Bleeding Remains//Acetone//Rite Of Decay @ Taverne La Barricade, Lévis – 18 octobre 2025

Voici le retour de Luc Belmont lors du spectacle de Bleeding Remains présenté à la Taverne La Barricade de Lévis le 18 octobre 2025 et qui mettait également à l’affiche Acetone et Rite Of Decay.

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La soirée d’une nuit à La Taverne Barricade. Au calendrier, alors qu’une musique de défenestration s’est jouée l’allure devant une foule monstre des ténèbres. Comment commencer mieux l’orgie sonore qu’avec un groupe ayant torturé des cauchemars.

 

Rite of Decay

Numéro un dans le top trois des bands qui a allumé ses amplis le plus avant les autres au spectacle, ROD est un groupe de musique métal qui torche le plancher des vaches en salle, dressant les boeufs. Pour ceux qui connaissent pas le groupe Rite of Decay ressemble un mini peu au Rive Sudiste Brutal Slam incorrigible que tu as déjà entendu par le vestige obscure de la contrée pastorale. Il y a des affaires mélodiques qui ne plaisent pas à l’oreille des curés de paroisse, mais qui passent au conseil dans le tri sélectif des esprits malsains de ROD. Une leçon de vie qui parle de mort, avec des conseils pour être bon à la guitare en messages subliminaux, constitue l’essence même de l’égrenage des secondes que le contenu préparé par Rite of Decay nous enlève de souffrir. La vitesse est l’un des excès les mieux promus par la propagande riffique de ce trio d’influenceurs au goût musical verni comme un vieux vinyl old school. La preuve que la brutalité n’est pas gage de méchanceté s’expose dans le livré orageux des lévisois lévisiens qui se mouvoyaient de joie dans l’extase audio procuré par ROD. Une seule et unique chose est sûre après ce défrichage des voies à l’usine, et c’est le tournant progressif des compositions rocambolesques, où les désirs obsèdent chaque témoin du maléfice, où le mystique et occulte secret voilé est mortuaire. Moi je vote pas, mais à vous d’aller écouter Instrumentalities of Flesh en essayant de ne pas vous sentir comme un·e « esti » de con·ne qui a jamais rien fait de bon dans vie. Je sais pas si ROD ils ont fait exprès pour que le monde pense qu’ils avaient fini de jouer, mais un rappel hâtif pour une première partie a achevé la minute passée.

 

Acetone

Descendu par le bois du Parc des Laurentides pour nous montrer leur EP Left To Rot, ce band a fait de la soirée un rituel de culte bizarre. Comme si on avait besoin de trouver que Acetone est un bijou incontournable qu’on veut revoir bientôt. J’ai eu plein de eye contact pendant leur set parce que le monde se demandait quand même c’est quoi qui se passait de autant intense. Des fois on était rendu dans un espace virtuel très confortable créé par les détails musicaux acheminés. J’adorais surtout les passages allongés où on dirait que le groupe essaye de communiquer un état impénétrable de son existence lugubre. J’ai écouté chaque note avec un intérêt dubitatif comme s’il manquait la suivante. Un mot revient souvent en voyant cet excellent groupe : OK, genre « oké, y sont sérieux ». Okay j’ai la chance d’être dans la même pièce que les amplis de ces gars-là. Pour vrai, il n’est pas gênant d’admettre que je suis fan. Une tonne de brique en styromousse me ferait moins jouir. Il y avait des fantômes qui erraient dans le décor sombre des cryptes ondulés à travers lesquels Acetone nous faisait voyager dans l’univers des champignons psychopathés raide. J’ai entendu la guitare vouloir arrêter de pleurer deux secondes, mais le duo basse et batterie a tellement géré le pépin technique que ce fut l’un des forts moments d’union compatriotique. J’ai acheté toute leur marchandise. Toute. Leur. Stock. Varge.

 

Bleeding Remains

L’auteur du spectacle a été à la hauteur des choses expectées, car Bleeding Remains fût l’hôte de chair et d’os. « Je te donne et tu reçois », voilà le slogan qui ressort de cette prestation étagée que BR a brûlée dans le temps de le dire. J’ai vu des choses que je ne comprenais pas se passer devant ma vue d’oeil. J’ai entendu des sons que je ne voulais pas subir dans mes oreilles sourdes. Le délire était ultime, comme une brèche dans l’outre-tombe sanguinaire. Je n’ai pas la permission de dévoiler quelconque machinerie enseignée par ces experts de la violence auditive douloureuse. Quel manque de gentillesse de la part des rythmes impitoyables et de la musique folle de rage dans BR. J’étais après sauter sur le dos des autres autour de moi en tournoyant. Le vidéoclip saura vous dire. Le jeu du carré a gâché mon spectacle parce qu’il siégeait toute mon attention de maniaque troublé. En plus, les gens je voulais les rencontrer avec beaucoup d’insistance, mais ils ne me fournissaient à retordre aucun fil en aiguille. Qui n’était pas smath au show ? Le bassiste qui joue aussi dans Wodos avec Justin Caron a perdu sa strappe environ deux fois, mais le gars à côté de moi, voisin de table auprès du Roi Arthur et du Saint-Graäl, lui a tout remis ça sur l’épaulette de chef. Le beurre et l’argent du beurre, en pièces d’or. J’ai entendu des cris que je ne pourrai jamais crier fort de même. On a pas eu fini de péter une coche avant que l’hommage à Deche-Charge vienne. Une partie de poker n’aurait pas mieux tourné sur le 21 que le set de Bleeding Remains, qui a offert aux amateurs de bardas une recette à se lécher le doigt d’honneur.

Au final on s’entendra pour dire que la Taverne Barricade est une bonne place pour inviter des groupes de fignolage. Dans l’ordre, il y eut Rite of Decay, Acetone et Bleeding Remains.

-Journaliste: Luc Belmont
Crédit photo: Nathan Bouchard

Insade//Hunt The Shark//Obelisk @ Scanner Bistro, Québec – 30 août 2025

Voici le retour de notre journaliste Luc Belmont sur le spectacle de Insade présenté au Scanner Bistro de Québec le 30 août 2025 et qui mettait également à l’affiche Hunt The Shark et Obelisk.

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Une soirée imprévisibleet remplie de surprises s’est déroulée au cœur du centre-ville de la capitale nationale en ce 30 août dernier. Deux groupes de Montréal ayant à leur actif quelques EPs de Death métal sont venus partager la scène avec le groupe local de métalcore Hunt the Shark, actif depuis déjà plusieurs années, mais qu’on n’a pas souvent la chance de voir performer dans nos débits de boisson.

 

Obelisk

La soirée a commencé dans un désordre inattendu, alors que les imposants Obelisk ont accablé le sinistre couloir du bar de leurs vibrations négatives et malsaines. Les lampes diodés de la salle avaient du mal à supporter un son aussi lourd, et tellement pesant que la vitesse du son obstruait le pénible progrès de la lumière. L’effet hypnotique était facilementcontré par la puissance des décibels qui vrombissaient sur le feutre des hauts parleurs excédés. Le trio a saccagé les minutes qui lui étaient accordées en délivrant avec fureur les pièces de sa composition, qui figurent au premier plan de leur répertoire. La sélection des morceaux présentés par le groupe était encombrée par les excroissances des mutations hostiles générées par la savoureuse mixture de son style unique, fissuré de Sludge et de Death Doom. J’étais outrageusement déçu de les voir terminer sur une note dont la profonde mélancolie m’a pénétré un creux d’âme jadis insoupçonné.

