par les sons de violons que comprend l’accompagnement préenregistré, et elle e se referme sur un chant scandé avec la participation du public « Ba la la la la, dap dap ! », auquel répond exactement le segment de batterie. 

Un solo du batteur permet au chanteur de se réunir pendant une minute avec son guitariste qui change d’instrument derrière la scène, et le groupe se rassemble à nouveau pour délivrer les deux pièces les plus rapides et intenses de leur numéro. Enfin, ils nous offrent un hommage à un morceau très connu, qui aura probablement influencé en bonne partie l’esthétique de leur musique. Je laisse à la discrétion du lecteur le loisir d’aller découvrir ce single, publié cette année, en révélant seulement comme indice le fait que l’éclairage était alors tout bleu.

 

 

Born Of Osiris

Personne n’attendait dehors lorsque la machine à fumée est allumée par l’employé de soutien du groupe Born of Osiris. C’est lui qui demande à la foule compacte de s’écarter pour laisser passer les quatre musiciens qui ont peut-être perdu l’habitude de frayer ainsi leur chemin. L’estrade sur laquelle montait le chanteur de Convictions est remis : le chanteur de Born of Osiris s’en sert pour s’approcher plus avant, et serrer les mains, échanger des salutations avec le public qui acclame la tête d’affiche. 

La musique s’amorce avec un morceau mélodique et complexe à la guitare qui fait honneur à l’aspect mystique qu’évoque le nom du groupe. L’espace est saturé par les tintements intriqués des cloches de cymbale et les fugues synthétiques des séquenceurs. Le chanteur est dans son registre le plus perçant; rien de tel n’avait été poussé comme cri jusque-là dans la soirée. La structure des premiers morceaux se meut sans cesse dans de nouveaux motifs, agençant subtilités et prouesses. 

Les narrations musicales du groupe s’enfoncent continument dans d’obscures confins où s’élancent des harmoniques stridentes, et où l’agressivité des sections rythmiques se surenchérissent solidairement. Les chants menés avec un talent innovant sont envoutés par les mélodies d’accords simples et gracieux, jusqu’à ce que l’ébranlement des boutades méticuleuses nous amène au point culminant qui permet au groupe de se présenter tout humblement à l’audience qui en raffole. La deuxième pièce sur la liste offre les premiers solos de guitare, qui sont joués avec beaucoup de style et d’audace. Il faut allouer qu’ils sont des maîtres dans l’art de créer des outros mémorables qui ressortent littéralement du reste de la pièce. Tout le monde a le loisir d’attester de la chimie d’écriture qui existe au sein de cette association de virtuoses. Un génie vaporeux, talisman d’une expertise décennale, circule à travers la salle.

Les deux hologrammes triangulaires se font pyramides en étirant les barreaux de leur base dans les airs, ou en la multipliant en grillages lasers. Les gens du plancher sont invités à se presser entre eux pour faire de la place aux tourniquets humains. Le meneur du groupe ne lâche pas son micro, il impose honnêtement sa présence, et porte une attention constante aux gens qui se dressent devant lui. Il me rend souriant les cornes que je lui envoie de mes doigts de démon. Les colonnes d’éclairage tournoient comme des chouettes encarcannées sous les stroboscopes qui ne clignotent pas sans me rappeler que la dernière fois j’avais vu Born of Osiris au Dagobert (circa le 18 février 2014). Les six raies de lumière grise et rougeâtre qui en sortent percent des trajets à travers les danseurs erratiques. 

Si le soliste de gauche, qui manipule un séquenceur déposé là depuis le début de la soirée, bénéficie d’un son idéal pour faire valoir son instrument, il est malheureusement très difficile d’entendre celui qui performe à droite de la scène. Celui-ci dû d’ailleurs faire pendre sa longue frange capillaire pour rattacher ses souliers à l’aide de ses doigts aux ongles tendus de verni noir, cela pendant que j’allais me positionner vis-à-vis son amplificateur pour mieux apprécier la qualité de ses initiatives, qu’un certain déséquilibre des fréquences m’empêchait de percevoir jusqu’à ce que je m’éloigne un peu de la scène. Son son était tout simplement moins compressé, et comptait plus pour la frontière externe de l’enveloppe sonore. L’équilibre est donc un fait propagé qui permet un expérience locale diversifiée. 

