Critique d’Album: Anette Olzon – « Shine »

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Anette Olzon

« Shine » 

earMUSIC

2014

Pendant un temps, quand j’étais jeune, j’ai collectionné les timbres. Mes amis, eux, faisaient tout pour enrichir leur collection de cartes de hockey. Quant à la maison de disques allemande earMUSIC, elle semble s’être donnée comme mission d’assembler une collection inusitée et unique: les anciennes vocalistes de Nightwish! Ayant déjà sous contrat Tarja Turunen, voici que Anette Olzon fait son entrée sous le même chapiteau. Certaines mauvaises langues doivent déjà certainement se demander à quel moment Floor Jansen signera avec cette même compagnie…

Après avoir été cavalièrement renvoyée de Nightwish en septembre 2012, Anette a bien pris le temps de se ressourcer et voici qu’elle nous arrive avec « Shine« , son premier album solo. Avant la parution, nous avions déjà eu droit à deux chansons, soit « Falling et « Lies« , cette dernière ayant été publiée en vidéoclip. Si ces deux premiers extraits nous ont démontré de belles choses – en particulier une production soignée et une chanteuse bien en voix – force est toutefois d’admettre que ni l’un ni l’autre de ces morceaux n’annonçaient un album metal. Restait donc à voir si les huit autres compositions confirmeraient cette tendance.

Pas de doute, Anette Olzon a voulu se détacher de son passé, et ici je ne parle pas seulement de son passage chez Nightwish mais également de sa participation antérieure à l’enregistrement de deux albums – en 2000 et 2004 – avec le groupe Alyson Avenue, formation qui offrait un rock adulte (AOR) plutôt bien troussé. C’est ainsi qu’après avoir traversé les 38 courtes minutes que dure « Shine«  (je suis plutôt insatisfait quand on m’offre moins de 40 minutes de musique…), j’en arrive au constat que cet album ne contient aucune trace de metal et aussi très peu de trace de rock pur.

Alors qu’est-ce que « Shine« ? Celui-ci constitue plutôt un recueil de chansons pop-rock à saveur atmosphérique. L’instrumentation, généralement minimaliste, se veut ici un support aux envolées vocales de la chanteuse. Ainsi, tout le long de l’album, l’amateur de metal ou de rock attendra ce morceau punché pour se brasser la tête, mais ce moment n’arrive pas vraiment. La pièce la plus rythmée, « Hear Me« , clôt l’album et sonne davantage pop que rock.

Ceci ne veut pas dire que l’album est dénué de bons moments; les susnommés « Lies » et « Falling » sont deux petits bijoux (« Lies » est ce que j’ai entendu de plus beau cette année jusqu’à maintenant), deux ballades très énergiques et lumineuses. Dans le même registre, « Invincible », ballade à voix très peu instrumentée, et « Watching Me From Afar« , bien appuyée par le piano et une habile superposition de voix, se tirent très bien d’affaire. Mention d’honneur également à « Moving Away« , très jolie pièce acoustique à laquelle l’apparition en filigrane de la guitare électrique donne une belle richesse.

Du côté des moments moins intéressants, parlons de « Like a Show Inside my Head« , pièce plutôt fade sans véritable mélodie, et de la pièce-titre, dont la sonorité électro peut s’avérer agaçante. Incidemment, ces deux chansons ouvrent l’album et n’installent pas nécessairement un climat très favorable. Toutefois, que l’on aime l’ensemble des chansons ou non, je tiens à réitérer l’avertissement émis plus haut: le tout n’a rien à voir le metal, considérez-vous comme prévenus.

Il serait toutefois très mal venu, en terminant, de passer outre la performance vocale de Anette Olzon. Si cette dernière a été (très injustement d’ailleurs) malmenée lors de son passage avec Nightwish, force est d’admettre que la qualité sonore de la production et le format musical adopté permet amplement à la dame de se faire justice, c’est-à-dire qu’elle démontre à quel point sa voix peut être très belle et dégager beaucoup d’émotions et de puissance. Sur cet aspect, ce premier pas en solo est en réussite, il ne lui reste plus maintenant qu’à se trouver une identité musicale plus affirmée, chose qui saura venir avec le temps.

Stéphan

 

 

Les « Elles » du Métal

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Cette fois-ci, je vous reviens dans un format plus classique pour Les « Elles » du Métal alors que je vous propose la revue de deux albums. Toutefois, je m’en tiens à la nouveauté alors que je vous propose le 1er album du groupe italien Sleeping Romance et également le 1er album de Dark Sarah, nouveau projet de Heidi Parviainen. – Stéphan

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Sleeping Romance

« Enlighten »

Ulterium Records

2013

 

Au cours des dernières années, le nombre de groupes metal mettant en vedette des chanteuses a explosé de manière exponentielle. Ainsi, les nouveaux groupes qui arrivent dans le décor se voient obligés, dès leur premier essai, d’offrir un produit raffiné et bien peaufiné afin de se donner une chance de se faire un nom. Ayant bien compris cette exigence, voici que le groupe italien Sleeping Romance se lance dans l’arène avec un premier album, « Enlighten« .

Chose sûre, Sleeping Romance y met le paquet et annonce ses couleurs dès le départ, la (trop) courte introduction orchestrale « Hydrid Overture » se faisant somptueuse et nous dévoilant ce que sera une des principales composantes de l’album, soit un son très orchestral qui s’avère omniprésent à travers les dix titres. Ensuite, la pièce-titre et celle qui lui succède, « The Promise Inside« , nous confirment cette tendance en intégrant ces éléments orchestraux à des rythmiques typiques au power metal, créant ainsi une belle harmonie entre passages calmes et passages plus lourdes. La principale qualité que l’on peut relever concernant « Enlighten » est que la variation des ambiances y est entretenue de manière extrêmement habile, prouvant qu’un grand soin a été apporté au niveau de l’écriture.

