Absentéisme et rituels

Marduk (annulé),Rotting Christ, Carach Angren et Necronomicon à L’Astral de Montréal, le jeudi 8 septembre 2016, une présentation de Greenland Productions et Evenko.

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Il est toujours désolant d’apprendre qu’un de ses groupes favoris ne pourra pas, en raison de problèmes de visa, jouer en tête d’affiche d’un concert auquel on avait prévu d’aller avec enthousiasme. Cela est encore plus vrai lorsque ledit concert est à près de trois heures de route de sa résidence et qu’on tarde à avoir une confirmation à savoir si oui ou non, ledit groupe, Marduk en l’occurrence, sera de la partie. En effet, bien que les dates précédentes de la tournée aient été annoncées à l’avance comme ayant lieu sans Marduk, Greenland Productions ne confirma leur absence à Montréal que quelques heures seulement avant le début du concert. Heureusement, Rotting Christ était aussi sur l’affiche et le célèbre groupe grec de Black Metal ritualiste qui ne se présente pas très souvent en nos contrées était une raison suffisante de se déplacer de Québec à Montréal pour leur prestation rallongée, maintenant qu’ils passaient en tête d’affiche de la soirée. C’est donc avec hâte que je rejoins Vincent et Thierry du groupe local Hak-Ed Damm, en cette journée pluvieuse, pour prendre l’autoroute 20 en direction ouest.

C’est donc quelques minutes seulement avant l’ouverture des hostilités par Necronomicon que nous nous garâmes devant les bureaux de Musique Plus, à un jet de pierre de cette salle, L’Astral, que je n’avais jamais visitée encore et qui est plutôt reconnue comme un endroit de Jazz. À peine avions-nous eu le temps de prendre quelques gorgées de houblon que Necronomicon s’installa sur scène pour entamer la soirée devant une salle bien remplie malgré l’annulation de Marduk.

Roulant sa bosse depuis 1988, originaire du Saguenay avant de se déménager à Montréal, le trio de Rob «The Witch» Tremblay (guitare, voix) pratique un Blackened Death Metal qui ressemble beaucoup à ce que Behemoth, Vader et Hate font. Peut-être en raison de cette ressemblance, j’ai toujours eu mes réserves sur cette formation bien que je reconnaisse le talent musical de ses membres et sa position légendaire dans l’arbre généalogique du Metal québécois. Énergique à souhait, mais handicapée par un son extrêmement médiocre qui ne laissait passer que la batterie et le vocal semblant un peu amoché du leader, leur prestation me laissa sur ma faim. Lassé par le grondement indéfini de la guitare et de la basse presque inaudible en dessous d’un tonnerre de batterie, mon attention se porta rapidement sur ma bière et les conversations avec des amis.

Après une courte pause, c’était à la formation néerlandaise de Black Metal symphonique Carach Angren de venir s’exécuter sur la scène de L’Astral. De plus, puisqu’en concert le chanteur-guitariste Seregor préfère se concentrer exclusivement sur son rôle de chanteur, nul autre que Jack Owen (Deicide, ancien membre fondateur de Cannibal Corpse) s’occuperait de la six-corde à ma grande joie! Assistant à un de leur concert pour la première fois, je fus ravi par leur habileté, en tant que quatuor sur scène, à transposer des compositions hautement complexes et comprenant plusieurs étages de claviers et d’orchestrations superposées avec efficacité et aisance. Malgré des difficultés sonores semblables à celles éprouvées par Necronomicon pendant la première pièce de leur prestation, le son fut très bien ajusté dès la seconde, ce qui aida grandement le public à apprécier le spectacle. Seregor exécuta son rôle de frontman avec un brio impressionnant et une théâtralité convenant bien à leur musique très imagée. En somme, je fus très surpris et impressionné par Carach Angren, même si mon amour pour le Black Metal à tendance symphonique est très loin de ce qu’il a déjà été.