 

Hunt the Shark

Le groupe local avait attiré pas mal de ses partisans pour remplir la soirée de présences. Hunt The Shark a profité de sa période d’exhibition pour faire montre d’un professionnalisme complet, en distribuant les couplets mélodiques et les breakdowns bien préparés pour répondre aux besoins de défoulement de la salle. Personnellement, j’ai trouvé que le dosage de brutalité était un peu faible comparativement aux autres groupes avec lesquels Hunt The Shark partageait la scène, mais cela ne m’a pas empêché de reconnaître le talent et surtout le niveau élevé d’inspiration dont bénéficie le groupe. Je faisais beaucoup de liens avec des groupes que j’écoutais étant plus jeune, et il m’a semblé que je manquais quelque chose de ne pas avoir plus écouté leur matériel avant de me pointer à leur performance. Il semblait tellement satisfaisant pour ceux qui les connaissaient déjà de clamer certaines paroles en chœur avec le chanteur. Je les ajoute définitivement à ma liste d’écoute dédiée à la nostalgie du metalcore mélodique.

 

Insade

Ma plus grande surprise de la soirée a certainement été celle que m’a créé l’apparition du groupe Insade, se produisant dans un tout nouveau format, en tant que quatuor désormais, constitué d’un membre supplémentaire qui s’occupe exclusivement de crier. Cette mince occupation lui permet de bénéficier d’une mobilité accrue dont il s’est servi amplement dans le petit espace du Scanner. Il se mouvait avec une aisance qui accentuait la complicité dont il s’était donné la mission de développer avec l’audience. Le groupe a surtout joué des nouvelles pièces, ce qui m’a laissé bouche bée, car j’étais un grand fan de l’ancien matériel publié par le groupe. Rien ne m’avaitlaissé présager la direction du changement de style qui a été opéré dans les derniers mois. Pour un groupe qui s’était fait un nom en tant que pourvoyeur de Death métal classique avec des touches de technicalité, j’ai été laissé sur ma faim. Je vais probablement en surprendre plus d’un en qualifiant leur style de Deathcore mélodique mi-doux. Je ne suis pas convaincu que leur numéro a vraiment réussi à impressionner qui que ce soit après le passage des deux excellents groupes qui les avaient précédés. L’exécution était plus ou moins correcte, et c’est normal si on considère que la grande majorité des pièces qu’ils ont joué était du nouveau matériel composé en collaboration avec ce nouveau vocaliste.Il manquait un peu de cohésion dans l’ensemble, qui en était à sa première sortie publique avec le nouveau venu (si on compte le show de la veille dans le même paquet). J’ai malheureusement eu un peu de misère à les prendre vraiment au sérieux étant donné leur position dans l’alignement de la soirée. Je crois qu’ils auraient mieux paru s’ils n’avaient pas endossé le rôle à partir duquel ils devaient faire culminer le spectacle dans l’extase collective. Peut-être n’étais-je pas le seul à m’être laissé berner par les attentes produites à l’audition de leur excellent répertoire passé, qui malheureusement doit désormais gésir dans les annales. 

Pour conclure, je dirais que le spectacle s’est soldé comme ayant été une espèce de « coming out » de la part du curieux groupe qu’est devenu Insade. J’étais particulièrement heureux de voir Hunt the Shark sortir de leur garage pour l’occasion, et je me suis engagé avec la bête dans un pacte de fidélité sempiternel envers l’immense découverte que m’a été le groupe Obelisk.

-Luc Belmont

QCDM BBQ VI @ L’Entité, Trois-Rivières – 18-19 juillet 2025

La sixième édition du QCDM BBQ Fest avait toujours lieu cette année en plein cœur du centre-ville de Trois-Rivières. Pour l’occasion, le site de l’événement s’étendait sur deux salles conjointes dans la même bâtisse. Les parties s’alternaient entre deux bars disposés sur deux étages pour cet événement monstre, qui a réuni 23 groupes et une foule de supporteurs de musique extrême. Les prestations se sont déroulées sur deux jours, entre 15:30 et 00:00. La scène secondaire, celle du Steak Liquide, est située au fond d’un petit bar qui donne au niveau de la rue. Le cadre y était plus en mode showcase, ce pourquoi la place était facilement paquetée. La scène principale se trouve à l’étage, dans l’assez vaste salle de spectacle du bar l’Entité. Un barbecue installé sur la terrasse-balcon permet aux participants de l’événement de se restaurer avec d’excellents hot-dogs et (cheese)burger faits avec amour, ou de prendre un peu d’air au besoin.

 

Vendredi 18 juillet 2025

Acetone

(Saguenay, Québec) 15:30 – 16:00 @ Scène Steak Liquide

Death metal de la vieille école, surtout dans sa lourdeur et dans l’orientation mélodies dont l’inspiration est sans doute puisée dans un bon répertoire d’œuvres classiques du genre. Les deux guitares se complètent souvent dans un arrangement d’harmonisation. Celle du chanteur est bien présente pour soutenir les passages dédiés au soliste Vladimir Jobin. L’emphase placé sur la créativité dans les parties instrumentales fait en sorte que leur style de composition se rapproche du Thrash technique. Le groupe a présenté en primeur sa nouvelle pièce intitulée Molten Remains, qui paraîtra sur le prochain LP à venir.

 

 

Catastrophic Hemorrhage

(Brantford, Ontario) 16:00-16:30 @Scène L’Entité

Deathcore punitif qui entretient la manie des longues fessées. Le côté slam est omniprésent dans leurs chansons, tant qu’on en subit les relents même pendant les blast beats. Leur style est agréable en ce qu’il recourt à un degré de complexité sans artifices, juste assez suffisant pour les exigences du genre. Les cinq musiciens ont présenté des pièces fraîchement préparées pour leur plus récent EP paru un mois auparavant. L’une d’elles devait probablement se terminer en fade out puisque le chanteur nous informe que le riff « goes on for a long time ». Il a suivi en introduisant son morceau préféré du EP, Rotten Specimen, un peu plus rapide que les autres, et dans lequel il fait montre de ses plus remarquables prouesses gutturales.

 

 

Spitpool

(Québec, Québec) 16:30-17:00 @Scène Steak Liquide

Slam Death très assumé et qui ne ménage pas les claques. Le groupe est composé de six membres, dont deux vocalistes, tous rassemblés en cette occasion pour offrir leur toute première prestation publique, enfilant en version intégrale leurs quelques EP. Bien que criblé de quelques blast beats, les tempos sont très mid en général, et ponctués d’immenses coups assénés sur une caisse claire qui pète des gueules. L’ambiance était bonne, et on aurait même dit des fois que la musique se cassait tellement ils en donnaient. Le style est très épuré et comprend une touche d’originalité qui se remarque surtout dans la façon dont les riffs s’imbriquent. Pour livrer le breakdown introduit par un « tabarnak » bien placé sur la pièce Québectomy, John Mayer, vocaliste de NecroticGoreBeast, a été invité à prendre place au micro.

 

Human Compost

(Toronto, Ontario) 17:00-17:30 @Scène L’Entité

Deathgrind brutal et progressif dévoué au culte de l’horreur et du gore. Le groupe s’est présenté en format réduit en raison d’un problème de poignet souffert par le bassiste, absent pour cette raison. La qualité générale du son n’en a pas trop perdu puisque quand même bien remplie par les deux guitares. Cependant, l’effet de pesanteur en a certainement écopé lors des passages plus lents, mais ceux-ci sont rares. Les pièces prennent leur forme plutôt dans l’alternance d’une variété de pulsions oscillant entre les blasts et les skank beats. Le chanteur fait parvenir du fond de ses tripes les sons puissants par lesquels il domine l’ensemble, et quelques solos saturés d’effet de réverbération couvrent leurs interludes lugubres. Le numéro s’est terminé avec la pièce Decomposed (Degradation of a Virgin Corpse) qui figure sur le premier EP du groupe, paru en 2018.

 

Recorruptor

(Lansing, Michigan) 17:30-18:00 @Scène Steak Liquide

Death mélodique — L’événement a dû être interrompu à ce moment en raison de l’absence du groupe Recorruptor, qui apparemment se serait séparé en plein milieu de leur présente tournée. La musique du groupe, qui se décrit comme touchant des éléments de black métal mélodique et de deathcore, est toujours disponible sur les plateformes numériques.