En effet, le guitariste et compositeur Federico Truzzi se révèle être un arrangeur hors-pair, lui qui est parvenu à faire passer de multiples émotions à travers sa musique. Les arrangements orchestraux complètent parfaitement le jeu solide des musiciens et Truzzi réussi à bien varier les ambiances en jouant habilement sur plusieurs tableaux. Ainsi, même si les pièces sont généralement bien rythmées, le cours des festivités est aussi agrémenté de ballades très bien réussies : si « Free Me » est une jolie pièce mid-tempo, c’est surtout « December Flower » qui tire son épingle du jeu grâce à sa superbe introduction au piano. Seul bémol, il aurait été pertinent de séparer ces deux pièces, certains amateurs de metal n’appréciant pas particulièrement que deux chansons plus tranquilles se succèdent.

Si les pièces plus tranquilles sont bien réussies, ce sont toutefois les moments plus musclés qui se révèlent les plus mémorables, nous n’avons qu’à penser au moment instrumental au coeur de « The Promise Inside« , au rythme enjoué de « Finding my Way » et à la très power « Devil’s Cave« , pièce explosive dotée de superbes chorales et d’un jeu de cordes qui enrobent parfaitement la mélodie. Devant d’aussi belles qualités d’arrangeur, l’auditeur ne peut que s’émerveiller. On peut d’autre part se demander comment aurait sonné la pièce d’introduction (« Hybrid Overture« ) et celle de conclusion (« Aeternum« ) si Truzzi s’était affairé à les développer davantage. De courte durée (moins de deux minutes chacune), on peut quand même flairer dans ces deux extraits un fort potentiel épique malheureusement laissé sur le terrain.

L’autre élément contribuant fortement à illuminer « Enlighten » est la voix de Federica Lanna. Si la dame n’est pas dotée d’une voix particulièrement puissante, on ne peut remettre en doute l’investissement émotif qu’elle y met dans l’interprétation. Sa voix aiguë et fragile, rappelant grandement Andrea Dätwyler de Lunatica, fait merveille et se révèle des plus agréables. Si les pièces sont d’une grande qualité instrumentale, elles sont définitivement tirées vers le haut du fait de la passion et de l’émotion communiquées par la vocaliste.

Sans l’ombre d’un doute, Sleeping Romance signe une entrée remarquée et remarquable grâce à cet album qui ne manque pas de charme. L’ensemble est bien produit, bien écrit et bien interprété. De plus, aucune pièce faible ne vient faire baisser le niveau de plaisir que l’on peut éprouver au contact d’une musique imprégnée d’un esprit positif et lumineux. Un album à se procurer à tout prix.

 

 

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Dark Sarah

« Behind the Black Veil » (1er épisode)

Autoproduction

2014

 

En novembre 2012, les fans de Amberian Dawn apprenaient avec regret que la chanteuse Heidi Parviainen quittait le groupe. Au moins, derrière cette triste nouvelle se cachait un élément positif: c’était pour se consacrer à un projet musical plus personnel que Parviainen, une des plus belles voix qui soit, rentrait chez elle. Ce projet personnel se nomme Dark Sarah.

Signe des temps qui changent dans l’industrie musicale, c’est via une campagne de financement Indiegogo que Heidi/Sarah a dû trouver le financement nécessaire pour mettre en chantier « Behind the Black Veil« . La campagne, divisée en trois parties nommées « épisodes », prévoit ultimement la publication de l’album complet. Pour l’instant, suite à la réussite de la première partie de la levée de fonds, les contributeurs (dont j’en suis) ont reçu le premier épisode qui comprend quatre chansons.

C’est sous le qualificatif de « Cinematic Metal » que se présente Dark Sarah et suite à l’écoute de cette première partie, on constate que c’est davantage l’aspect trame sonore que l’aspect metal qui se retrouve placé en avant. La musique se fait donc suave, langoureuse et atmosphérique, mettant parfaitement en valeur la voix opératique très aérienne de Heidi. On comprend aussi que la dame avait clairement le goût de s’éloigner du power metal et c’est pourquoi nous ne retrouvons aucune référence à la musique de son ancien groupe. Cette remarque s’applique également à l’aspect littéraire alors que les textes de Heidi, imprégnés de fantaisie et de mythologie chez Amberian Dawn, sont davantage ancrés dans la réalité alors que l’on peut y suivre l’évolution du personnage de Sarah dans un univers sombre et tendu.

Ceci dit, c’est avec la très théâtrale « Save Me » que l’on entre dans le vif du sujet. Cette ouverture, très lente et mélancolique, place en avant de très beaux arrangements orchestraux, signés par Mikko P. Mustonen, que l’on avait connu pour son travail sur le « Circus Black« … de Amberian Dawn. On se voit ensuite transporté sur un terrain plus rock avec « Poison Apple« , pièce rythmée bien augmentée par un très beau solo de guitare.

Changement d’ambiance de nouveau, le piano fait son entrée sur la très jolie « Hide and Seek« , chanson calme à souhait qui nous permet de relaxer et d’apprécier pleinement la voix magnifique de la chanteuse. Très riche malgré sa simplicité apparente, ces cinq minutes mélangent à merveille chant, piano et instrumentation classique.