La salle était maintenant presque complète et le moment était déjà venu d’accueillir les vétérans de Rotting Christ, formation séminale du Black Metal grec existant depuis près de 30 ans et qui ne passe que très rarement par nos latitudes nordiques. Avec une présence hiératique, un cérémonial convenant particulièrement à l’atmosphère ritualiste de ses trois derniers albums et un charisme impressionnant, les Athéniens livrèrent une performance qui arriva même à dépasser mes attentes élevées. N’hésitant pas à remonter le temps jusqu’à ses deux premiers long-jeux avec l’excellente «The Sign of Evil Existence» de l’album «Thy Mighty Contract» (1993) et la superbe «Non Serviam» de l’effort éponyme publié en 1994, leur prestation rallongée visita avec précision plusieurs recoins de leur discographie de onze galettes pleine longueur et une multitude de sorties connexes. De surcroît, la formation pouvait compter sur son propre technicien de son qui leur livra le son le plus imposant et clair de la soirée. Ce fut donc un moment particulièrement épique pour moi en tant que fanatique de la scène Black Metal grecque, souvent oubliée au profit des omniprésentes formations norvégiennes, suédoises et finlandaises qui dominent le mouvement. Pourtant, la Grèce a été un berceau de ce courant dès la fin des années 1980 avec des formations, outre Rotting Christ, comme Necromantia, Varathron et Kawir.

En somme, malgré la déplaisante annulation de Marduk, Rotting Christ et Carach Angren auront su tirer partie d’un jeudi soir à Montréal de la meilleure des façons qu’il soit, c’est-à-dire en livrant des performances époustouflantes devant une salle malgré tout presque pleine. Les vétérans locaux de Necronomicon auront malheureusement fait les frais d’un son beaucoup trop brouillon, en dépit d’une prestation énergique et dense. Enfin, il aurait été apprécié que les promoteurs précisent la situation de Marduk plus à l’avance afin d’éviter des inconvénients aux détenteurs de billets et aux fanatiques de la troupe. En terminant, un gros merci à Jon Asher de Asher Media Relations pour l’accès au concert.

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas

 

L’Ambassade infernale débarque à Québec

Conjuring The Dead-North American Raid 2016: Belphegor, Origin, Shining, Abigail Williams et Hak-Ed Damm à la Salle Multi de Québec le mardi 30 août 2016, une présentation de District 7 Production.

30 aout - Quebec - Belphegor

Il y avait plusieurs années que je n’avais pas eu la chance de revoir les légendes autrichiennes du Blackened Death Metal Belphegor dans mon patelin, environ 6 ans si je ne m’abuse, quand j’appris que la troupe suédoise Shining serait de leur nouvelle tournée nord-américaine et que ladite tournée s’arrêterait à Québec, sans même passer par Montréal. L’excitation monta bien sûr en moi à cette annonce, d’autant plus que le reste de l’affiche ne serait pas à négliger, malgré le choix étonnant du groupe de Death technique Origin en support direct à Belphegor sur la tournée, avec les «Black metallers» américains de Abigail Williams et la bande locale de Black Brutal Hak-Ed Damm en ouverture de soirée. C’est donc avec enthousiasme que nous fîmes garder notre progéniture satanique et que ma lionne d’acier et moi prîmes le chemin du carnage annoncé.

Les hostilités s’ouvrirent peu après l’ouverture des portes, vers 19 h 30 environ avec les brutes locales de Hak-Ed Damm et je fus heureux pour eux de constater que la salle était déjà assez bien garnie pour un concert du mardi soir, d’autant plus que Prophets of Rage se produisait le même soir au Centre Vidéotron. Sur scène, Hak-Ed Damm nous livra une demi-heure bien tassée de son Black Brutal qui rappelle inévitablement le Marduk de l’ère «Panzer Division», fortement appuyé sur la batterie guerrière et infatigable de Vincent Trépanier. Le chanteur, attifé de sa tenue de général sadomasochiste en képi et chaînes nous attaqua de ses hurlements aigus et grognements occasionnels, mais ses interventions entre les pièces souffrirent d’être un peu trop marmonnées et d’un manque d’intensité et de conviction. La formation nous livra un mélange de pièces anciennes et nouvelles qui ne sont pas encore parues et réussirent à aller chercher l’approbation mouvementée de plusieurs spectateurs. Cependant, le son brouillon pendant leur prestation, principalement en ce qui à trait aux guitares, leur nuisit passablement. En somme, ce fut une belle introduction, mais le travail brouillon à la sonorisation handicapa quelque peu ces vétérans de la scène Black Metal de Québec.