 

 

Purgatoire

(Est du Québec) 18:00-18:30 @Scène L’Entité

Death métal old school à la sauce du Québec, Purgatoire s’est imposé sur la scène principale du festival avec une constance marquée par la lourdeur. Le vocaliste du quatuor s’est montré très impliqué à faire lever le party au sein de son public : « Eille réveillez-vous tabarnak ! ». Les rythmes variés sont contenus dans une approche traditionnelle du genre. On ne tarit pas les clins d’œil aux différents styles avoisinant comme le Thrash metal, le groove metal, et même le mince/grindcore par moments. Le groupe a principalement puisé dans le répertoire de son premier album Passé décomposé paru en 2016, mais nous a également offert le morceau intitulé Ordre funèbre, à paraître sur le prochain album en préparation. Cette pièce, très rapide, est la preuve que leur démarche artistique n’entend pas inciter au repos.

 

Root Cellar

(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:30-19:00 @Scène Steak Liquide

La formation Root Cellar a été appelée à remplacer le groupe Primal Horde qui a malheureusement dû annuler sa prestation à la dernière minute. Les membres de Root Cellar, tous présents sur le site pour profiter des spectacles du jour 1, avaient évidemment leur propre plage horaire, prévue pour le lendemain. Ils ont été le seul groupe à expérimenter les deux scènes. Cela a eu pour avantage de permettre à l’auditoire d’apprécier les différences de chacune d’elles. Je vais m’attarder plus à leur musique lors de la rubrique dédiée à leur performance sur la scène principale. Je tiens toutefois à mentionner ici qu’un bon effet de surprise a pu être conservé pour la deuxième journée, puisque lors de cette première prestation, la place de la batterie dans le mix était un peu exagérée par rapport à celle des autres instruments. Malgré ce déséquilibre, leur apparition sur la petite scène est restée un de mes coups de cœur de la fin de semaine.

 

 

Servile Conceptions

(Los Angeles, Californie) 19:00 – 19:30 @Scène L’Entité

Blackened death metal (death métal infusé de métal noir) constitué de trois membres dont le guitariste est responsable de la section vocale. Le groupe a commencé en puissance avec ses morceaux les plus rapides et techniques, entre lesquels le public les a vivement acclamés. Les blast beats en continue s’emboîtaient parfaitement avec les affaires compliquées de la guitare et de la basse. C’était véritablement impressionnant à voir et à entendre. Ensuite ils ont démontré un côté plus progressif et savant, avec de longues progressions d’accords dissonants et des solos un peu fromagés. Leur discographie, bien que limitée à un mini album paru en 2013 qui suivait leur démo, suffit amplement à monter un numéro satisfaisant.

 

 

Exotoxic

(Shawinigan, Québec) 19:30-20:00 @Scène Steak Liquide

Parmi les pionniers du grindcore québécois, Exotoxic joue un death metal garroché à la façon punk. Je les décrirais comme un groupe qui aime croire et veut convaincre que le chaos est une bonne chose. À cet effet, l’argument est sans faille. L’approbation est manifeste puisque tous hochent de la tête au gré des rythmes cathartiques.  Leur son tempéré, livré avec une certaine économie de fréquences qui rend l’ensemble très cohésif; c’est comme si le groupe était un seul et même instrument. La basse crue du chanteur ressortait agréablement du lot par moments, lorsque sa voix caverneuse ne récitait pas ses chants de révolte. Ils nous ont joué dans son intégralité leur premier démo Face the Facts, nouvellement renippé pour le format digital, qui se trouve désormais disponible en téléchargement libre sur la plateforme Bandcamp.

 

 

Nervous Impulse

(Montréal, Québec) 20:00-20:30 @Scène L’Entité

Grindcore moderne, fortement influencé par le Brutal death metal. Le groupe s’est présenté pour la première fois en quatuor, avec leur nouveau chanteur Spencer Blass qui faisait son tout premier show avec eux. Il a très bien géré, surtout en considérant la large palette de cris qui était auparavant couverte par deux personnes. Le vocal s’ajoute au même niveau que les autres instruments, dans un bloc perpétué d’agression sonique. Le guitariste alterne entre le son sourd et clair, en utilisant parfois les accords plus sophistiqués qu’on entend par exemple dans le disso-death, genre qui émerge tranquillement depuis son institution par les fameux Gorguts. Le groupe procède par coupures abruptes et emploie les accelerandos, dont l’un des plus intenses s’étirait sur presque 30 secondes. L’aisance du batteur est remarquable, lui qui devient gaucher pour effectuer ses gravity blasts, et détend momentanément la chaîne de sa caisse claire lorsqu’il doit signaler une transition par une frappe solo. Je l’ai même vu se pencher pour prendre une nouvelle baguette sans même que le rythme effréné n’en soit le moindrement affecté. Pour son originalité et son implacabilité, Nervous Impulse s’élève en tant qu’ incontournable du métal extrême.

 

Cenotaph

(Ankara, Turkey) 20:50-21:35 @Scène L’Entité

Brutal Tech death — Technical Brutal death — difficile de trancher. Le niveau d’habileté démontré par les musiciens est si élevé qu’il me paraît réducteur de les considérer principalement comme un groupe de Brutal death, mais ils sont si brutaux que le côté technique paraît plutôt accessoire, simplement inhérent aux compétences inouïs des musiciens. Cenotaph ne fait pas que reproduire la même esthétique de violence depuis plus de 30 ans, ils incarnent le principe même d’évolution. Ils semblent s’interdire la répétition. Une maîtrise inaliénable de la forme musicale leur permet de s’en servir comme objet de défoulement, cible de torture. Les attentes que nous susciterait un groupe de Brutal Death plus traditionnel sont forcés dans des contorsions peu confortables, et les harmoniques pincées en sont comme les plaintes éparses, les gicleurs. Autant était-il souvent impossible de saisir un instant entre deux coups de caisse claire que parfois il semblait ne pas y en avoir pendant plusieurs mesures. Ce fut le cas par exemple lorsqu’ils nous ont joué une pièce de l’album Putrescent Infectious Rabidity (2010). L’agitation de la foule m’a emporté, et si bien que j’y ai malencontreusement perdu mon carton d’accès pour le festival. Heureusement, à la fin du numéro, le chanteur Batu m’a sauvé la vie et m’a aidé à la retrouver. 

 

 

Morpheus Descends

(Middletown, New York) 21:55-22:40 @Scène L’Entité

Death doom métal à thématique d’horreur psychologique. Bien que le groupe existe depuis 1990, sa discographie est plutôt frugale : un seul album paru en 1992 et moins d’une demi-douzaine d’enregistrements mineurs. Pourtant, c’était l’un des numéros les plus complets, et l’un des répertoires les plus variés de la fin de semaine. Le groupe sait comment bien exploiter le spectre du Death métal, et il se permet d’étirer quelques fois ses notes les plus exquises, d’où le côté plus Doom à l’occasion. Au fond, ils ressemblent beaucoup à un groupe comme Incantation, mais avec beaucoup de références à d’autres styles comme le Thrash métal et parfois le Brutal Death dans le style iconique de Butchered At Birth. La limite au côté extrême du groupe se rencontre aux bouts qui ralentissent : plutôt que de faire du Slam, ils s’en vont carrément dans le Doom. Le bassiste était très occupé de son manche, qu’il tenait presque debout vis-à-vis de sa tête, et semblait captivé par les contes horrifiques que déballait le chanteur.