La plus belle surprise avait toutefois été gardée pour la fin alors que l’enlevante « Memories Fall » nous offre un des plus agréables 2 pour 1 qui soit, Parviainen se voyant ici rejointe par Manuela Kraller, ex-chanteuse de Xandria, pour un duo qui saura ravir les amateurs de belles voix. C’est avec une joie indescriptible que l’on est témoin de la passe d’armes entre ces deux chanteuses qui se complètent à merveille, le tout bien agrémenté par cette instrumentation dense et étoffée.

Suite à cette agréable introduction, on ne peut maintenant qu’attendre la suite des choses, soit le lancement et la réussite, souhaitons-le, de la suite de la campagne de financement. Nous savons d’ores et déjà que la deuxième partie de « Behind the Black Veil » nous réserve un autre duo, cette fois avec Inga Scharf de Van Canto. Voilà qui s’annonce des plus intéressants, souhaitons que le raffinement musical soit de nouveau au rendez-vous pour la suite.

 

 

Les « Elles » du Metal

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La-Ventura

« White Crow« 

Valkyrie Rising

2013

Après avoir publié son premier album, l’appréciable A New Beginning, en 2008, le groupe néerlandais La-Ventura s’est éclipsé partiellement (un EP de trois pièces a vu le jour en 2010) avant de revenir l’an dernier avec ce deuxième essai. Depuis ce temps, la formation est très active sur les réseaux sociaux afin de se faire connaître, pour notre plus grand bonheur car je le dis sans gêne d’entrée de jeu, La-Ventura mérite amplement qu’on s’attarde à sa musique.

Première qualité que l’on peut relever dès les premières secondes de Falling Down, qui ouvre les hostilités, la qualité de la production. Le producteur Didier Chesnau a effectué un travail remarquable aux manettes pour donner à White Crow un son lourd et puissant, n’hésitant pas à placer au premier plan une section rythmique qui transporte littéralement le metal musclé à saveur mélodique proposé par La-Ventura. Cette amplitude sonore se révèle être des plus agréables afin de pouvoir apprécier tous les instruments, créant ainsi un bel équilibre, élément faisant souvent défaut chez plusieurs groupes qui font l’erreur de placer un instrument trop en avant aux détriments des autres.

Bien sûr, une bonne production n’est rien si la musique offerte en support n’est pas à la hauteur. Heureusement ici, les dix titres livrés sont bien ficelés et le niveau d’énergie demeure élevé d’un bout à l’autre de l’album. D’une durée relativement courte (la plus longue, Drowning, affiche 5:01 au compteur), les chansons sont intenses et, surtout, forment un ensemble homogène. Pour cette raison, il est bien difficile de mettre en exergue une ou l’autre chanson car chacune d’elle mène sa propre vie et contribue à la qualité de l’ensemble. Cette intensité pourra, pour ceux qui trouvent leurs repères grâce aux comparaisons, rappeler Lacuna Coil; les riffs sont lourds et accrocheurs et les mélodies entrent en tête pour y demeurer de manière tenace et durable. D’ailleurs je vous mets au défi d’écouter Song for an Idiot deux ou trois fois de suite et ensuite tenter d’éviter d’attraper un ver d’oreille. Bonne chance.

La qualité de la musique est parfaitement appuyée par la voix bien étoffée de Carla Van Huizen. Cette dernière transporte les mélodies avec beaucoup d’autorité et elle s’avère tout à fait parfaite pour ce genre de rock. Notons également que la dame a réussi, au fil du temps, à développer un style vocal qui lui est propre. En effet, sur A New Beginning, il aurait été facile de faire croire à certaines personnes que c’était Sharon den Adel qui se trouvait derrière le micro tellement le timbre de voix de Van Huizen se rapprochait de celui de la frontwoman de Within Temptation sur plusieurs passages. Aucune chance de confusion ici, l’interprétation étant bien personnelle et extrêmement bien exécutée.

En bout de ligne, il est bien difficile de trouver des défauts à White Crow; l’exécution musicale est solide, l’interprétation vocale convaincante, le tout rehaussé par une production qui donne l’impression au mélomane d’être frappé par une tonne de briques. Les amateurs de rock lourd et direct en auront pour leur argent. Ayant bénéficié d’une publication limitée essentiellement aux pays du Bénélux l’an dernier, l’album sera bientôt republié à plus large échelle avec des pièces en boni et un livret (la version originale souffre cruellement de cet élément essentiel) dans un avenir rapproché. La-Ventura s’est aussi entendu avec Ravenheart Music afin de se donner une bonne chance d’atteindre le public des îles britanniques. Voilà une bonne nouvelle pour un groupe qui mérite amplement une diffusion à la hauteur de son talent.

 

 

Kerion, un bon groupe à découvrir à très bon prix!

En deuxième partie de chronique, plutôt que de vous présenter un seul album, je vais plutôt vous entretenir de la discographie du groupe français Kerion. La raison en est bien simple: tout un chacun peut se procurer, à prix plus qu’amical, l’ensemble de l’oeuvre de la formation originaire de Nice. En effet, pour un peu moins de 30$ (29 plus précisément), Metalodic Records, une maison de disques de Boucherville, vous offre cette opportunité intéressante.

Kerion a été formé en 2002 lorsque les membres du défunt groupe Kirlian se sont découverts un intérêt pour le power metal symphonique pour ensuite s’adjoindre les services de la chanteuse Flora Spinelli. Que ce soit au niveau de la trame narrative ou de la musique offerte, le message est clair, les membres de Kerion sont de grands fans de fantasy et de groupes tels Fairyland, Avantasia ou Rhapsody of Fire. Vous comprendrez donc rapidement qu’on ne se retrouve pas ici devant un groupe qui tient à nous raconter la vie, l’amour et le temps qui passe, ça non! La musique de Kerion s’adresse à ceux qui veulent s’évader du quotidien et qui veulent simplement passer du bon temps avec les écouteurs sur les oreilles. Si tel est votre but, vous aurez beaucoup de plaisir.