Après une courte pause, Abigail Williams s’installa sur scène pour poursuivre le massacre. Assez dure à cerner pour certains, car elle change de style à chaque album au gré des envies de son leader Ken Sorceron, ayant passé du Death mélodique/Metalcore, au Black Metal symphonique, puis au Black atmosphérique pour se replier sur un genre de Black N’ Roll avec des influences gothiques sur son dernier opus «The Accuser» (2016), la formation américaine s’amena à Québec cette fois sous forme d’un trio sans bassiste et sans claviériste (remplacés par des séquences). Cette fois cependant, le son fut de très grande qualité et me permit même de mieux apprécier les pièces du dernier effort qui me semblaient un peu minces sur album, mais prennent du grain en concert. Malgré une formation réduite, Abigail Williams trouva donc le moyen de nous présenter ses dernières œuvres avec aplomb et énergie, terminant sa performance avec la magnifique «Beyond The Veil», certainement leur meilleure pièce en carrière, de l’album «Becoming» (2012).

C’était donc maintenant le grand moment où la troupe de Niklas Kvarforth, les damnés de Shining, formation séminale du courant Black Metal dépressif/suicidaire allaient se produire pour la toute première fois à Québec après leur passage très remarqué à la Messe des Morts IV en avril 2015, à Montréal. En grande forme, le quintette suédois fut encore aussi époustouflant qu’il y a un an et demi tant au point de vue musical, notamment en raison des prouesses magiques des guitaristes Euge Valovirta et Peter Huss, qu’au point de vue du caractère charismatique de leurs prestations. De plus, cette fois le son fut tout simplement parfait. Passant avec une aisance déconcertante par tous les styles qui font que Shining est unique: Metal, Black Metal, Progresssif, Jazz, Rock, ceux-ci confirmèrent leur statut de groupe-culte et nous livrèrent une performance tout simplement captivante et haute en émotions de toutes sortes.

Après le passage sublime de Shining, c’était maintenant au groupe «étrange» de l’affiche de se produire. Effectivement, comme je le mentionnais d’entrée de jeu, Origin qui œuvre dans le Death Brutal technique, faisait figure de mouton noir sur une affiche dédiée à des formations penchant vers le côté Black Metal des choses. Qu’à cela ne tienne, j’avais déjà vu Origin en compagnie de Gorguts et je savais qu’on pouvait s’attendre à une prestation de virtuoses menée avec charisme et avec une énergie débordante. D’ailleurs, ce fut exactement ce qui se produisit sur la scène de la Salle Multi. Le groupe livra ses compositions au rythme inhumain et à la virtuosité complètement hors de ce monde, s’attirant les réactions les plus violentes de la soirée dans la fosse. Le batteur John Longstreth se mérita le titre de métronome humain, le chanteur Jason Keyser rugissait comme un lion, alors que le bassiste Mark Flores possédait deux tarentules hyperactives à la place des mains. Ma seule déception provint du son de guitare bourrin et indéfini de Paul Ryan que j’aurais préféré plus incisif. En somme, ce fut donc un pari risqué, mais réussi haut la main pour Origin.

Après une pause relativement longue, vers 23h, Belphegor entama enfin sa prestation. Formation cumulant près de 25 ans de Blackened Death Metal, Belphegor a toujours su comment livrer des performances aussi puissantes musicalement que théâtralement sataniques. Se présentant à nous enveloppés de volutes d’encens, avec des têtes de chèvres comme décoration et des maquillages démoniaques rehaussés de sang, la troupe autrichienne nous lança ses hymnes au mal, aux plaisirs de la chair, ainsi qu’à la dépravation avec précision et charisme. Malgré une sélection assez équilibrée ne versant pas dans un excès de promotion de son dernier effort intitulé «Conjuring The Dead» (2014) et qui est probablement le moins bon album de leur discographie, la formation oublia malheureusement certains de ses meilleurs opus, notamment les excellents «Blutsabbath» et «Necrodaemon Terrorsathan». Toutefois, on eut tout de même droit à de superbes classiques comme «Lucifer Incestus», «Belphegor-Hell’s Ambassador» et «Bondage Goat Zombie». Enfin, leur son fut certainement le plus puissant de la soirée, bénéficiant de leur propre technicien de son. Ce fut donc un excellent moment de Blackened Death Metal et j’appréciai beaucoup l’atmosphère théâtrale donnée à leur prestation.

En somme, ce fut une autre très belle soirée métallique dans la vieille capitale. En effet, tous les groupes de l’affiche auront réussi à tirer leur épingle du jeu devant une foule bien garnie pour un mardi soir. De plus, la formation locale Hak-Ed Damm aura pu bénéficier d’une belle vitrine, malgré des problèmes de sonorisation. En terminant, je désire remercier Karl-Emmanuel Picard de District 7 Production pour l’accès au concert.

