Voici la critique de Dany Marchand et les photos prises par Joé Lacerte lors du spectacle de Malebranche présenté au Turbo Haûs de Montréal le 12 mai 2022 et qui mettait également à l’affiche Bhatt et Givre.
Critique
On embarque en voiture, direction: le grand Montréal.
Ce soir, ma quête de musique débute avec le défi de trouver un emplacement où garer mon fidèle destrier allemand, le défi a été relevé, mais sans aucun temps record. La grande métropole est bondée de joyeux fêtards venus pour accueillir les premières vraies soirées de printemps qui nous sont offertes ce soir.
Me voici donc aux portes du Turbo Haüs dans le Quartier latin. On descend les quelques marches pour accéder à la section-bar, très sympathique et attrayante, avec un personnel dynamique et courtois. Le décor est très éclectique avec différent type de styles.
Après s’être procuré un breuvage grisant, nous traversons dans la pièce où la magie opérera ce soir.
C’est dans une pièce très sombre que mon premier regard sur cette salle se porte. Un look trash/punk et antique bien agencé attire mon oeil. Et que dire de la scène qui est fort intéressante avec un arrière-plan aux allures steampunk avec des miroirs et cadres d’époque tapissant le mur entier! Un éclairage de scène décent avec des bandes lumineuses en formation qui rappelle un badge d’ailes d’aviation. Tout pour faire décoller cette magnifique soirée glauque, froide et ténébreuse sous les hymnes noirs du Black Metal québécois!
Givre
20h10: C’est sans trompettes ni clairons que le black métal cathartique de Givre démarre rapidement et on ajuste le son en pleine première pièce pour atteindre une sonorité très à point pour le genre.
La salle, pleine à craquer même pour un jeudi soir, offre une belle réduction de la réverbération. Le quintette nous propose des chansons débordantes de rage et d’agonie. La souffrance dans la voix est sublime et palpable, la prestation du vocaliste est forte en intensité. Cette lyricité est appuyée à la perfection par les backvocals de deux des trois guitaristes présents sur scène. Leurs voix ont des styles semblables, mais complémentaires à celle du chanteur principal.
Parlant de la section cordes, l’utilisation des trois guitaristes est une ressource très bien exploitée sans trop faire d’ombre à la puissance de la basse. Le batteur est solide et renforce l’intensité de l’ensemble du groupe. Comme il est fréquent dans le DBM (depressive black metal) des arrangements de qualité et des séquences entrecoupent majestueusement les interventions simple et douce du leader entre les oeuvres présenté. Une de ces intros est un extrait de la traditionnelle « La bonne chanson » d’Albert Viau.
Lorsqu’un problème technique niveau guitare survient, on demande un temps d’arrêt, et on recommence aussitôt le trouble réglé, les gars ne sont pas là pour jaser ou divertir en mots, mais bien pour jouer de la musique et le font à merveille.
D’ailleurs, il ne faut pas se laisser berner par les sourires des membres sur scène, car à chaque fois que les notes affluent, le Givre vous glace le sang!
Ce band sera définitivement ma découverte et coup de coeur de la soirée même s’ils revenaient d’une décennie d’absence, super retour!
Un long changement de ligne est ensuite en cours. Mais qui fut bien accueilli, car la chaleur dans la salle souvent très intense nous menait directement au bar d’à côté pour s’hydrater et prendre une bouffée d’air frais.
Bhatt
Au retour, c’est Bhatt de la grande capitale qui vient visiter la métropole ce soir.
Premier coup d’oeil et d’oreille, on remarque que deux vocalistes avec deux techniques distinctes chantent en alternance des pièces du répertoire. Les techniques employés sont pour un scream classique plus bas alors que le guitariste rythmique lui est très aiguë. Peu de variation niveau ton de voix, mais le contrôle des cordes vocales est solide et ne perds pas en intensité, violence ni en qualité.
La chair de poule me prend surtout pour la musicalité de cette formation qui nous offre des riffs très groovy par moment au travers du vintage black métal de l’ensemble. De plus, ma surprise est encore plus grande lors que j’entends se porter à mes oreilles des variances de styles musicaux différents, dont des saveurs punk à un moment dans une des chansons.
La foule est très réceptive lors de cette 2e partie du spectacle et se laisse porter par l’ambiance maintenant instaurée dans le Turbo Haüs!
La finale de la dernière acte est originale et hallucinante, avec une série de cris du vocaliste arborant casquette et barbe sur un effet délayé créant un mur, voir un vortex, de voix imposantes qui vient me chercher aussitôt.
J’aimerais beaucoup que l’utilisation des deux vocalistes soit plus mise en développement dans un avenir prochain, car le potentiel est là pour monter la technicité musicale du groupe (déjà bien posée) à un autre niveau.
Les guerriers de Bhatt peuvent poser les armes après avoir monté d’un cran l’intensité de cette soirée chaude et mélodique.
Malebranche
Un autre long changement et un autre breuvage rafraichissant plus tard, la tête d’affiche se pointe sur une scène très sombre (ce qui complique le travail des photographes présent, mais donne un cachet pour l’oeil du public).
Alors que les musiciens se préparent à attaquer une assistance qui en redemande, le leader du band remercie les deux premiers orchestres ainsi que l’organisation pour ensuite nous donner en détail le déroulement des choses à venir et des pièces qui seront amenées à nos canaux auditifs.
Les lumières se ferment totalement, une mélodieuse séquence musicale s’entame, premier semblant de mise-en-scène de la soirée, mais sans excès. Leur éclairage très sombre semble être une marque de commerce, car eux seuls la conserve pour la presque totalité de leur présence.
Musicalement, c’est du grand art, les mecs ont vraiment bien étudié leur black métal et ses multiples sous-genres. D’ailleurs, dans la musicalité, on nous sert toutes les sauces, du folk, au ambient, au mélodique, on tire sur tous les genres et on tire son épingle du jeu à chaque fois. Le vocal est bien contrôlé et offre de belles variations d’intonations comme nous ont servi les légendes du genre avant eux et nous observons aussi des techniques vocales plus au goût du jour avec des pièces qui me rappelle Uada que j’affectionne particulièrement niveau musical.
Le volume des guitares est très fort en début de set et on perd la basse. Cependant, plus le concert avance et mieux le balancement s’opère pour arriver à un niveau fort appréciable en qualité.
La présence scénique de Malebranche est belle à voir. Les performeurs ressentent leur oeuvre et la font transparaitre pour le public en quasi-transe. Le chanteur et le batteur nous offrent un visuel fort divertissant. Les percussions tantôt violentes, tantôt harmonieuses et texturées sont d’une exactitude déconcertante.
La finale se fait en douceur, sans rappel, mais laisse dans nos têtes les harmonies du guitariste soliste qui tournent en boucle telle des vers d’oreilles instrumentaux.
Une leçon quasi anthropologique de black métal a été servie par Malebranche passant par beaucoup de mes souvenirs musicaux des 90’s, mais en gardant leur belle homogénéité propre à eux.
Nous quittons la chaleur de la salle pour tranquillement retourner à nos soucis réguliers de la vie, mais avec le coeur léger de s’être défoulé en musique avec ces trois actes toutes plus surprenante les unes que les autres.
Le froid du black métal laisse place à la lourde chaleur de cette journée de canicule printanière!
Texte: Dany Marchand
Photos: Joé Lacerte