Le groupe se met d’abord à la tâche afin de transposer en musique et paroles l’histoire de la trilogie Staraxis de l’auteur Chris Barbieri. L’imaginaire de l’auteur nous amène à côtoyer orcs, gobelins, nains, dragons et autres créatures. C’est ainsi que naissent les démos Conspiracy et The Last Darkness. Si ces démos sont loin d’être mémorables, principalement en raison d’une production très brouillonne (ce sont des démos, après tout!), on sent un beau potentiel derrière l’ensemble et c’est sur le premier véritable album, Holy Creatures Quest, que se révèle le talent des Français. Tel que spécifié plus haut, les influences de Rhapsody of Fire et de Fairyland ne sont pas cachées bien loin. D’ailleurs on découvre en lisant le livret que Philippe Giordana de Fairyland est associé de près à Kerion, ceci expliquant cela.

Si le début de la carrière de Kerion ne se place pas sous le signe de l’originalité malgré un talent bien présent, la formation se donne les moyens de se démarquer à partir de son deuxième album, The Origins. Celui-ci est en fait un condensé de pièces réarrangées provenant des deux démos mentionnés ci-haut. La qualité est ici fortement rehaussée; si Kerion demeure fortement ancré dans le style pompeux très caractéristique à cette catégorie de metal, on sent le groupe en mesure de mieux nuancer son propos. Ainsi, The Origins n’est pas un album où tout roule à pleine vapeur et on y retrouve quelques beaux moments acoustiques qui non seulement nous font davantage apprécier les pièces très rythmées et accrocheuses, mais ces passages contribuent également à éliminer toute impression de monotonie qui pourrait s’installer, ce qui arrive souvent dans le power (parlez-en aux fans de Rhapsody of Fire…).

Conscient que cette formule lui sied bien, Kerion poursuit dans la même veine et c’est sur son dernier effort en date, Cloud Riders Part 1: Road to Skycity, publié en 2012, que le groupe réussi à donner sa pleine mesure. Non seulement les moments acoustiques sont teintés d’une belle touche folk (The Sky is my Ocean est une pièce franchement magnifique), surtout les passages plus musclés et enjoués sont mieux dosés, amenant davantage de variétés. De plus, notons que les Français ont opté pour un changement appréciable en ce qui concerne la thématique abordée: fini les trolls et autres personnages dignes de Donjons et Dragons, il est ici agréable de voir un groupe de power se diriger vers autre chose. Même si on demeure dans l’imaginaire, Cloud Riders Part 1: Road to Skycity traite plutôt de pirates et de bateaux volants, un nouveau thème à se mettre sous la dent!

Le moment est opportun pour découvrir la discographie de Kerion. Considérant que la deuxième partie de Cloud Riders devrait paraître d’ici quelques mois, il est donc temps de vous mettre dans l’ambiance! Pour le prix demandé, l’investissement en vaut pleinement la peine. Résumons l’offre : 29$ pour deux CD (The Origins et Cloud Riders Part 1: Road to Skycity), une carte vous donnant droit de télécharger les deux démos et le premier album du groupe, ainsi que cinq belles photographies promotionnelles. Appelons ça un très bon rapport qualité-prix. Si vous ne voulez vous procurer qu’un seul album, optez pour la première partie de Cloud Riders, vous y découvrirez un power metal de haute qualité, qui sait un tantinet s’évader des clichés du genre. De plus, cette première partie vous incitera fortement à vous jeter sur la deuxième au moment de son lancement.

Pour vous procurer les albums de Kerion, cliquer ici pour atteindre la page de marchandise de Metalodic Records.

 

Une année incroyable!

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L’année 2014 est terminée depuis un bon petit bout et nous sommes de plain pied dans la nouvelle année. Un peu tout le monde, un peu partout, a depuis longtemps dressé ses bilans de fin d’année. Je n’ai pas échappé à cette tendance et j’en ai profité pour refaire une tournée des nouveaux albums que j’ai écoutés en 2014 afin de vous présenter un genre de top 10 de cette année de grâce. Je spécifie bien «genre de top 10», car je ne classe pas vraiment ces sélections en ordre (sinon alphabétique). Je me permets seulement de vous souligner les parutions qui m’ont marqué et/ou surpris agréablement. L’exercice s’est révélé plutôt difficile, 2014 nous ayant offert une quantité incroyable de sorties de qualité.

Pourquoi je vous le présente là. Et bien parce que j’ai crû qu’il se devait de vous laisser régler vos factures du Temps des Fêtes avant de créer une frénésie dépensière et quoi de mieux que la Journée Internationale de la Femme pour vous ramener en mémoire ces parutions de groupes au vocaliste appartenant au «beau sexe».

 

Karkaos – «Empire»

À l’instar de ce que j’avais fait l’an dernier, je débute ma sélection avec un album de chez-nous. À ce chapitre, Karkaos mérite pleinement l’honneur d’être mentionné en premier, son «Empire» m’ayant frappé de plein fouet. L’ensemble est dense et extrêmement bien produit. Voici un groupe qui s’est donné à fond pour laisser entre nos mains un produit de haute qualité, marqué par une intensité remarquable et une interprétation musicale des plus habiles. Avec le recul, je ne peux que regretter le fait que la chanteuse Veronica O. Rodriguez ne fasse plus partie du groupe, elle qui fut une de mes grandes révélations. La variété dans son interprétation a grandement contribué au charme de «Empire», bien que le groupe soit bien nanti musicalement pour supporter un changement derrière le micro. C’est ce que nous verrons d’ailleurs avec leur nouvel album présentement en cours d’enregistrement avec leur nouvelle vocaliste Viky Boyer. On pourra également les voir en 1ère partie de Delain le 12 avril aux Foufounes Électriques de Montréal.