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas

 

Critique d’album: Forteresse – «Thèmes pour la Rébellion»

Forteresse - Thèmes pour la Rébellion cover

FORTERESSE
«Thèmes pour la Rébellion»
Sepulchral Productions
Juin 2016

Liste des pièces
1- «Aube de 1837»
2- «Spectre de la Rébellion»
3- «Là Où Nous Allons»
4- «Par la Bouche de mes Canons»
5- «Le Sang des Héros»
6- «Forêt d’Automne»
7- «Vespérales»
8- «Le Dernier Voyage»

*Scroll down for English version. Translation done by Lex Ivian
Comment FORTERESSE, groupe phare du mouvement Métal Noir Québécois, ayant même créé ladite appellation avec le titre de son premier long-jeu en 2006, pouvait-il faire pour surprendre encore avec son cinquième album complet en 2016? La précédente question était celle que j’avais à l’esprit lorsque je reçus ma copie virtuelle promotionnelle de «Thèmes pour la Rébellion» superbement illustrée par une peinture du peintre Joseph Légaré. Puis, je cliquai sur le tout aussi virtuel bouton «lecture» et la réponse me frappa les oreilles après une courte introduction atmosphérique. Tout simplement, FORTERESSE n’avait qu’à épurer et augmenter l’intensité de sa recette éprouvée pour nous pondre un véritable chef-d’œuvre.

En effet, la première chose que le connaisseur remarquera à l’écoute de ce nouvel opus flamboyant est que FORTERESSE a délaissé son côté «atmosphérique» prépondérant sur ses trois derniers long-jeux pour une formule beaucoup plus agressive se basant toujours sur des motifs de guitare cycliques de Matrak et Moribond et les rythmiques pleines de Fiel surplombant les voix râpeuses réverbérées de Athros, mais avec une rapidité et une constance beaucoup plus accentuée que par le passé. Le résultat est donc un album dépouillé d’interludes de rigodons, mais garni d’un concentré de pièces rapides et agressives livrées avec une efficacité et une exécution sans failles, notamment en ce qui à trait au jeu de batterie magnifique de Fiel. L’approche axée sur la violence et la puissance adoptée par le quatuor vient donc très bien complimenter la thématique de l’album qui traite principalement des rébellions de 1837-1838 au Bas-Canada. FORTERESSE s’illustre aussi sur cette nouvelle galette avec un superbe son, ayant fait appel aux services réputés de Tore Stjerna au Studio Necromorbus de Suède pour le mixage et le mastering. On a donc droit à une production magnifiquement équilibrée entre une qualité sonore étoilée et un côté sale et méchant typiquement Black Metal. Le résultat final est donc un opus incontournable et un autre point de référence dans la courte histoire du Métal Noir Québécois.

En somme, aucun amateur de Métal Noir Québécois ne devrait passer à côté d’un album aussi réussi et marquant que «Thèmes pour la Rébellion». Avec une approche plus agressive, plus efficace et un son tout simplement épique, les membres de FORTERESSE prouvent qu’ils sont toujours bien en avant dans le peloton de tête du mouvement qu’ils ont défriché!

9,5/ 10

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas

 

How FORTERESSE, flag bearer of the Métal Noir Québécois movement, who even created the aforementioned name with the title of its debut album in 2006, could surprise again with its fifth full album in 2016? This question was on my mind when I received my promotional digital copy of «Thèmes pour la Rébellion», beautifully illustrated by a painting of Joseph Légaré. Then I clicked on the «play» button and the answer hit my ears after a short atmospheric introduction. Seems that FORTERESSE only had to purify and increase the intensity of its proven recipe to create a real masterpiece.