Un premier candidat se voit porté à bout de bras par le public vers l’avant de la scène, où l’employé de soutien du groupe n’hésite pas à intervenir pour assurer la sécurité de tous. L’incident survient à plusieurs reprises tant le rythme est entraînant. On annonce aussitôt que la prochaine pièce sera lourde, ce qui parait être une blague pour quelques secondes de douce musique. On n’entend plus rire lorsque la cymbale chinoise sonne comme un tas de vaisselle qui s’écroule. Un des quatre photographes ayant contribué à l’immortalisation de cet événement inusité brandit alors une tige télescopique lui permettant de pénétrer plus intimement dans la bulle des musiciens. Les lumières épuisent une panoplie de couleurs extravagantes, et les mélodies s’en retrouvent confortées.

La chanson Silence the Echo fait partie du matériel plus rangé du groupe, avec son propos libre et engagé sur un techno épique. Le refrain est proéminent : un chant abîmé, presque mélodieux. Chaque couplet est bien marqué tant les changements sont définis. La chanson finit par fusionner toutes ses parties dans un ultime assemblage. La sixième pièce du numéro opère dans un langage robotique le monologue cryptique d’une reconstruction historique provenue de l’éveil biologique de la conscience. On célèbre cette découverte en frappant nos mains ensembles : « Put your hands up !! Hey ! Hey ! ». Personne n’a mine à badiner sur la scène; les coups de quincaille compétitionnent avec les cris déchaînés pour obtenir à eux seuls l’attention du technicien de son qui, du haut de sa console immense, se régale parmi les échanges des solos qui se répliquent effrontément entre eux. 

Le morceau suivant, tissé dans une cohésion astucieuse, allie la dureté d’une armure ancienne à la douceur des étoffes les plus dispendieuses. Pendant une petite pause où on peut entendre jacasser des enregistrements oiseaux, le chanteur invite le public à exprimer ses remerciements pour les groupes précédents. Les guitares envoient réverbérer leurs notes sur des roulements tapageurs, puis le chant se calme dans une dynamique plus conventionnelle. Comme toujours, un passage plus tranquille se voit massacré bien avant d’être endossé par ces marchands de force sonique, cette fois par degrés de ralentissement écrasant. 

La pièce The Searching, leur plus rapide de la soirée, fût dédié aux amateurs de l’album phare du groupe, The Discovery (2011), qui hurlaient « Hey ! Hey ! » pendant la majeure partie de celle-ci. Un métalleux hésitant se confia ensuite à son pair : « J’ai le goût de backflip ..! ». Le batteur avait une de ces façons de s’introduire en confondant toutes les possibilités, ce qui déstabilisait parfois même le chanteur. À l’occasion celui-ci, le sourire fendu, secouait la tête avec hébétude en reprenant son rôle à deux mains sur le micro. 

La sélection offerte par le groupe ne laissait pas de fournir du matériel excessivement impressionnant, et délivré avec méthode. Les motifs mélodiques départagent à l’occasion un refrain chanté du cœur, et les assauts sont d’autant plus menaçant que muet est le silence qui les fréquente. Les compositions fonctionnent par couches, lesquelles s’imbriquent selon l’espèce d’anarchie qui fait voir l’ordre dans le chaos contenu. Un clin-d’œil au jazz décontracté, des saccades de la caisse claire comme du rock gras et classique se combinant dans un morceau où l’espace est scié face à la verve assumée de celui qui occupe la plus haute marche du podium. 

Un homme a sorti de sa poche, comme par magie, une faible flamme odoriférante, ce que le chanteur n’a pas manqué de souligner. Les mélodies, d’un trouble mélancolique, émettent ensuite des cendres funèbres. On ne paie plus cher de sa peau « Save your fucking ass !!! ». Le numéro s’éteint sur une note terrible. Heureusement, le rappel survient, appuyé par l’approbation chantée du public, qui connait toutes les paroles par cœur. La balade « This is just you and me … » fait guise de berceuse, et on remercie chaleureusement. En paix, chacun se retrouve rempli de toute la grâce dégagée au cours de cette soirée unanime.

Le spectacle s’est terminé à 22:30, pour une durée totale de 210 minutes incluant les pauses entre les groupes. Ces moments sont nécessaires pour aller respirer un peu, car l’air climatisé de la thermopompe ne suffit pas en été à maintenir près de deux cents personnes au frais dans une ambiance aussi endiablée. Malgré tout, l’effet d’intimité que crée ce bar-spectacle peut en faire un endroit mémorable pour les groupes, et le bruit pourrait aussi bien courir parmi la scène metalcore américaine que la ville de Québec est un endroit spécial où jouer.