 

 

Amberian Dawn – «Magic Forest»

Un de mes groupes favoris, Amberian Dawn était presque assuré de se retrouver sur cette liste avant même d’avoir publié «Magic Forest». La grande particularité de cet album émane du changement de chanteuse, le leader Tuomas Seppälä ayant pris la chance de pallier le départ de la lyrique Heidi Parviainen par une chanteuse plus typiquement rock. La réussite est éclatante, la nouvelle venue, Capri, s’étant bien intégrée à la formule musicale plutôt ludique d’Amberian Dawn, la formation finlandaise misant sur les pièces courtes et accrocheuses, dont la forme se rapproche occasionnellement de la musique pop. L’ensemble est entraînant et attachant, et le changement de vocaliste s’effectue en douceur malgré la dichotomie entre l’ancienne voix et la nouvelle. De plus, le groupe n’aura jamais été aussi solide au niveau de l’interprétation, particulièrement la section rythmique.

 

 

Delain – «The Human Contradiction»

Maintenant reconnu parmi l’élite des groupes de son genre, Delain n’a pas déçu avec ce quatrième album. En effet, Delain excelle lorsque l’intensité grimpe à un haut niveau, et «The Human Contradiction» est possiblement l’oeuvre la plus constante du groupe, dans le sens où aucun moment faible ne vient assombrir notre plaisir. Nous faisons ainsi affaire à un groupe arrivé à maturité, qui maîtrise parfaitement son métal très symphonique, aux mélodies accrocheuses appuyées par des musiciens hors pair, particulièrement le guitariste Timo Somers. De plus, la chanteuse Charlotte Wessels n’a jamais paru plus confiante et en contrôle. D’ailleurs, même si elle n’est pas une chanteuse à haute voltige, son charisme, son énergie et sa personnalité attachante contribuent à la propulser au-dessus de la mêlée, comme ont pu le constater les fans de Montréal et de Québec en septembre. Je vous rappelle leur présence le 12 avril aux Foufounes Électriques de Montréal avec le groupe Karkaos qui débute ma liste ici haut.

 

 

Diabulus in Musica – «Argia»

Le troisième album de ce groupe basque marque d’une certaine façon un nouveau départ. En effet, la leader et chanteuse Zuberoa Aznarez a fait à toute fin pratique table rase autour d’elle, pour ne garder que le claviériste Gorka Elso de l’équipe qui avait participé aux deux premiers albums: «Secrets» et «The Wanderer». Si le changement est drastique au niveau humain, il ne l’est pas tant au niveau musical alors que le groupe continue de marcher tout près des traces d’Epica, tout en faisant les choses à sa façon… et même mieux. Les chansons de ce «Argia» sont bien construites, en plus de garder l’auditeur attentif en raison des multiples changements d’ambiances. Zuberoa y est plus brillante que jamais, nous séduisant avec son chant juste et contrôlé, en plus d’amener une touche supplémentaire à la musique en l’agrémentant ici et là de flûte et de harpe. La nouvelle équipe de musiciens se révèle à la hauteur pour nous livrer une œuvre des plus convaincantes.

 

 

Enemy of Reality – «Rejected Gods»

Voici un groupe qui est parvenu, dès son premier essai, à laisser une forte impression. Une section rythmique éclatante et lourde, une claviériste au doigté rapide et précis, un guitariste de haute voltige et une chanteuse (Iliana Tsakiraki, ex-Meden Agan) à la voix d’opéra des plus envoûtantes: on peut presque dire que ce groupe grec est une équipe d’étoiles. Enemy of Reality réussit à bien mettre en valeur toutes les forces de ses musiciens pour offrir un métal symphonique très technique, qui saura possiblement plaire au passage aux fans de Dream Theater. De plus, la liste impressionnante d’invités (Mike LePond de Symphony X, Ailyn Gimenez de Sirenia, Androniki Skoula de Chaostar et Maxi Nil de Jaded Star) rend le tout encore plus attrayant. Si l’on additionne toutes ces données, le résultat est logique: une brillante réussite.

 

 

Evenoire – «Herons»

Mon album de l’année pour 2014. La surprise est d’autant plus agréable que pour moi, ce groupe italien arrivait de nulle part, l’ayant tout simplement connu en consultant l’affiche du «Metal Female Voices Fest». La musique s’est chargée du reste: un métal symphonique bien renforcé par un aspect folklorique, voire médiéval en raison de l’utilisation judicieuse de la flûte. Les paroles, fortement inspirées par des personnages mythologiques, contribuent à nous transporter dans un univers parallèle, où le rêve et l’imagination sont sollicités. En plus de manier la flûte avec habileté, la chanteuse Lisy Stefanoni livre un chant des plus solides, avec une voix grave et puissante, bien soutenue par une équipe de musiciens chevronnés. De plus, les différents invités aux claviers parviennent à ajouter à leur façon une touche personnelle, rendant l’ensemble plus varié. Avec ce «Herons», le groupe effectue un pas en avant, réussissant à faire encore mieux que le très solide «Vitriol», publié en 2012. Un groupe à connaître sans faute.