Indeed, the first thing the aficionado will note listening to this new flamboyant album is that FORTERESSE has abandoned its «atmospheric» side proeminent over its last three albums for a much more aggressive delivery relying still on the cyclical guitar patterns of Matrak and Moribond and the rhythmic full of Fiel overlooking the raspy reverberated voice of Athros, but with a much enhanced speed and consistency than in the past. The result is an album stripped of folkloric interludes, but filled with a concentrate of quick and aggressive songs delivered with efficiency and flawless execution, particularly in respect to Fiel‘s magnificent drumming. The approach, focused on violence and power, adopted by the quartet thus carries very well the theme of the album that deals primarily with the 1837-1838 rebellion in Lower Canada. FORTERESSE also shines on this new album with a superb sound, brought forth by the mixing and mastering of Tore Stjerna, renowned sound engineer at Studio Necromorbus in Sweden. Therefore the album was entitled to a beautifully balanced production between a five-stars sound quality and a dirty and nasty side typically Black Metal. The end result is a must-get album and another reference point in the short history of Métal Noir Québécois.

In short, no fan of Métal Noir Québécois should pass aside an album as successful and prominent as «Thèmes pour la Rébellion». With a more aggressive and more efficient approach coupled with a sound simply epic, the members of FORTERESSE prove that they are still well ahead in the forefront of the movement they have helped create!

9,5/ 10

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas

 

Rébellion, déliquescence moyenâgeuse et cantiques malsains

Forteresse (lancement de l’album «Thèmes pour la Rébellion»), Délétère et Cantique Lépreux (premier concert à vie) le vendredi 17 juin 2016 au Bar La Source de la Martinière à Québec. Une présentation de Sepulchral Productions.

17-juin-Quebec-Forteresse

Dans la vie d’un noir-métalleux, il y a des concerts absolument incontournables et après le retour sur scène majestueux de Monarque ce printemps, c’était maintenant le temps pour Forteresse, clef de voûte du Métal Noir Québécois de venir nous présenter son nouvel album dévastateur intitulé «Thèmes pour la Rébellion (2016)». De plus, l’excellente formation Délétère serait de la partie et la soirée serait ouverte par nul autre que le tout nouveau projet Cantique Lépreux, à son tout premier concert en carrière. Petite précision préliminaire, j’aurais vraiment aimé vous parler de ce concert plus tôt, mais les affres du déménagement m’auront retardé jusqu’à aujourd’hui. Allons-y donc rondement avec cette merveilleuse soirée organisée par Antoine Pellerin (Délétère, Monarque, Soiled By Blood, Saturnales).

Tout d’abord, c’est avec célérité et excitation que votre humble serviteur se dirigea vers l’institution limouloise du Bar La Source, lieu qui a connu une impressionnante conversion en Bar-spectacles digne de ce nom au cours des trois dernières années, pour y rejoindre mes collègues de Dépérir Wayne «Arawn» Barr et Garett «Sorthei» Gzk qui venaient aussi assister au massacre prévu. Sur place, j’eus le plaisir de constater la présence de nombreux aficionados du Métal Noir, y compris plusieurs de mes amis de la grande région montréalaise et même du Nouveau-Brunswick qui avaient fait la route pour cette occasion immanquable. Martin Marcotte de Sepulchral Productions, ainsi que Monarque des Productions Hérétiques étaient aussi sur place avec leurs merveilleux produits à vendre, ce qui est toujours synonyme de bons achats.

Quelques minutes après mon arrivée, Cantique Lépreux entama les hostilités. Ce nouveau projet initié par le très expérimenté Blanc Feu (guitares, chant) (Chasse-Galerie, Au-delà des Ruines, Mêlée des Aurores) et complété par ses collègues de Chasse-Galerie : Matrak (basse), Cadavre (batterie) et Viscère (guitares live), nous présentait plus tôt cette année un premier album de Black Metal centré sur des thématiques poétiques hivernales, des motifs mélodiques cycliques infectieux et le jeu de batterie raffiné de Cadavre, intitulé «Cendres Célestes (2016)»(une critique suivra sur Ondes Chocs!). Sur scène, le résultat fut tout à fait convaincant, malgré une entrée en matière un peu confuse du point de vue du son. En effet, durant la première pièce de leur prestation, les guitares manquaient un peu de définition, mais cela fut vite arrangé par François C. Fortin. La performance musicale des musiciens fut d’une solidité impressionnante et le son scénique puissant et méchant donna vie à leurs compositions extrêmement efficaces. Malgré une corde de basse cassée avant la dernière pièce, la troupe put compléter son tour de piste grâce à un prêt du nouveau bassiste live de Forteresse G., aussi guitariste de Délétère. Ce fut donc une excellente première prestation pour Cantique Lépreux qui se sera bien fait remarquer par une foule très réceptive.

