Le printemps se pointe enfin le bout du nez! Cette année, l’arrivée du beau temps (ou du moins du pas pire beau temps…) ne correspond pas seulement au réveil de la nature, mais aussi à un regain d’activité impressionnant du côté des groupes à voix féminines. La quatrième galette de Delain était bien sûr fort attendue, mais laissez-moi aussi revenir en 2013 afin de vous faire découvrir Vita Nova et sa fantastique chanteuse, VK Lynne. Bonne lecture! – Steph
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« The Human Contradiction«
Napalm Records
2014
En 2006, en raison du grand nombre d’invités présents sur leur premier album, l’excellent « Lucidity« , on croyait bien que Delain était destiné à vivre uniquement en tant que projet de studio. Toutefois, le succès majeur obtenu par ce premier essai et la révélation que fut la chanteuse Charlotte Wessels ont carrément changé la donne; c’est ainsi que de fil en aiguille Delain s’est imposé comme un incontournable, autant sur scène qu’en studio. Ce ne serait donc pas exagéré de prétendre que le quatrième album des Néerlandais, « The Human Contradiction« , était l’un des disques les plus attendus de l’année par les fans de métal symphonique.
Généralement, lorsque les attentes sont très hautes, plusieurs fans sont déçus. Bien franchement, il serait bien surprenant que ce soit le cas ici car c’est plus fort que jamais que Delain nous revient, nous offrant sans aucun doute son œuvre la plus constante. Si l’on pouvait relever une baisse de régime en milieu de parcours autant sur « April Rain » (2009) que sur « We Are the Others » (2012), on ne peut en dire de même des neuf pièces qui forment ce nouvel ensemble. Du début à la fin, le niveau d’intensité se maintient au plafond et les musiciens eux, gardent le pied fortement appuyé sur la pédale d’accélération.
La principale raison pouvant expliquer ce meilleur niveau de constance: la cohésion musicale autour d’une équipe plus stable. En effet, de nombreux musiciens ont gravité autour du noyau Martijn Westerholt/Charlotte Wessels sur les premiers albums et lors des tournées, ceci ayant inévitablement une conséquence. Cette fois, la formation présente sur « The Human Contradiction » s’avère être la même que lors de la dernière tournée du groupe, permettant ainsi aux compositions de mieux mettre en valeur les forces de chacun.
Dans cet ordre d’idée, c’est Timo Somers qui tire le mieux son épingle du jeu, son travail à la guitare se faisant impeccable, alternant à merveille entre quelques bons solos et surtout des riffs extrêmement efficaces qui amènent à la fois une lourdeur et une accessibilité qui laissent une empreinte durable sur chacun des morceaux. Le leader et claviériste Martijn Westerholt n’est bien sûr pas laissé de côté, lui qui imprègne chaque chanson de couches de claviers denses et symphoniques. Même lorsqu’il joue en délicatesse, comme lorsqu’il reproduit la mélodie d’une berceuse en sous-impression de la guitare sur les couplets de « Lullaby« , la formule fait merveille.
La musique est aussi très bien augmentée par de riches arrangements orchestraux et par l’efficace section rythmique: Sander Zoer possède une solide frappe à la batterie et Otto Schimmelpenninck van der Oije qui, outre le fait de posséder le plus impressionnant nom à rallonge du rock, supporte le jeu de ses collègues avec brio. Ajoutons à tout cela le chant entraînant, dynamique et bien mesuré de Charlotte Wessels (la dame maîtrise bien ses forces et connaît bien ses limites) et nous nous retrouvons en présence d’une machine bien huilée.
Conformément à la formule habituelle, des chanteurs invités viennent augmenter le tout. Tout d’abord, question de conforter les fans du groupe dans leurs pantoufles, Delain a fait appel à deux invités familiers, soit George Oosthoek (qui avait participé à « Lucidity« ) qui apporte son chant guttural sur « Tell Me, Mechanist« , et Marco Hietala (présent sur « Lucidity » et « April Rain« ) qui se fait entendre sur « Your Body is a Battleground » et « Sing to Me« . Finalement, afin d’apporter un vent de fraîcheur, une nouvelle venue fort appréciée effectue son entrée en la personne d’Alissa White-Gluz, nouvelle voix de Arch Enemy, dont la présence fait flèche de tout bois sur l’éblouissante finale qu’est « The Tragedy of the Commons« , pièce où l’on peut aussi reconnaître Georg Neuhauser (Serenity) si l’on s’attarde aux choeurs.