 

 

Malignancy

(Yonkers, New York) 23:00-00:00 @Scène L’Entité

Death metal (ultra-)technique avec un côté grindcore qui ressort par son attitude punk et hardcore. Le groupe ne sombre pas dans la brutalité, mais plutôt dans une folie disjonctée qu’il transmet à travers des pièces décousues dont le rythme est si souvent interrompu que personne n’arrive jamais vraiment à bien suivre ce qui se passe (à moins d’avoir écouté les albums à plusieurs reprises!). Heureusement que les musiciens sont arrivés plus que préparés, car le tout aurait facilement pu faire fiasco. Ceux-ci en ont visiblement profité pour s’éclater de plaisir, comme le suggérait le non-verbal du guitariste Ron Kachnic (Pyrexia, ex-Mortician), qui sautillait sans cesse, tournait sur lui-même et se promenait partout sur la scène. Le niveau d’attention porté aux détails dont fait preuve cette troupe de virtuoses défie les lois de l’intelligence humaine, et informe au passage de la limite que les sens peuvent nous imposer à la conscience. La deuxième pièce jouée, Neglected Rejection, qui se retrouve sur l’excellent album Inhuman Grotesqueries (2007), est un parfait exemple de ce qui nous a défilé dans les oreilles pendant une heure. Les brèves petites pauses entre les morceaux étaient toujours accompagnées par le visage souriant du chanteur Danny Nelson. Celui-ci alignait l’une après l’autre les blagues hilarantes. Par exemple, pour nous inciter à acheter un album, il annonce qu’il s’agissait du dernier spectacle « ever » du groupe. Ensuite, à la fin d’une pièce, il déclare que puisque nous semblions avoir aimé celle-ci, il allait nous la rejouer immédiatement. Les musiciens ont alors fait mine de la recommencer pendant une seconde. Puis, une autre fois, il nous informe que : « If this sounds discontinuous, this is purely on purpose ! ». Le bassiste ne pouvait pas lâcher son manche des yeux, et le très jeune prodige de la batterie Nikhil Talwalkar (Anal Stabwound) qui accompagnait le groupe pour cette tournée, se tenait la bouche fermée en mordant ses lèvres de l’intérieur. Après tout ce qui s’est passé pendant cette incroyable journée, rien de mieux qu’un groupe qui met la barre aussi haute de Malignancy pour mettre un terme aux activités, et tout le monde se dit : « À demain ! ».

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Samedi 19 juillet 2025

 

Sentiment Dissolve

(London, Ontario) 16:00-16:30 @ Scène L’Entité

Tech Death Progressif avec un petit côté metalcore mélodique bien plaisant.  Le groupe est de formation récente, ayant seulement 6 chansons sur leur bandcamp. Elles sont cependant de bonne durée compte tenu du côté progressif très prononcé de leur musique. Le groupe a profité de sa tribune pour tester quelques nouvelles compositions dont Sementelligence, qui fut de loin ma préférée de leur numéro. Le groupe a beaucoup de potentiel, chacun des musiciens prend sa place d’une façon qui lui est propre et qui favorise l’exhibition de ses talents. Leur attitude légère et parfois comique servait parfaitement à la situation, qui devait nous amener tranquillement à un état d’éveil auditif, et nous préparer à une autre grosse journée de ce qui se fait de plus fort comme métal. Du reste, n’allez pas croire que Sentiment Dissolve est une band soft, car leur niveau de tapage et de criage n’avait rien à envier aux autres groupes. Le prochain album promet d’être épique.

 

 

 

Oath of Anguish

(Montréal, Québec) 16:30-17:00 @ Scène Steak Liquide

Brutal death metal très old school, avec le côté hardcore qui a mené au Slam. Le groupe opère une cadence constante et modérée qui rappelle celle d’un tuyau d’échappement de moto, du genre de celles avec les poignées du guidon élevées très haut par-dessus le casque du chauffeur. Le chanteur a une façon particulière d’étirer sa mâchoire pour donner à sa voix une expression monstrueuse, comme celle que je m’imagine qu’aurait le boulanger démoniaque qui figure sur l’affiche officielle du QCDM BBQ VI. Le guitariste employait un son de wah-wah pendant ses solos, ce qui ajoutait un côté hard rock qui faisait bien avec le style posé du groupe. Le groupe a annoncé qu’un nouvel album était à venir, et a présenté une pièce qui figurera sur celui-ci. Rien pour décevoir les fans, car le groupe est en pleine connaissance de ce qui le caractérise, et semble travailler à perfectionner son style en expérimentant avec prudence.

 

 

Angel Morgue

(Manchester, New Hampshire) 17:00-17:30 @ Scène L’Entité

Death Metal blasphématoire, incorporant la fougue anti-religieuse de la première vague Black Metal et l’oppression méditative du Funeral Doom. Le groupe commence dans la une salle où les spectateurs commençaient à remonter peu à peu du premier étage. Récemment reformé après une séparation de quelques années, le groupe a présenté son matériel en trio, tandis que deux membres (un chanteur et un guitariste) n’étaient pas en mesure de faire le chemin jusqu’au Canada. C’est sans le moindre inconvénient que le seul guitariste présent, Leonard Trombly, s’est chargé de remplir le rôle de chacun. En plus de jouer des morceaux parus sur leur démo (2017) et sur leur sublime opus In the Morgue of Angels (2020), ce trio de fortune a également propulsé quelques pièces qui feront partie du prochain album en préparation. La musique du groupe installe l’ambiance solennelle d’un deuil qui, porté à culmination par une satisfaction malsaine, inspire une espèce de sentiment d’expansion spirituelle assez indéniable. Le groupe expérimentait une nouvelle formule dans la structure de son numéro, lequel était construit de façon à ce que soit placé en position centrale, comme sur un podium, le solo de guitare de la pièce The Sigil and The Key. Le résultat en fut des plus saisissant, et le solo joué avec le recueillement cathartique d’une profonde tristesse.

 

 

Badass Commander

(Québec, Québec) 17:30-18:00 @ Scène Steak Liquide

Death métal old school à thématique militaire, inspiré de près dans son esthétique et sa musique par le pilier du métal extrême britannique Bolt Thrower. Le groupe présentait un nouveau set constitué exclusivement de chansons qui se retrouveront sur l’album Intense Combat Experiment, à paraître au courant de l’automne. On peut déjà entendre un extrait via le single Shards of Metal, un court morceau qui laisse comme un arrière-goût de débris d’artillerie en bouche. Il s’agira d’un deuxième opus pour le groupe, dont le seul matériel actuellement disponible est compacté sur le solide mini-album Bad Intentions. À noter que le groupe a changé de stratégie depuis sa formation, en confiant désormais les principales missions vocales à Steve Jonk (ex-Mesrine, The Mighty Megalodon). Ils recrutent ainsi dans leurs rangs un collaborateur de longue date, ce qui contribue certainement à accentuer la chimie nucléaire déjà existante entre les membres de ce projet de métal martial.  

 

 

Root Cellar

(Halifax, Nouvelle-Écosse) 18:00-18:30 @ Scène L’Entité

Goregrind technique, le groupe incarne le décorum horrifiant d’un antre de collectionneur homicidaire. Chaque musicien revêt un masque brunâtre et une chemise carottée en lambeaux. Quelques têtes de poupées sont piquées parmi eux sur des pieux, comme les membres fantômes d’un orchestre macabre. Les boutons de la pédale multi-effets d’un des guitaristes sont remplacés par des poignées d’armoires, ce qui donne l’impression qu’on se trouve dans l’intimité broche à foin d’une famille de timbrée qui fait n’importe quoi de ce qu’il a. La musique, quant à elle, frôle le niveau d’achèvement d’une scène qui passe au montage. Le batteur possède une manière authentique de démolir le rythme en se servant de ses toms et en brisant le rythme avec une approche polymétrique. Le groupe a performé une reprise d’un groupe « que vous connaissez fortement bien », un classique de Deicide, en plus de plusieurs morceaux tirés de leurs deux EPs actuellement disponibles. Quelques-unes de celles-ci sont introduites par des extraits de films, qu’il n’en tient qu’à vous reconnaître, ou de retrouver en parcourant les slashers les plus obscurs. 