Après une courte pause qui nous permit d’échapper à la chaleur étouffante de la salle, Délétère prit place sur la scène pour poursuivre le rituel. Formation particulièrement active l’année dernière sur les scènes de la Belle Province avec la sortie de l’album «Les heures de la peste (2015)», le quintette mené par Thorleif (chant) et Atheos (basse) désirait visiblement entamer l’année 2016 avec toute sa fougue et sa violence malsaine habituelle. C’est donc avec agressivité, puissance et précision que Délétère livra encore une fois une prestation mémorable. Le chanteur se fit encore remarquer avec sa présence scénique qui impose le respect et l’autorité, tandis que ses musiciens livrèrent encore une fois les compositions avec rigueur et énergie. La foule s’agita avec violence et le houblon coula à flots. Malgré ce qui sembla un problème technique avec la guitare de G. au début de leur prestation, leur performance fut implacable et malicieusement charismatique avec un son arrachant tout sur son passage.

Il régnait maintenant une chaleur purement infernale dans la salle et après un ultime entracte, Forteresse entama inopinément sa prestation, ce qui eut pour effet de précipiter la foule vagabondant à l’extérieur vers l’avant-scène. Nous jetant au visage les premières pièces de leur nouveau chef-d’œuvre d’album qui présente une facette beaucoup plus intransigeante et agressive de Forteresse, les patriotes ravirent aussitôt le cœur et l’âme des spectateurs présents. La fosse se déchaîna sous l’assaut précis, efficace et violent d’Athros (chant), Fiel (batterie), Matrak (guitare lead), Moribond (guitare rythmique) et G. (basse). Encore une fois, le son de François C. Fortin fut d’une puissance et d’une définition impressionnante, ce qui contribua à mettre en valeur la superbe performance des musiciens. Après trois quarts d’heure de prestation centrés principalement sur leur excellent dernier-né (une critique suivra sur Ondes Chocs!), le groupe vint nous achever avec un extrait du séminal «Métal Noir Québécois (2006)», soit la pièce sublime «Une nuit pour la patrie». Forteresse vint donc ainsi conclure une soirée de Métal Noir épique!

En somme, ce fut une soirée de lancement purement magique pour Forteresse, une performance magistrale pour Délétère et une excellente entrée en matière scénique pour Cantique Lépreux. Cette dernière formation est d’ailleurs promise à un avenir reluisant. En terminant, je désire remercier personnellement Antoine Pellerin pour l’accès à cette soirée hautement mémorable.

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas

Voler la vedette…

Hate Eternal, Vital Remains, Black Fast, Inanimate Existence et Vitiated à L’Anti Bar & Spectacles, mardi le 17 mai 2016. Une présentation de District 7 Production.

17 mai 2016 - Québec - Hate Eternal affiche

C’était en plein milieu de semaine, un mardi soir que les titans du Death Metal de Hate Eternal et Vital Remains feraient un arrêt dans la vieille capitale pour un concert qui promettait de ne pas être doux. Accompagnés de deux supports de tournée; soit Black Fast et Inanimate Existence, les deux formations légendaires seraient aussi précédées d’un support local (merci à District 7 d’avoir pensé à la scène locale), ce qui plaçait le début du concert à l’heure précoce de 18 h 30. C’est donc après un souper sur le pouce que votre serviteur se présenta pile à l’heure pour voir Vitiated s’exécuter.

Quelle ne fut pas la surprise de votre scribe quand il constata qu’un nombre très raisonnable de spectateurs occupait déjà l’endroit, même s’il était très tôt pour un concert du mardi soir. Passé ce constat, celui-ci se concentra sur la performance du groupe local invité.

Vitiated est un quatuor de Metal extrême de Québec qui a commencé sa jeune existence en 2012. La troupe compte parmi ses rangs: Philippe Drouin (Unbreakable Hatred) à la guitare, JP Beaulieu aux grognements et hurlements, Stéphane Beaulieu à la basse et William Rousseau à la batterie. C’était la toute première fois que je voyais ce groupe en concert et je fus convaincu par une performance relativement solide d’une musique combinant Death Metal extrême, passages progressifs aérés axés sur des «grooves» de basse intéressants et des solos de guitare à couper le souffle. Je trouvai même que les talents exceptionnels de guitariste de Philippe Drouin sont encore plus mis en valeur dans Vitiated que dans Unbreakable Hatred, la musique des premiers étant plus aérée et lui laissant plus d’espace entre les passages déments et chaotiques pour nous époustoufler avec sa virtuosité. Du côté du chant, on eut droit la traditionnelle alternance entre grognements gutturaux et hurlements aigus, les premiers étant très bien exécutés et efficaces alors que les seconds me semblèrent moins francs et un peu surutilisés dans le contexte de leur musique. Enfin, le batteur me sembla parfois avoir un peu de difficulté à maintenir le tempo et la précision des roulements de grosse caisse requis par leurs compositions, cependant cela était peut-être imputable à une question d’équipement. Toutefois, la formation sut maintenir l’intensité de sa prestation à une heure un peu trop précoce et capta facilement l’attention des spectateurs. Ce fut donc une très belle découverte pour moi.