 

 

Heliosaga – «Towers in the Distance»

Avec son premier album, le groupe américain frappe un grand coup. Le meneur Damien Villareal (aussi claviériste et guitariste) est parvenu à présenter un power métal qui s’évade des clichés du genre (pas de bataille sur la Terre du Milieu ici…), misant surtout sur les qualités musicales de chacun des exécutants. Les mélodies sont denses et très avenantes, Jordan Ames est solide comme le roc derrière sa batterie, Villareal délivre des solos de guitare des plus étourdissants, le tout bien appuyé par des claviers qui soutiennent très bien le tout. De plus, la variation des ambiances et des tempos nous garde continuellement attentifs. Ajoutons à tout ceci la voix lyrique et très riche de la chanteuse Chelsea Knaack et nous nous retrouvons face à l’un des meilleurs albums à avoir vu le jour en 2014.

 

 

StOrk – «Broken Pieces»

Alerte de virtuosité! Le deuxième album de ce groupe de métal/progressif est une démonstration musicale de haut niveau. Le batteur Thomas Lang est étourdissant, le bassiste Kelly T. Lemieux le suit avec une grande habileté et le guitariste Shane Gibson, (malheureusement décédé en avril 2014 avant la parution de l’album) en plus de s’amuser avec les sonorités lourdes et dissonantes, s’avère une belle surprise au niveau de la technique. Ce recueil de treize chanson est extrêmement dense, l’espace sonore étant occupé avec brio. Pour cette nouvelle galette, StOrk a aussi eu la brillante idée de s’adjoindre les services de la chanteuse VK Lynne, qui n’a pas à rougir face à ses habiles collègues alors qu’elle livre une performance solide qui démontre une fois de plus qu’elle est une des meilleures chanteuses de la scène métal, elle qui peut chanter n’importe quoi avec aise. Un album surprenant et impressionnant.

 

 

The Hourglass – «Through Darkness and Light»

Voici un groupe de métal symphonique qui a tenté de s’extirper des sonorités habituelles du genre. Les claviers, fortement orientés vers un son plus «électro», donnent à ce groupe roumain une identité bien particulière. Ainsi, la musique de The Hourglass pourra paraître un peu froide au premier contact, mais cette impression se dissipera rapidement face à la largeur de la palette sonore utilisée et par l’habileté déployée par la claviériste Ioana Dirva. Au poste de chanteuse, le groupe est extrêmement bien nanti, Alma Vomastek étant totalement brillante avec son chant haut perché très évocateur. L’ensemble est mélodique et, mission accomplie, se démarque par une certaine originalité. Avec «Abandoned», qui dure près de dix minutes, The Hourglass signe un des meilleurs morceaux de l’année, une chanson aux multiples changements d’ambiance.

 

 

Xandria – «Sacrificium»

Le plus grand défi pour le groupe allemand, avec «Sacrificium», c’était de livrer un successeur digne au formidable «Neverworld’s End». À prime abord, la mission pouvait sembler des plus difficiles, la formation ayant vu sa chanteuse Manuela Kraller prendre la clés de champs. Au niveau musical, Xandria a confirmé l’orientation prise sur l’album précédent en appuyant à fond sur la pédale «symphonique». Chorale, rythmique rapide, guitares dominantes, claviers en surimpression, mélodies accrocheuses: tous les ingrédients y sont et le groupe remplit le mandat avec brio en offrant un opus qualitativement similaire au précédent. De plus, le groupe a réussit à étouffer toute possible controverse en intégrant en son sein la chanteuse Dianne van Giersbergen, qui se montre à la hauteur de la situation et qui sait faire oublier son excellente prédécesseure. Une éclatante réussite, dont le point d’orgue est la pièce-titre, ma chanson de l’année.

 

 

J’aurais ainsi pu vous parler de quelques albums supplémentaires, réalisant du coup avoir laissé de côté de très bons groupes qui ont eux aussi fait paraître des albums très intéressants. D’ailleurs, comment ai-je pu ne pas parler de Within Temptation, Epica, Stream of Passion et Lacuna Coil? Simple, le marché s’est développé et même si ces groupes majeurs nous ont offerts de bons albums, la relève est nombreuse et s’impose. Et si je me fie à tout ce que je trouve sur Internet chaque semaine, ce n’est qu’un commencement.

 

2014 étant déjà derrière nous, il ne reste plus qu’à nous souhaiter une bonne année 2015. Cette chronique marque d’ailleurs la fin de ma première année complète de collaboration chez Ondes Chocs, en espérant que ceux qui m’ont lu ont pu y faire quelques bonnes découvertes au passage. Bien sûr, je ne peux m’empêcher également d’espérer que cette chronique s’avère utile au noble mandat d’Ondes Chocs, qui est de propager sous toutes ses formes la musique metal d’ici et d’ailleurs. À ceux qui me lisent sur une base régulière, je ne peux que vous remercier.

Stéphan Lévesque

Les « Elles » du Métal » dossier spécial: Within Temptation, 2ème partie

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Voici le lien pour retourner lire la 1ère partie de ce dossier.

Within Temptation: l’énigme de l’évolution d’un groupe majeur, deuxième partie

Après avoir lancé trois albums et progressé musicalement sur chacun de ceux-ci, il est bien difficile à ce stade de prévoir ce que sera la suite des choses pour Within Temptation. Marcher dans les pistes déjà déblayées ou emprunter une nouvelle route pavée d’inconnu? Telle est à la question…

Jouer sur les deux tableaux

Si l’on pouvait percevoir une tentative de percée commerciale à l’écoute de The Silent ForceWithin Temptation fait un autre timide pas dans cette direction avec The Heart of Everything, lancé en mars 2007 en Europe et en juillet de la même année aux États-Unis, une première qui démontre le potentiel de succès que perçoit sa maison de disques. On doit spécifier au passage que cet espoir d’une percée vient sûrement en grande partie du succès surprenant rencontré par le groupe italien Lacuna Coil, dont l’excellent Karmacode s’est hissé jusqu’au 28e rang du Billboard 200* américain en 2006, performance incroyable pour un groupe de metal européen dans un marché dominé par le country et la pop.

