« Dissonance »
production indépendante
2014
Quand vient le temps de jaser métal mélodique ou symphonique avec chanteuse, il ne fait absolument aucun doute que les Pays-Bas sont un terreau formidablement fertiles en groupes du genre. À preuve, le petit état d’Europe de l’Ouest nous a fait connaître les Epica, Within Temptation, Stream of Passion et autres Delain. J’arrête mon énumération ici car j’aurais pu étirer la liste encore et encore. En plus de nous envahir avec une grande quantité de formations, on peut surtout souligner que les productions néerlandaises sont souvent synonymes de qualité, autant musicale que sonore. Les attentes sont donc hautes envers Kowai, héritiers de cette lignée.
La première raison qui pousse nos attentes vers le haut: l’identité des producteurs de « Dissonance« , le premier album du groupe. Même si leur production est indépendante (donc, sans l’appui de maison de disques), Kowai s’est adjoint des personnalités bien en vue pour les seconder derrière les manettes: Joost van den Broek et Jeffrey Revet. Si le deuxième est surtout connu pour son rôle de claviériste de Stream of Passion et opère en parallèle un studio d’enregistrement, le premier est bien établi autant comme musicien (Sphere of Souls, After Forever et Star One) que comme producteur (Stream of Passion, Nemesea, ReVamp, Xandria, Mayan…). Bref, juste à la lecture du livret, en connaissant les antécédents des deux producteurs, on peut immédiatement avoir une idée de ce qui nous attend.
La conséquence de ces choix quant à la production est immédiatement perceptible. On se retrouve ainsi à tenir entre nos mains un produit particulièrement bien soigné, mettant en vedette tous les instruments avec un bel équilibre, le tout sonorisé avec une amplitude qui rend bien la puissance de la musique, particulièrement lors des passages plus musclés et plus consistants. Pas de surprise ici, il s’agit bel et bien d’un album néerlandais, qui non seulement offre une musique mélodieuse, mais dont les compositions sont poussées vers le haut par cette production claire et minutieuse.
Justement, arrivons-en, à la musique. C’est quand même ce qui fait toute la différence, en bout de ligne. Ici encore, nos oreilles savent que cet album vient des Pays-Bas. En effet, de tous les groupes que j’ai nommés en introduction, on en retrouve une petite pincée dans la musique de Kowai: des claviers symphoniques qui évoquent Within Temptation, le chant – autant féminin que masculin – qui nous renvoie à Epica, et des mélodies tantôt plus musclées, tantôt plus lisses et émotives, qui nous font alterner entre Delain et Stream of Passion. Vous comprendrez donc que l’originalité n’est pas la qualité première de Kowai, mais ce n’est pas une raison pour tourner le dos à cette première offrande qui ne manque pas de charme.
En fait, l’idée de condenser les particularités de tous les grands noms du métal néerlandais s’avère ici une force, dans le sens où tout est exécuté merveilleusement bien et que les fans de tous ces groupes y trouveront leur compte. Le chant de Laura van Nes vient immédiatement nous charmer, la chanteuse portant dans sa voix une attachante joliesse et une douceur dont les accents nous rappellerons à plusieurs reprises Simone Simons d’Epica, à la différence où la première ne s’aventure pas dans le territoire du chant d’opéra. Le guitariste Bertan Zwijnenburg prend occasionnellement place derrière le micro pour donner la réplique et amener un côté plus sombre à l’ensemble avec un chant guttural qui, sans être éclatant, contribue aux ambiances sans devenir envahissant.
Au niveau de l’instrumentation, ce sont surtout les claviers qui occupent la place du conducteur. Ceux-ci, très symphoniques, sont complémentaires à l’aspect vocal dans le sens où la paire chant/claviers sont en harmonie constante. Les guitares, sans voler la vedette, sont bien présentes et nous glorifient de belles envolées, plus mélodiques que rageuses. Les solos sur « Fallen Behind » et « Pride » nous en fournissent un exemple parfait: on ferme les yeux et on se laisse bercer par l’âme qui se dégage derrière l’exécution. La clarté de la production, mentionnée ci-haut, donne également à la section rythmique sa juste place.
Le son général et les compositions nous rappellent toutefois que les membres de Kowai semblent entretenir une certaine admiration pour Within Temptation. Les arrangements et sonorités jouent constamment dans les plate-bandes de leurs célèbres concitoyens. Les sons des claviers sur « Earth Below, The Promise » (ironiquement, une chanson de Within Temptation porte le même nom), la section centrale instrumentale de « Undisgraced » et les arrangements généraux de cette pièce, ainsi que l’introduction de « Ice Cold Sun » semblent directement sortis de l’album « Mother Earth« , pour notre plus grand plaisir lorsque l’on constate que la troupe de Sharon den Adel et Robert Westerholt semble s’être fortement détournée de cette orientation depuis quelques années. Ainsi, Kowai devient en quelque sorte le porteur d’une flamme qui, autrement, menaçait de s’éteindre.
Ajoutons à tout ça que le tout formé par les neuf compositions est bien varié, le groupe réussissant bien à jouer avec les tempos et le niveau d’énergie. Contrairement à plusieurs autres groupes du genre, Kowai réussit à apporter une belle intensité à ses pièces plus tranquilles, comme nous le prouvent « Pride » et la superbe « In Retrospect« , qui sont beaucoup plus que des interludes calmes pour faire le pont entre les pièces énergiques. La plupart de ces pièces énergiques sont davantage à classer dans un registre mid-tempo; les gens aimant le métal très rapide et rythmé ne sont pas les clients idéaux pour la musique du groupe. Ce sont surtout l’ambiance et la communication entre les instruments qui seront le point marquant du disque: « Yield« , en ouverture d’album, en offre une démonstration convaincante.
Ironiquement, les plus belles réussites de ce disque sont les pièces plus rythmées. Dans ce registre, « Man’s Downfall » se révèle le point culminant de l’album, avec une mélodie entraînante et un superbe duel entre la guitare et les claviers en plein centre de la pièce, où les instrumentistes s’en donnent à coeur joie avec de solides solos. Dans la même veine, « Ice Cold Sun » vient fermer le disque de belle manière. Plus longue chanson de l’album (6:21), celle-ci résume bien la musique de Kowai: compositions aux ambiances riches et variées, envolées habiles de tous les instruments et chant irréprochable qui, sans chercher à faire de la haute voltige, réussit largement à nous séduire.
Somme toute, il n’y a rien à redire sur ce premier album. La musique y est bien structurée, bien augmentée par une production qui place en avant tout ce que le groupe peut offrir de mieux. Kowai signe donc avec « Dissonance » une belle réussite et peut maintenant se pointer partout en étalant fièrement cette carte de visite. Maintenant, pour aller plus loin et devenir un leader de sa vague, le groupe devra trouver le moyen de se démarquer et de se doter d’une identité musicale plus personnelle. Les ingrédients sont réunis, le temps et la maturité se chargeront bien du reste, j’en suis sûr.
Stéphan