Du nord de la Californie, suivait Inanimate Existence qui pratique un Death Metal progressif et technique où se combinent des influences aussi variées que des séquences de claviers à la Dream Theater et des passages tirant sur le Thrash technique et parfois un soupçon de Black Metal. Le quintette se compose de: Ron Casey (batterie), Cameron Porras (guitare), Joel Guernsey (guitare), Taylor Wientjes (grognements et cris) et Scott Bradley (basse). Sur scène, après une introduction spatiale, le groupe se livra à une présentation techniquement très solide de sa musique complexe et variée, peut-être trop variée. En effet, je qualifierais leur genre de Pseudo Death Metal pour et par des personnes souffrant d’une forme très agressive de TDAH et cela dit en tout respect des personnes atteintes de troubles du déficit de l’attention. En effet, leurs compositions semblent être un ramassis de motifs importés de styles divers de Metal et collés ensemble au mépris de tout souci de musicalité et de logique. Lesdits motifs étant entrecoupés d’abominables «breakdowns» génériques à tendance «core», probablement pour faire à la mode et parce qu’ils ne collent pas ensemble. Le tout fait en sorte que la composante Death Metal est extrêmement diluée dans un salmigondis sonore manquant cruellement d’identité. De plus, le chant composé uniquement de cris et de grognements exécutés avec beaucoup de compétence, mais saupoudrés de façon très éparse et prévisible est sous-utilisé. Cela me fit même me demander pourquoi la troupe a besoin d’un chanteur pour en faire aussi peu. Cela dit, bien que je fus peu convaincu par leurs compositions, je fus impressionné par les prouesses techniques du bassiste et des guitaristes et je trouvai leurs passages plus lents et lourds tout de même intéressants.

C’était maintenant au tour de Black Fast de Saint-Louis, Missouri, de venir exécuter leur Thrash Metal progressif noirci sur scène. Le quatuor composé de: Aaron Akin (guitares, cris), Ross Burnett (batterie), Trevor Johanson (guitare) et Ryan Thompson (basse) nous asséna sans cérémonie son Thrash/Speed Metal complexe, accrocheur et garni d’influences Black Metal, notamment dans le vocal. Avec des motifs de guitare complexes qui se promènent sur l’entièreté du manche, une rapidité de casse-cou et des solos rappelant le vieux Sepultura, ils captivèrent l’auditoire nombreux venu les entendre. Je fus donc très impressionné par la qualité des compositions, de l’interprétation et de la présence scénique de ces jeunes apparemment à peine sortis de la puberté. La formation sut aussi intégrer des passages plus lents et lourds pour permettre au public de digérer ses festivals du motif Speed Metal. Ce fut donc une seconde belle découverte pour moi en ce mardi soir et je peux affirmer que je ne fus pas le seul à être conquis par leur formule musicale alliant ancienne et nouvelle école du Thrash Metal tout en exploitant la virtuosité de ses jeunes membres.