 

 

Mortal Rites

(Gatineau, Québec) 18:30-19:00 @ Scène Steak Liquide

Death thrash aux accents progressifs. Le groupe est composé de quatre membres, dont deux guitares. Le chanteur tient entre ses mains une guitare B.C. Rich; comme tous ses camarades. La sienne est moulée sur le modèle de Chuck Schuldiner : comme son style de vocal, brumeux et soutenu. Celui-ci décide que le meilleur moment pour clancher ses solos, c’est sur les blast beats. Les riffs passent parfois par un côté plus Doom, traînant dans une démarche visqueuse, puis déclenche un effondrement de fréquences. Les références aux bons vieux bands old school pleuvent pendant les interludes, et on apprend que le nom du groupe est une radicalisation du titre du demo de Morbid Angel. L’emphase de la prestation est mise sur le dernier EP du groupe, Death in Heaven, Life in Hell, paru en décembre 2024. Si bien qu’on nous conseille de « n’allez pas écouter notre démo ». Pour leur premier show à Trois-Rivières, les gars ont réussi à créer un lien avec le public. Actifs depuis peu, on s’attend à les revoir. 

 

 

Decerebration

(Québec, Québec) 19:00-19:30 @ Scène L’Entité

Brutal Death métal old school qui fait autorité dans la scène locale. Le groupe possède un côté mélodique marqué par une sincérité troublante, et la force que dégage sa retenue crée un effet d’attraction invitant. Le rythme est parfois syncopé, et les guitares jouent les mélodies en harmonie. Les cinq musiciens perpétuent une entreprise fondée depuis plus de 30 ans, avec quatre albums et deux démos. Les riffs sont délicieusement menaçants, et nous rappellent qu’on est tous dans le même bateau. Le groupe entretient un côté très rassembleur, et le chanteur, malgré son aspect intimidant lorsqu’il performe, s’investit avec le public entre les chansons. Le groupe a présenté des pièces de son dernier album, Follow the Scars, paru en 2021.

 

 

Cystic Embalmment

(Montréal, Québec) 19:30-20:00 @ Scène Steak Liquide

Goregrind à la lettre livré dans une enveloppe punk racornie. En mode trio pour l’occasion, Cystic Embalmment fût le dernier groupe à occuper la petite scène du bar en bas. Quelque chose comme un « boost » dans les fréquences moyennes de la guitare permettait de l’entendre mieux qu’il n’avait encore été le cas en ce lieu. Cela a été très bénéfique au côté rock ‘n’ roll dans le tapis du groupe, qui ressortait ainsi bien plus facilement du jeu précis du guitariste. Le rythme accrocheur était souvent poussé à des vitesses excessives, lorsqu’il n’était pas disséqué en bris répétés. Le bassiste utilisait deux micros dont l’un passait dans un effet de transposition vers les sons plus graves, ce qui donnait l’impression d’entendre un démon hanter le cauchemar d’un patient de l’hôpital psychiatrique. Quelques notes brèves apportaient souvent des sonorités Death métal à leurs riffs rebelles et fuyants. Le batteur joue impeccablement une grande panoplie de blast beats et ses punchs étaient droit comme l’édifice du grindcore traditionnel. La foule nombreuse, massée dans l’espace étroit qui entourait les musiciens, applaudissait chaleureusement à toutes les occasions que la moindre pause leur offrait.

 

 

Zero State

(Blainville, Québec) 20:00-20:30 @ Scène L’Entité

Death metal qui tire d’importantes influences du thrash metal, surtout dans ses parties instrumentales dont l’écriture attribue une place centrale aux solos de guitare. Le groupe est composé de cinq musiciens, nombre qui a augmenté récemment depuis l’addition d’un deuxième guitariste. Celui-ci comble un rôle hyper-important qui l’apporte à soutenir la lourdeur écrasante qui croule sous la pluie des notes aiguës du soliste. Il ajoute une couche de fracas, et soulève les poussières du chaos qui peuple le néant. Le groupe aborde des thèmes liés aux comportements des psychopathes dans un monologue introspectif. Certains couplets ont l’urgence d’une panique apocalyptique. Le tout dernier mouvement de la pièce Lethal Gateway constitua un moment spécial, glorieux et unanime.

 

 

Obsolete Mankind

(Montréal, Québec) 20:50-21:35 @ Scène L’Entité

Death métal brutal et impitoyable. La puissance dévastatrice de ce groupe se déploie comme l’éboulement de tout un continent. Obsolete Mankind fait dans le gros bûchage. Son côté plus groovy, qui contribue une touche de Slam, est très bien représenté par la pièce Manufactured Enthusiasm, qu’ils ont joué avec une rage hors scrupule. Pour leur première apparition en cinq ans, le groupe est arrivé plus que préparé. Le public bougeait activement, et rendait l’énergie électrisante qui circulait dans la salle. Ils ont joué une nouvelle chanson qui laisse présager la sortie d’un futur album. La pièce en question est initiée par un blast beat interminable qui se boucle sur une petite surprise. On a fait l’éloge de la bière nommée selon le premier album du groupe, Dystopian Heuristics, laquelle est brassée par la Brasserie Nouvelle-France. Celle-ci s’était donné le mandat de servir des rafraîchissements spécialement brassés pour le festival. 

 

 

Pyrexia

(New York, New York) 21:55-22:40 @ Scène L’Entité

Brutal Death metal fondé dans la scène hardcore new-yorkaise. Le groupe faisait rebondir tout le monde sur le plancher. Les musiciens étaient en perpétuelle interaction avec les spectateurs, comme pour les inviter à montrer leur plus solide charpente. L’ambiance inclusive a décuplé lorsque le groupe a invité tout le monde à grimper sur la scène, qui s’est alors presque remplie. Actif depuis plus d’une trentaine d’années, le groupe possède un répertoire très étendu. Une pièce du numéro était tirée de leur tout premier album Sermon of Mockery, ainsi que d’autres de leur classique System of the Animal, récemment ré-enregistré intégralement par ses nouveaux membres pour en constituer une version réactualisée. Le résultat est très réussi. Ils ont également joué la pièce Wrath, lancée avec un vidéoclip dans lequel le groupe est représenté par des dessins animés. Ce simple est un échantillon promotionnel annonçant la sortie d’un nouvel album, Unholy, prévue pour le mois prochain. Le groupe vient tout juste d’être annoncé comme faisant partie de la prochaine tournée de Krisiun, qui sera de passage à Québec et à Montréal fin novembre. Soyez-y !!

 

 

Incantation

(Johnstown, Pennsylvania) 23:00-00:00 @Scène L’Entité

Death doom métal qui devrait pouvoir se passer de présentations. Le groupe mené par le chanteur et guitariste John McEntee était de passage à Trois-Rivières dans le cadre d’une tournée spécialement consacrée à leur tout premier long-jeu Onward to Golgotha (1992). McEntee a profité de l’occasion pour souligner le décès d’un des collaborateurs à la conception de cet album, le bassiste Ronny Deo (1974-2022). Les deux tiers de leur performance étaient donc entièrement constitués de pièces tirées de cet album. Dès la première note, on reconnaissait la signature sonore du groupe. Les subs étaient pleinement exploités, et on en ressentait la vibration dans la poitrine. Le groupe entonnait sa symphonie de fausses notes comme une oraison funèbre prédicatrice. Le style d’Incantation est un mélange unique de rock baveux et de solennité malveillante. McEntee a profité du fait que l’attention du public convergeait vers la scène pour donner lieu à quelques excentricités, comme celle d’exiger que tout le monde lève la main pour lui montrer des cornes. Un des participants du festival, qui portait une prothèse de tête à forme conique, est monté sur la scène pour donner une bière au chanteur. Comme rien, il a laissé une prothèse identique à la sienne au pied de McEntee, qui s’en est vite aperçu : « This might be the stupidest thing in the world, but sometimes you gotta do what you gotta do ! ». Après avoir posé quelques secondes avec le truc sur la tête, John s’est ressaisi : « I’m not playing with that thing ! ». Leur numéro a beau avoir été le plus long de la fin de semaine, on en demandait encore plus. Les célébrations se sont terminées avec un sourire sur tous les visages.

 

La sixième édition du QCDM BBQ fut plus qu’un succès; elle réaffirme que ce rendez-vous est un incontournable pour les amateurs de musique extrême. Certains membres de l’audience étaient partis de l’Ontario, d’autres du New Hampshire pour assister à ce festival unique. On y découvre des groupes d’ici, les nouveaux comme les vieux de la veille, des groupes venus de l’étranger, et certains bijoux sortis des confins obscurs de la scène underground. Un gros merci à toute l’équipe d’organisation, aux bands, et à tout le monde qui est venu en profiter, les encourager et les supporter groupes.