-Journaliste: Luc Belmont
Photographe: Emilie Hould

Selias//Morbistery//Shapeless Matter//Postluven @ Scanner Bistro, Québec – 6 juin 2025

Voici le compte rendu de Luc Belmont lors du spectacle de Selias présenté par Stage Fright Entertainment au Scanner Bistro de Québec le 6 juin 2025 et qui mettait également à l’affiche Morbistery, Shapeless Matter et Postluven.

————————————————————————————————

Retour sur le spectacle

Vendredi dernier, la scène du Bistro Le Scanner se trouva prise d’assaut lors du passage de la tournée Summer Shakedown pour souligner la visite du groupe de métal mélodique torontois Selias.

 

Postluven

Le programme de la soirée affichait quatre groupes au total, dont le premier, Postluven, foula les planches surélevées un peu avant les onze heures. Cette formation originaire de Terrebonne est composée de quatres jeunes musiciens énergiques et solides, avec un talent qui dépasse leur enthousiasme inébranlable. Chacune de leurs sept pièces est montée dans le respect et la méthode issue de la période classique du thrash métal, constamment porteur du brin de brutalité qui tirent le sol fertile des racines du death métal. La batterie bourdonnait à un rythme constant avec des riffs accrocheurs et parfois techniques : difficile de se reposer le cou à les entendre.

 

Shapeless Matter

Le deuxième groupe était en provenance du Saguenay, la formation Shapeless Matter se présenta sur scène avec des costumes originaux inspirés de l’univers steampunk et de la noblesse des siècles baroques. Leurs compositions forment un univers sombre et mélancolique, parsemé de ballades etd’échappées mélodiques. Le groupe lance un défi à son auditoire, en créant des attentes qui sont aussitôt renversées par une structure imprévue, tout en conservant une cohérence et une logique permettant d’atteindre des sections instrumentales de plus en plus complexes et de déployer leurs chants démesurément épiques. Il faut mentionner que le groupe a joué quelques-uns de ses singles, notamment Hollows of the night et Infect your mind, disponibles sur les applications de streaming. Ces deux chansons sont orientées vers un format plus standard, présentant leur côté accessible sans pourtant occulter jusqu’où ils travaillent un style complexe et agressif.

 

Morbistery

La soirée fut ensuite remise entre les mains sans merci de l’impitoyable groupe local de death groove Morbistery. Ces quatre musiciens orchestrent un savant mélange de fréquences : l’harmonie se fait entendre dans la justesse et la précision des progressions et des solos. Ces hommes sont des vétérans qui ne demandent pas leur place, ils sont des maîtres dans le style hautement prolifique des années 90, et ils s’imposent avec sérieux. Un bref moment de silence lors d’un léger ajustement de la batterie : « Arrête de frotter tes peaux ! ». C’est tout ce qui a échappé de comique de cette demi-heure totalement dévastatrice et purement ingénieuse.

 

Selias

Finalement, le clou devant frapper le terme de la soirée fut laissé à l’entreprise de Selias, groupe à la tête d’affiche de leur tournée Killkarma. Tous les détails de cette tournée sont disponibles sur le site internet du groupe et pour voir les autres dates de spectacle au Québec. Seulement mentionner que les informations qui s’y trouvent semblent un peu vagues : le spectacle au Scanner y était annoncé pour 19h. Lorsque je me suis présenté vers 18 :30, je suis juste tombé sur les gars de Postluven qui venaient tout bonnement d’apprendre que le spectacle ne devait commencer qu’à 23h. Disons que pour un groupe de Terrebonne, ça signifie rentrer chez soi bien plus après minuit qu’ils étaient en droit de s’y attendre, et peut être même empiéter sur leur précieux temps de pratique. Selias ont commencé à s’installer vers 1h, et à voir leur état de fatigue, eux-mêmes ne paraissaient pas s’attendre à commencer si tard. Malgré tout, leur son était impeccable et l’exécution parfaite. Le style de ce groupe est assez innovateur, apportant une ambiance post-industrielle à un metalcore méticuleux et mélodique. Ces créateurs de sonique font preuve d’une certaine réserve dans l’instrumentation,ce qui rend l’écoute agréable et donne un effet entrainant. On assiste à des refrains nébuleux appuyés des hurlements mythiques du chanteur principal. Le son de la guitare est très compressé, ce qui apporte une touche rythmique percutante, tandis que les syncopes des caisses de tambour sont réglées au compas de Pythagore.

 

La soirée s’est terminée sur de chaleureux remerciements adressés à Paul Lanoue de Stage Fright Entertainment parmi les célébrations joyeuses des spectateurs satisfaits.

-Journaliste: Luc Belmont