Après les hors-d’œuvre, nous étions maintenant dus pour le premier plat de résistance de la soirée, soit une prestation des brutes sanguinaires de Vital Remains. En 27 ans d’histoire, la formation nous a habitués à des chefs-d’œuvre de Death Metal satanique à l’ancienne. Cependant, depuis les neuf dernières années, aucun nouveau matériel n’a été sorti par la formation et celle-ci a été ralentie par de nombreux changements de membres impromptus. D’ailleurs à son dernier passage à Québec en 2013, la formation avait du s’exécuter sans bassiste, celui-ci n’ayant pas passé les douanes et avec un guitariste soliste, Dean Arnold, qui venait à peine d’entrer dans le groupe. Pourtant, le concert avait été mémorable et puissant quand même. Cette fois, Vital Remains arrivait avec un alignement complet comprenant James Payne à la batterie, Gator Collier à la basse, Brian Werner au vocal et le seul et unique membre original de la troupe, Tony Lazaro à la guitare. Après une courte introduction, la troupe se lança dans une véritable leçon de Death Metal d’une énergie et d’une violence sans nom. La précision, la puissance sonore et le charisme furent au rendez-vous avec un chanteur escaladant les tables, sautant dans la fosse et courant sur les comptoirs pour haranguer un public possédé. Seule ombre au tableau, celui-ci semblait souvent être en avance sur le tempo dans la livraison de ses grognements gutturaux dévastateurs. Ce fut cependant un accroc très mineur dans une sévère correction livrée au public qui tournoyait dans une des plus grosses fosses circulaires que j’ai vues à L’Anti et ce, sans tenir compte du fait qu’on était un mardi. De plus, on eut même droit à un tsunami de la mort consistant en un «Wall of Death» entre le devant et le fond de la salle qui dévasta l’endroit. Une toute nouvelle pièce fut interprétée, signe que la disette de nouveau matériel est terminée pour Vital Remains. Après une «Dechristianize» magnifique, le groupe se retira ne laissant que des cadavres derrière et mettant toute la pression sur les épaules de Hate Eternal.

L’heure était donc venue pour le trio du légendaire guitariste-chanteur Erik Rutan (Ex-Ripping Corpse, ex-Morbid Angel, ex-Alas) de prendre d’assaut Québec après onze ans d’absence dans notre bourgade. De plus, sur la tournée actuelle, Hate Eternal avait l’honneur de s’amener avec Hannes Grossmann derrière les fûts, certainement un des batteurs les plus extraordinaires du Metal moderne. Enfin, malgré le fait que Hate Eternal est une force incroyable de Death Metal violent, brutal et technique sur album, ils ont souvent été moins bien évalués sur scène en raison de leur fâcheuse tendance à avoir un son flou et bourrin en concert. Après la prestation titanesque de Vital Remains, je craignais donc qu’ils se soient fait voler la vedette. Malheureusement, je n’étais pas loin de la vérité. Tout d’abord, malgré la présence de leur propre ingénieur du son derrière la console, on remarqua dès le début de leur prestation que le son était déficient. Tout d’abord, l’excès de déclencheurs automatiques sur la batterie noyait l’espace sonore de roulements de grosse caisse au son de machine à coudre. Ensuite, le reste du son était enterré dans les basses fréquences de la basse nous empêchant de distinguer clairement la guitare rythmique. Seuls les solos perçaient au-dessus de la bouillie sonore, probablement en raison de l’utilisation d’une pédale d’overdrive. Hormis le son, la prestation de Hate Eternal fut quand même puissante et divertissante malgré une sélection un peu inégale. Les spectateurs ne manifestèrent pas du tout le même enthousiasme que pendant Vital Remains et plusieurs semblèrent même déserter la salle. De surcroît, le bassiste J.J. Hrubovcak n’aurait pas dû être responsable des «backvocals» puisqu’il n’a tout simplement pas de voix et était toujours décalé par rapport au tempo. Le célèbre batteur session nous montra une facette différente de ses talents, lui qui nous a habitués, dans ses nombreux projets à un jeu plus dynamique et subtil, puisqu’avec Hate Eternal il est confiné au rôle de marteleur sans compromis. Cependant, je ne crois pas qu’il y soit mis en valeur en raison de l’abus de «triggers». Votre scribe resta donc sur sa faim même s’il fut quand impressionné par la virtuosité du trio.

En conclusion, il fut tout de même intéressant de voir Erik Rutan, une légende du Death Metal, s’exécuter avec Hate Eternal dans un contexte aussi intimiste que celui de L’Anti, mais Vital Remains leur aura donc bel et bien volé la vedette. Un son indéfini et une sélection en dents de scie auront handicapé les représentants de la haine éternelle. Le quintette sataniste aura donc servi une véritable leçon de Death Metal tant aux nombreux spectateurs qu’à la tête d’affiche. Enfin, je fis deux belles découvertes parmi les trois groupes de support, soit Black Fast et Vitiated. Ce fut donc une superbe soirée Metal. En terminant, je désire remercier District 7 Production pour l’accès média à la salle.

Louis-Olivier «Winterthrone» B. Gélinas