-Journaliste: Luc Belmont
Photographe: Pierre-Luc Forest

King Parrot//Squid Pisser//Bonginator @ L’Anti Bar & Spectacles – 12 août 2025

Voici le compte rendu de notre journaliste Luc Belmont lors du spectacle de King Parrot présenté par District 7 Production au L’Anti Bar et Spectacles de Québec le 12 août 2025 et qui mettait également à l’affiche Squid Pisser et Bonginator.

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Retour sur le spectacle

Un autobus, une roulotte et une remorque U-haul étaient stationnés devant l’Anti Bar et Spectacle en ce mardi soir extrêmement chaud et humide. L’air climatisé de la salle était invitant, et incitait à demeurer à l’intérieur pendant les moments où les musiciens s’installaient. Il était alors possible d’admirer les oeuvres disposées sur les marchandises offertes par les groupes.

 

Bonginator

Bonginator, contrairement à ce que son nom suggère, n’est pas un band de stoner. Pas pantoute. Le quatuor joue du métal de la mort, avec une touche un peu mélodique qui rappelle Carcass. Les solos de guitares sont mélodieux, et surtout quand les deux guitaristes s’y mettent en même temps. Il y a le grand chanteur qui fait taire sa guitare pour annoncer la suite: une chanson sur les Ninja Turtles, Blood Diner, qui commence avec des échantillons de séquences tirées de la série de dessins animés. Le bassiste jouait sur un instrument avec une étiquette au bout du manche, comme s’il l’avait loué dans un pawn shop. À moins qu’elle était à vendre pour payer le gaz pour retourner à Boston. De son côté, le soliste principal arbore fièrement une petite chemise Hello Kitty en mettant sa guitare en joue comme un fusil d’assaut. Il semblait viser la tête du monde. Sa chemise affichait tellement de minous dessus que j’entendais des miaulements sortir de son amplificateur. Le groupe joue sur des instruments accordés très bas, et son rythme souvent lent suggère qu’ils sont friands de lourdeur. J’appuie cette thèse en citant le titre 420-pound Poop, qui figure sur leur dernier album intitulé The Intergalactic Gorebong of Deathpot paru en 2024. Cette toune-là est moins mélodique que les autres, on y perçoit une grande influence du Slam Death, sans trop changer le style généralement plus accessible qui caractérise le groupe. On a vu quelques fous courir en rond pendant celle-ci. À un moment, pour aucune raison apparente, une bière s’est écoulée au pied du chanteur. Pour remédier à la situation, un fan du groupe est allé chercher un immense rouleau de papier brun. Il a torché ça. Le groupe a fini avec la pièce Chopped to Pieces pour laquelle ils ont lancé un vidéoclip en 2023. Ce chef-d’œuvre audiovisuel permet de bien apprécier l’identité troublante et comique de ce projet de musique brutale.

 

 

Squid Pisser

Les musiciens sont entrés par la porte principale avec leurs costumes de scènes (voir photos). Au passage, le chanteur Tommy Meehan, dans son bomber en fourrure noire, a dévisagé de très près quelques spectateurs inquiets. Rien n’annonçait que le groupe allait vraiment jouer déguisés; on les avait vu installer leur matériel sur les planches en tenue conventionnelle (jeans déchirés courts et t-shirts aux manches coupés). Je fais l’économie d’une description de leur musique: ils sont à peu près les seuls actuellement à jouer de ce style de prog-violence unique inventé par The Locust (ThreeOneG Records). Il y a assez de choses à dire sur le comportement du chanteur Tommy Meehan pour remplir le paragraphe. D’abord, il faut dire que, lors de cette tournée, pour la première fois depuis sa formation, le groupe performe à quatre membres. Cela permet donc au vocaliste, qui assurait auparavant la guitare et le clavier en plus du chant, de libérer la bête de scène en lui. Le numéro est initié sans mot d’introduction, et le bruit commence. Après avoir vidé sur la foule toutes les bouteilles d’eau qu’il a pu trouver sur la scène, Meehan s’est mis à fouetter avec son fil de micro les gens qui se trouvaient assez proche de lui. Après avoir ainsi rapidement évacué un peu d’espace, il est débarqué de la scène et a fait le tour de la salle pour rassembler toutes les poubelles au centre de la foule, à l’endroit où se trouve normalement le mosh pit. La première, il l’avait montée avec lui sur la scène avant de me la lancer par la tête. Lorsque trois poubelles furent réunies, les gens allaient s’y asseoir à tour de rôle (du bord du trou). Meehan ne s’est pas arrêté là: il a continué de faire des aller-retours jusqu’au fond de la salle en confessant des secrets aux oreilles des spectateurs. Il est allé faire une chanson debout sur le bar de l’Anti en agitant son fil de micro comme une corde à danser, ce qui a complètement changé ma perspective sur l’endroit. Ensuite il est monté sur la scène avec une poubelle renversée sur la tête, qui lui cachait tout le haut du corps. Bien sûr, il avait son micro avec lui, et a performé la moitié de la pièce dans le contenant. Un ami vient tout juste de m’envoyer la vidéo qu’il a prise à ce moment, qui constitue un de mes plus beaux souvenirs à vie. Maintenant que j’y pense, je ne comprends pas comment il faisait pour rester synchronisé avec son groupe alors que la poubelle lui bouchait complètement le son. Après une minute, il s’est mis à tournoyer du tronc pour faire revoler la poubelle à sa place parmi l’audience. Il est redescendu de la scène pour plonger dans une autre poubelle, et cette fois il a fait un bout de chanson dans le sac. Lorsqu’il en est sorti, tous les déchets ont été répandus sur le plancher. La place est demeurée ainsi souillée pendant quelques minutes, puisque faut-il rappeler que tous étions avant tout plus qu’attentifs au délivré musical tordu qu’au reste. Ce n’est que lorsque Meehan lui-même, tout en chantant bien sûr, s’est mis à rentrer les vidanges dans leur corbeille que tous se serrèrent les coudes et se prêtèrent collectivement à la tâche. Leur numéro s’est conclu bien trop vite, et je cite mon voisin de pit : « Je sais qu’ils sont trop cool pour ça, mais j’en voudrais encore » ! Il y a parfois des moments comme ça qu’on ne sait pas comment on pourrait apprécier plus.

 

 

King Parrot

La troupe australienne est monté sur le stade pendant que jouait un fond de country très redneck. Le bassiste a enlevé son chandail pour se mettre à l’aise, un des guitaristes a enlevé ses souliers et ses pantalons. Le groupe a commencé en force avec du matériel très tapageur. Le groupe semblait entretenir un lien particulier avec certains des spectateurs. Précisément celui qui criait « Fuck You ! » pendant les moments de pause. Une espèce aigre-douce d’échange dialectique s’est installée ainsi. Parfois, l’homme nu ventre lançait quelque phrase incompréhensible dans le micro, ce qui semblait porteur d’une intention humoristique, dont témoignait seule la réaction des autres membres de King Parrot. Une minute a été consacrée à la prononciation du mot « tabarnak », qui sonnait différent avec l’accent australien que sans. Il y avait beaucoup de criage pour le monde. Le chanteur nous a fait promettre que s’il revenait à Québec chacun allait apporter deux amis, mais il a cru comprendre par les réponses du public qu’aucun des membres de l’audience n’avait tant d’amis que ça. Au bout de quinze minutes, la sélection musicale s’est orientée sur les nouveaux morceaux de l’album A Young Person’s Guide To paru il y a à peine trois mois. J’ai très vite reconnu leur énergie, qui se démarque à mon avis de ce qu’ils ont sorti auparavant. Une des plus grandes réussites de cet opus réside dans sa production impeccable, qui capture bien l’intensité furieuse de leur musique. Dès les premières notes de Get What Ya Given, le fan numéro un de la place a retiré sa paire de jeans et lancé ses gougounes dans les airs. Il a vite été invité à monter sur la scène pour l’orchestration d’un saut de foule. Cette gestion était nécessaire pour rapprocher l’audience peu dense. Cependant, coup de théâtre, quand la toune a commencé, au lieu de s’élancer dans les bras de ses compatriotes, dans un éclair, notre héros s’est enroulé le fil du micro autour du cou. Il a fait au moins une demi-douzaine de tours quand même bien serrés. Je voyais pas assez de lousse pour son menton. Le chanteur a alors appris la signification du mot qu’il avait massacré avec son accent de matey. Il tirait un peu sur le fil et notre icône avait l’air de commencer à étouffer. C’était vraiment difficile de juger de la situation pendant un long instant, jusqu’à ce que d’un bon coup le vocaliste réussisse à faire passer le menton de son protégé. Plus tard, le groupe a continué peut-être un peu trop, terminant la soirée sur Fuck You And The Horse You Rode In On, et on s’est fait montrer son cul par le chanteur.