En raison de la stabilisation de la formation, cette nouvelle galette ne se détache guère de son prédécesseur au niveau sonore; Within Temptation a toutefois fait un petit pas en arrière en rallongeant ses titres pour les refaire passer au-dessus de la barre des cinq minutes, permettant ainsi un retour des passages instrumentaux, qui se font moins rares que sur The Silent Force. On peut donc facilement qualifier The Heart of Everything d’album du compromis car le groupe réussit à faire se côtoyer avec une belle harmonie des titres ambitieux et des titres plus accrocheurs, pour le plus grand plaisir de toutes les franges de son public.

Sans être l’oeuvre la plus aboutie des Néerlandais, The Heart of Everything s’avère sans l’ombre d’un doute sa plus consensuelle. La production, très soignée, met en valeur autant le côté rock que le côté symphonique du groupe et la puissance de la musique est bien renforcée par la présence de l’Orchestre philarmonique de Prague. L’auditeur se laisse donc transporter avec enchantement par des titres ambitieux comme Our Solemn Hour, Final Destination et surtout The Truth Beneath the Rose, autant que par des pièces plus musclées comme The Howling – qui a l’honneur d’être mise en vedette dans le jeu vidéo The Chronicles of Spellborn – la pièce-titre ou The Cross, ce beau mélange des genres venant nous rappeler que Within Temptation détient cette formule qui allie simplicité et complexité.

The Heart of Everything connaît une belle vie sur les palmarès grâce à des top ten dans huit pays (trois disques d’or et un disque platine) et une première entrée, fort modeste, dans les palmarès anglo-saxons (#38 en Angleterre et #106 sur le Billboard 200). Notons également la performance états-unienne honnête de la superbe What Have You Done, duo à la fois énergique et émouvant qui mélange les belles voix de Sharon den Adel et du chanteur de Life of Agony, Keith Caputo. Ce titre, qui rappelle fortement Evanescence, atteindra le #33 du palmarès U.S. Mainstream Rock Songs, un petit succès pas très surprenant considérant sa sonorité très américaine. On sent donc que la renommée est à la portée du groupe, la tournée de promotion de ce quatrième album connaissant un large succès et culminant avec un spectacle à guichets fermés au Ahoy de Rotterdam avec le Dutch Metropole Orchestra devant plus de 14000 spectateurs. Ce spectacle, publié en CD et DVD sous le nom de Black Symphony, est un achat incontournable pour quiconque veut découvrir Within Temptation: le répertoire joué offre une belle rétrospective de leur carrière, l’aspect visuel y est spectaculaire et surtout, la présence de l’orchestre et d’une chorale porte la musique à un autre niveau.

 

 

 

Les masques tombent

Même si Within Temptation est parvenu, d’un album à l’autre, à se rallier un public de plus en plus large, on sent qu’il devra prendre une décision concernant son avenir. Le choix est à la fois simple et problématique: Within Temptation doit-il continuer à produire une musique symphonique et sophistiquée ou doit-il miser sur une transformation pour espérer augmenter son auditoire sans pour autant s’aliéner le public qu’il a durement gagné? À l’écoute de The Unforgiving, paru en 2011, on constate rapidement que c’est la seconde option qui l’a emporté.

Si l’évolution entre Enter et Mother Earth avait constitué un changement assez abrupt que l’on pouvait mettre sur le compte de la jeunesse et de la recherche d’identité, on ne peut en dire autant sur ce virage à 180 degrés qui marque carrément un nouveau départ et qui relève davantage d’un choix de carrière. En effet, le groupe s’est donné les moyens d’aller chercher le « grand public » en se transformant de manière radicale. Premier changement que l’on remarque, le look. Fini les robes gothiques et excentriques, on enfile le blouson de cuir pour rocker! L’autre changement, sonore celui-là, place les guitares au premier plan. Ce virage saute à l’oreille dès l’écoute de Faster, single paru quelques temps avant la parution de ce cinquième album.

Le parti pris de la production place les riffs accrocheurs à l’avant, réduisant la contribution des claviers, les confinant presque à un rôle figuratif si l’on fait exception de Iron, seul titre présent sur The Unforgiving qui évoque le passé symphonique de la bande à SharonWithin Temptation mise donc sur son côté accrocheur en lançant sur les ondes la très rock et susnommé Faster, la dynamique Shot in the Dark et Sinead, titre « dansant » qui utilise des claviers à sonorité électro, nouvelle composante de la palette du claviériste Martijn Spierenburg. Le groupe a aussi habilement saupoudré trois ballades, faisant de The Unforgiving un album très accessible, visant un public très varié et qui, malgré le changement radical, n’a pas fait décrocher les vieux fans. La raison en est fort simple: les amateurs du groupe sont habitués à voir leurs favoris évoluer et malgré ce changement sonore, il faut bien admettre que la formule est efficace et que les pièces sont très accrocheuses à l’oreille sans être pour autant racoleuses et simplistes. On a donc affaire ici à un album rock commercial, mais intelligent.

Commercialement parlant, la manœuvre s’est avérée payante, The Unforgiving rapportant à ses auteurs de belles ventes, des top ten dans dix pays d’Europe et un certain succès sur notre continent, avec un #50 au Billboard 200 (#14 de la rubrique rock albums et #6 de la rubrique hard rock albums) et une 40e position par chez-nous, première entrée de Within Temptation sur les palmarès canadiens.