 

Un beau petit mardi tranquille à l’Anti, qui a encore une fois prouvé la qualité de ses soirées. Le son était impeccable et l’air climatisé était appréciable. Dans la catégorie des groupes anglophones bizarres qui viennent jouer à Québec sans trop savoir à quoi s’attendre, ne ratez pas Kaonashi à la Source de la Martinière le mois prochain.

-Luc Belmont

BUÑUEL//Today Is The Day//Spiritual Poison @ L’Anti Bar & Spectacles, Québec – 6 juillet 2025

Voici le compte rendu de Luc Belmont lors du spectacle de BUÑUEL présenté par District 7 Production à L’Anti Bar & Spectacles de Québec le 6 juillet 2025 et qui mettait également à l’affiche Today Is The Day et Spiritual Poison.

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Retour sur le spectacle

Une soirée de musique bruitiste émise par trois formations dont chacune varie dans sa constitution. Petite déception quant à l’achalandage: la salle était à peu près vide quand le départ du concert est initié à l’Anti-bar et Spectacles, en ce dimanche pluvieux.

 

Spiritual Poison


Le premier acte est un projet solo d’Ethan Lee McCarthy, chanteur et guitariste d’un groupe pilier du Sludge métal, soit Primitive Man. Ce musicien prolifique n’est pas étranger à la salle de l’Anti, y ayant déjà performé avec son autre groupe les 26 mars 2018 et le 5 juin 2022, dates dont les premières parties avaient été assurées respectivement par Spectral Voice et Mortiferum.

Cette fois, le géant Ethan troque sa guitare et son micro pour une plateforme sur laquelle trône une quincaillerie d’appareils électroniques. Debout au milieu de la scène, nu tête, il reçoit le faisceau de lumière du projecteur qui défile le court métrage accompagnant les deux mouvements de son numéro.

Des motifs ornementaux produisent des dédales épineux et sombres. Au travers semble circuler un vent houleux, qui se heurte sur des parois insondables. La coloration de la pièce se fait matte, arriérée, et on savoure le cycle des sons à travers de multiples palettes d’arrière-goût.

Un aveuglement comateux ne laisse entendre qu’une respiration suffoquée, saturée dans le vrombissement d’une accumulation de tintements retentissants. Le frottement causé dans les moniteurs engourdit les quelques auditeurs, comme un rappel permanent au calme et à la sérénité.

On reconnaît à l’écran la forme de quelques visages illuminés par la bienveillance, sur lesquels constelle la pollution jalouse de crépitements intrusifs. Dans un tremblement globuleux, l’artiste persiste au ralliement de présences invisibles, créant l’impression frêle d’un ensemble d’ombres allongées. Le fracas turbulent de la chute se perd dans les cimes inachevées.

Un lustre vitreux cristallise une implafonnable nostalgie, atavisme inconditionnel des origines où l’on n’était pas encore. Le musicien nous explose, au creux de la gravure vandale d’une lourde agonie où se troublent les échos déchus dans l’échec flagrant. Ce reproche interminable est mis en relief par la profondeur d’un espoir dont chaque déception provoque le renouvellement immédiat.

Une petite pause pendant laquelle le monde démontre un certain enthousiasme fait gage de l’attention apportée au travail du performeur par cette soirée tranquille. Les conversations se font rares durant cette période remplie de bruits.

La seconde partie du numéro ressemble à une catastrophe vécue dans un vaisseau où la pesanteur n’existe pas. Une voix enrouée récite un message ponctué d’interférence comme le ferait la boîte vocale d’un vieux répondeur. La communication demeure stable, et semble rapporter un phénomène abyssal inusité. La confidence concerne probablement le déroulement d’une opération concertée avec son destinataire.

La projection fait montre de procédés rituels qui soulèvent des questions quant à leur nature. Le son d’une alarme crée un sentiment d’urgence, alors que le tableau de bord griche avec impertinence. On entend un bruit de friction rescapé, comme une scie à l’éther brûlant de l’acier. Un klaxon éternel ajoute au sentiment de panique. Un tourbillon de succion aérien désintègre le sourd bourdonnement de la gravité siphonnée. Les images tremblent, les ondes divaguent: une collision imminente est anticipée.

L’ambiance angoissante est interrompue par une rencontre subite avec un ordre suprême. Des troupeaux de filaments lumineux engouffrent la totalité de l’agitation restante dans une finale lointaine et résonnante.

 

Today is the Day

Le groupe s’installe en formule duo, pour une première dans ce format à l’Anti, lui qui avait ouvert en trio pour Soulfly as Nailbomb le 16 mars 2018. Le batteur est de plus un nouveau venu dans la formation, et se présente sous le prénom de Colin. Le meneur du projet, Steve Austin, se place à gauche de la scène, tout près d’un ordinateur à partir duquel il démarre les séquences pré-enregistrées qui parsèment l’ensemble du numéro.

Les musiciens sont habillés sobrement, ayant chacun une chemise avec le premier bouton ouvert et des pantalons noirs, ainsi que la caboche calée dans une casquette monochrome. La seule différence d’accoutrement entre les deux réside dans l’emploi de manches et de culottes longues pour le chanteur, ce qui permet de camoufler ses tatouages et d’ainsi garder une allure chic malgré l’usure de sa calotte déteinte.

Avant de commencer, aux oreilles de tous, Austin offre candidement à Ethan de Spiritual Poison de se joindre à lui sur scène pour la onzième et dernière pièce du numéro, pendant laquelle est chantée « I can’tbewhatyouwant me to be, I’mdead ». Celui-ci se montre insistant lorsque Ethan lui répond avec un air embarrassé qu’il ne sait pas trop. On verra ce qui en sera, d’ici une bonne quarantaine de minutes.

Une brève et vaporeuse introduction permet aux deux membres du groupe d’occuper l’espace sonore avec leurs instruments avant d’entamer officiellement leur répertoire. Cela cause honnêtement un effet de surprise assez intéressant. Les premières pièces sont tirées de le la période classique du groupe, avec les six premiers morceaux figurant dans l’ordre sur l’album de 1999, In the Eyes of God. Plusieurs chansons sont ensuite tirées de leur premier album, Supernova.

Le fait de changer continuellement son alignement peut avoir l’avantage pour un groupe d’apporter des nouvelles interprétations à la musique, lorsque celle-ci laisse un peu de place pour l’improvisation. En revanche, pour arriver à cet agréable résultat, il est nécessaire d’appliquer une dose supplémentaire de travail. En apportant une attention particulière au jeu mutuel, il demeure possible d’atteindre un niveau acceptable de mise en cohésion.

Ici, la complicité entre les musiciens n’est pas très satisfaisante à observer, ce qui peut s’avérer frustrant pour n’importe qui connaît le groupe depuis près de vingt ans ou plus. Il semble malheureusement que chacun produit séparément ce qui est attendu de lui, ce qui par moment incite à commettre des différences d’accentuation qui ne peuvent être l’objet de nuances. Pour un groupe de plusieurs musiciens, cela se rattraperait probablement par l’association avec les autres instruments, mais encore.