 

 

 

Ci-bas, vous pourrez lire ma critique de Hydra, le tout nouvel album paru ici en Amérique le 4 février dernier, mais auparavant revenons à la question posée en début de dossier: Within Temptation progresse-t-il artistiquement ou a-t-il simplement vendu son âme de manière opportuniste au nom d’un carriérisme destiné à vendre le plus grand nombre d’albums possibles? La première option est parfaitement défendable car le son de Within Temptation s’est transformé d’album en album, passant du metal gothique au metal symphonique pour finalement se muer en un habile hybride entre metal et rock mélodique. Cette mutation s’étant faite de manière graduelle, nous pouvons plaider pour la progression artistique.

Toutefois, la deuxième option paraît tout de même la plus vraisemblable pour deux raisons. Premièrement, le côté accrocheur du groupe a toujours pris de plus en plus de place, comme si Within Temptation cherchait à retrouver le succès obtenu avec Ice Queen. Finalement, la disparition des claviers observée au profit des guitares suggère que ce virage est délibéré afin de rendre la musique plus simple à l’oreille pour un large public. C’est donc un pari délibéré qu’a pris Within Temptation. La réaction des vieux fans laisse croire que ceux-ci ne déserteront pas malgré la simplification du propos, mais cette manœuvre sera-t-elle pour autant payante commercialement? À ce stade de leur carrière, les Néerlandais ont atteint un point important qui déterminera comment ils seront perçus dans 20 ans: groupe metal fétiche ou vedettes rock internationales?

*Les données énumérées dans ce dossier concernant les performances au palmarès sont tirées de Wikipédia.

Hydra : la bête à la conquête du monde

Dans la mythologie grecque, l’Hydre de Lerne est un monstre à plusieurs têtes qu’a dû combattre Heraclès pour accomplir le deuxième de ses douze travaux. Dans la mythologie metal néerlandaise, Hydra symbolise maintenant les directions multiples prises par la musique de Within Temptation. La musique offerte par Within Temptation étant variée, le choix du nom de ce sixième album est bien choisi.

Afin de pouvoir davantage nous montrer ses plusieurs visages, Within Temptation s’est adjoint les services de quatre invités derrière le micro. Si la présence de l’ex-Nightwish, Tarja Turunen est naturelle et fait merveille sur Paradise (What About Us?), on ne peut s’empêcher de froncer les sourcils en constatant que le rappeur Xzibit a prêté sa voix et ses mots (comme coauteur) à la pièce And We Run. À ma grande surprise, cette dernière s’avère une intéressante réussite, l’addition d’une voix rap sur fond rock contribuant à surprendre l’auditeur. Même pour quelqu’un comme moi qui déteste ce genre musical, le tout est parfaitement digeste.

La collaboration la plus réussie demeure toutefois celle de l’ex-vocaliste de Killswitch Engage, Howard Jones, qui grâce à sa voix grave et profonde, se révèle un beau complément sur la dynamique Dangerous. Finalement, sur la très pop rock Whole World is Watching, la réplique est assurée par Dave Pirner, chanteur de Soul Asylum. Considérant que sur la version est-européenne de Hydra, on retrouve Piotr Rogucki du groupe Coma plutôt que Pirner sur cette dernière pièce, on peut hausser à cinq le nombre des invités. Ajoutons également qu’une surprise s’est glissée sur Silver Moonlight (selon moi le meilleur titre de l’album) et sur Tell Me Why, soit le retour de Robert Westerholt au grunt, lui qui n’avait pas utilisé sa voix sur album depuis plus d’une décennie. Malgré la qualité de ces invités, c’est toutefois la chanteuse Sharon den Adel qui s’avère indiscutablement la vedette de Hydra, la dame étant parfaitement à l’aise dans le nouveau créneau adopté par le groupe. Oui, plus que jamais, la belle (à l’aube de ses 40 ans, elle rayonne plus que jamais) est bien en voix.

Musicalement, les Néerlandais confirment le virage pris sur l’album précédent. Ce sont donc les guitares qui dominent l’ensemble, nous gratifiant de riffs lourds et de quelques bons solos (notamment sur les solides Let Us Burn et Covered By Roses), les autres instruments assurant efficacement le soutien. Toutefois, si The Unforgiving s’essoufflait considérablement en deuxième moitié de parcours, Hydra est beaucoup plus constant et l’énergie y est palpable pendant 50 minutes, les titres les plus dispensables (la ballade Edge of the World et la monotone Dog Days) étant bien dispersés sur l’album et n’arrivant pas à atténuer notre intérêt.

En bout de ligne, à l’image de la variété sonore retrouvée sur Hydra, votre appréciation de cet album dépendra grandement de la grille d’analyse que vous utiliserez pour l’évaluer. Pour une personne qui n’écoute exclusivement que du metal et qui s’attend à retrouver les grandes envolées symphoniques de l’époque de Mother Earth, la déception sera grande; si vous appartenez à cette catégorie de gens, passez votre tour. Par contre, si comme moi vous avez besoin d’offrir à vos oreilles quelque chose de différent à l’occasion, vous serez en mesure de reconnaître que si Within Temptation a perdu de la profondeur, il sait faire preuve d’un réel talent pour composer une musique rock solide et variée. La renommée du groupe n’étant plus à faire en Europe, Hydra a fait des merveilles sur le Vieux Continent dès sa sortie. Restait maintenant à savoir si le marché nord-américain suivrait… Et bien Hydra est entré au #16 sur le Billboard 200.