Dans le cas d’un duo, il est difficile de résoudre de telles erreurs. Comme le batteur en demeure inébranlablement sûr de lui, c’est au chanteur-guitariste de justifier ces bévues dans le pittoresque, par des moues théâtrales ou des poussées vocales poignantes. L’exécution du batteur, bien qu’impeccable, manque un peu cette fougue rageuse qui caractérise habituellement la musique de Todayis the Day. Les refrains, normalement plus intenses en concert que sur album, en paraissent sensiblement amoindris, et l’énergie débordante du chanteur, alors qu’il hurle « Crucify Me !! », ne lui est rendue qu’en partie par son accompagnement tronqué.

Si le choix des pièces est effectué avec goût et style, le résultat en est plutôt audacieux. La sélection est similaire à celle présentée lors de la tournée avec Kayo Dot en 2017. Toutefois, en l’absence d’un bassiste, les sections instrumentales manquent de leur lourdeur fondamentale. Cela est fâcheux, surtout compte tenu du fait qu’un joueur de basse accompagnait le groupe quelques semaines auparavant (voir la vidéo du 14 juin à Brooklyn sur Youtube).

La douzaine de personnes dispersées dans la salle manifeste un emportement spasmodique. Les lumières rouges reflètent la tension palpable des accords joués à la guitare. L’instrument le plus important du numéro, la guitare, doit être changé et raccordé à quelques reprises, ce qui suggère que l’ampleur dysharmonique est due au désajustement des notes. Je suis d’avis que c’est plutôt l’intensité du jeu de Austin qui en perturbe le réglage.

Une pièce annoncée comme étant l’œuvre de Christopher Cross commence et se termine avec des notes de pianos en arrière-plan. Il s’agit d’une valse langoureuse, surmontée des quelques passages où la guitare accompagne parfois en tremolo le chant majoritairement a cappella.

La chanson suivante est un retour au son plus fort et lourd du groupe, avec ses frappes solides et ses bruits stridents. Il s’agit de la pièce titre de son opus de 2014, Animal Mother. Les couplets de ce morceau reposent crucialement sur un motif répété à la basse qui supporte les notes plus aiguës. Cet agencement de l’instrumentation n’a pas lieu cette fois.

Austin, le chanteur-guitariste, lance sa casquette loin de lui sur la scène et s’écrie plaintivement « Nothing for me !! Look whatyou’vedone !.. ».  Les applaudissements sont loin d’être timides au terme de cette pièce envoûtante. L’accord mélodique joué au plectre en guise de sortie se termine sur un « Thankyousomuch » appuyé par le commentaire « En formule intime ! » d’un des spectateurs.

Les deux derniers morceaux sont joués avec beaucoup d’émotion et d’intensité. Les cymbales sont nombreuses, et les gestes sont exaucés. Le numéro se termine sur les notes méditatives de la pièce titre de l’album Temple of the Morning Star, à laquelle ne s’est finalement pas joint leur partenaire de tournée. Une finale agenouillée, une supplication pénible, le pic est lancé au milieu des spectateurs. Les remerciements pleuvent, se multiplient envers Olivier qui s’est occupé du son, et envers Hank Austin, fils de Steve, pour sa présence unique.

 

Buñuel

Le groupe italien Buñuel se produit pour la deuxième fois au Canada, après avoir participé au 39e Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville (FIMAV) en 2023. Un léger changement a depuis été effectué dans la formation : le bassiste a été remplacé. Un truc n’a pas changé cependant, le bassiste du groupe joue toujours sur un instrument avec un manche en aluminium. Les quatre musiciens s’installent rapidement, et commencent leur numéro de façon abrupte.

La musique du groupe est très aérée. Elle comprend beaucoup de moments où presque rien n’arrive; comme de brefs instants d’attente. Cette particularité apporte un effet de contraste, et met d’autant plus en valeur les passages endiablés. Les musiciens démontrent une double nature, à la fois calme et déchaînée.

Les membres sont vêtus avec une certaine mesure d’accoutrement. Le chanteur se démarque par ses vestes en cuir ouvertes sur de gros tatouages, son pendentif représentant une étoile de David, ainsi que deux morceaux de ruban électrique collés de part et d’autre de la tête. Celui-ci se déhanche de façon élégante et affirmée, en assumant une indifférence qui fonctionne avec le côté voyou du groupe.

Le guitariste profite des moments de pause pour employer des positions inattendues. Par exemple, il se pose en tenant sa guitare la tête en bas au milieu de son corps, tout juste à la bonne hauteur pour laisser émerger son cou et sa propre tête. Son regard se perd alors dans le lointain de la salle. Le batteur opère quant à lui promptement, et ne semble pas indulger aux dépenses inutiles d’énergie.

La deuxième pièce reprend sur l’état d’exaltation contenue qui caractérise l’entrée en matière du groupe. Le chanteur fait preuve d’une maîtrise époustouflante de lui-même, ce qui rend sa présence formidable et imposante. La basse est puissante, parfois augmentée d’effets synthétiques. Les musiciens sont coordonnés, leur jeu est réglé à la montre.

La structure des pièces est décousue, ce qui ajoute un effet de foire burlesque à la performance. Le premier solo de guitare est joué en aphasique, et la pièce se conclut sur l’un des nombreux hymnes accrocheurs qui suivront. On a l’impression d’être complice d’un mauvais coup bien accompli dans un désert où les lois chancellent. Le sérieux des musiciens camoufle une source d’intelligence inépuisable et de raillerie moqueuse.

La musique respire énormément, ce qui laisse beaucoup de marge de manœuvre au chanteur. Celui-ci occupe à lui seul une partie importante du numéro. À quelques occasions, il est appuyé par les battements soutenus de la grosse caisse de son partenaire responsable des percussions. Les retours à l’ensemble sont toujours opportuns, et exécutés au même degré d’excellence. Les compositions du groupe sont balancées.

La musique porte à l’élévation, comme les solos de guitares projetés en hauteur, et la voix du chanteur chargée de grâce lyrique. Un rythme parfois gauche accompagne ses propos teintés d’une maladresse assurée. Un côté épique agit merveilleusement avec la verve indéniable du groupe, et les intentions claires du chanteur expriment une authenticité qui inspire confiance. L’insistance portée sur certaines notes est parfois déstabilisante, que ce soit celles portée sur les accords de guitare, sur les harmoniques nébuleux de la basse électrique, ou sur la voix relâchée du chanteur.

La septième pièce du numéro, intitulée Killing on the Beach, est l’une des pièces publiées comme single, avec un vidéoclip dans lequel le chanteur porte un habit doré. Ce morceau, bien qu’il soit présenté publiquement comme façade promotionnelle, est l’un des plus chaotiques de la soirée. Le contretemps frappé à la batterie déjoue la ligne sinueuse de la basse, tandis que quelques slides de guitares l’éclaire.

La huitième chanson qui suit se base sur un accord joué à la basse avec un style rappelant celui d’une harpe. Cela pose une ambiance un peu tendue, mais pas trop forte, et laisse l’opportunité de bien discerner les paroles répétées: « Do youhear me ? — Fromasheswegetdust — We all could die … ». Pendant ce temps, le guitariste patiente dans une torpeur stoïque. Le morceau est long,et à leur tour, les interventions de la guitare ajoutent de la couleur à la structure. Un court motif est échangé avec la basse. « Is hedead ? » demande le chanteur. La batterie augmente sa vitesse. Le trouble s’accentue jusqu’au sommet où tout s’éteint.

La soirée se termine rapidement, sous de modestes acclamations, quoique méritées. Le guitariste de Buñuel se poste aussitôt à la table des ventes de marchandise pour échanger quelques mots français avec le public. La soirée s’est bien déroulée pour tout le monde, et ce fut agréable de découvrir ces projets artistiques dans un format plus intime.

-Luc Belmont