Permettez-moi au passage de vous recommander l’acquisition de la version deluxe, la qualité du deuxième disque en valant la peine (ce qui n’est pas toujours le cas) pour la différence de deux ou trois dollars. Ce CD boni contient deux chansons inédites, la jolie ballade « Scarlet« , et « Don’t Let Go« , qui n’aurait pas dévalué la valeur du premier disque. Nous sont également offertes cinq chansons en spectacle, ce qui permettra aux gens moins familiers avec Delain de découvrir comment le groupe sonne sur scène, ainsi que des versions orchestrées de « Sing to Me » et de « Your Body is a Battleground« .
En bout de ligne, si « The Human Contradiction » n’apporte pas tant de nouveauté au moulin, il réussit à offrir un condensé brillant de ce qui faisait la force des trois premiers albums du groupe, soit la puissance symphonique de « Lucidity« , le côté accrocheur « d’April Rain » et l’énergie rock plus brute de « We Are the Others« . En contrepartie, les faiblesses ont été gommées, en particulier le registre des chansons plus atmosphériques, permettant aux Néerlandais de nager dans leur zone d’aise, formée de pièces denses et intenses. N’ayons pas peur de le dire, Delain n’est plus un doué et sympathique second, il se hisse grâce à cet album magistral au rang des têtes d’affiches. Mon album de l’année? Encore trop tôt pour le dire, mais celui-là sera très difficile à déloger…
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album éponyme
autoproduction
2013
Connaissez-vous VK Lynne? Non? Vous devriez. Chanteuse américaine, elle a publié son premier album solo, « Whiskey or Water« , à la fin de l’année 2009. Elle est également la fondatrice de Eve’s Apple, un ancien regroupement dont le but était de faire connaître de multiples chanteuses originaires de partout dans le monde. Femme aux nombreux projets, vous pourrez aussi l’entendre sur le deuxième album de stOrk, « Broken Pieces » (la sortie est prévue pour le 29 avril), supergroupe formé par le guitariste Shane Gibson (ex-Korn, malheureusement décédé le 15 avril de troubles sanguins à l’âge de 35 ans) et le formidable batteur Thomas Lang, et bientôt elle nous présentera son nouveau groupe, From Light Rose the Angels. Ceci dit, je m’attarderai ici sur le groupe qu’elle a formé l’an dernier, Vita Nova.
Pour ce projet, la chanteuse s’est entourée du guitariste et compositeur Federico Salerno (il tient aussi les parties de claviers), du batteur Thomas D’Alba (il fait partie du groupe Deva avec Salerno) et du bassiste Tony Corizia. Elle s’est aussi adjointe les services de sept (!) chanteurs qui viennent prêter leur voix à l’ensemble. Ces invités sont: Helen Vogt (Flowing Tears), Iliana Tsakiraki (Enemy of Reality, ex-Meden Agan), Maxi Nil (Jaded Star, ex-Visions of Atlantis), Babis Nikou (Jaded Star), Kerstin Bischof (ex-Xandria, ex-Axxis), Gogo Melone (Luna Obscura) et Grace Méridan (ex-Shield of Wings).
Malgré cette impressionnante brochette, le focus est toutefois porté sur la leader, dotée d’une voix grave et très chaleureuse. Si certaines chanteuses se démarquent par leur puissance vocale, VK mise surtout sur sa profondeur et sa grande souplesse, elle qui peut chanter dans des registres très variés. Cette versatilité vocale permet à Vita Nova d’explorer plusieurs avenues, ayant pour résultat un album qui est tout sauf monotone. En conséquence, il est bien difficile d’insérer Vita Nova dans une case musicale précise; bien que ce soit la composante composante rock symphonique qui émerge un brin de l’ensemble, le tout est parsemé de touches acoustiques et folks qui viennent ici et là agrémenter le cours des festivités.
Du côté instrumental, c’est la guitare qui se démarque, de bons solos faisant surface sur « Taking on the World » (gracieuseté de l’invité Shane Gibson), sur la pièce-titre et sur l’excellente « Scary Place« , qui met aussi en évidence d’habiles arrangements orchestraux aux claviers. Quant à « On Christmas Day« , elle nous offre deux passages à l’accordéon, bien complétés par un autre très bon solo; définitivement, Federico Salerno maîtrise bien la six cordes. Question d’ajouter davantage de variété et un peu de testostérone au tout, Babis Nikou vient prêter sa voix sur « Ephemeral« , qui par son ambiance flirte avec le rock progressif. Quant aux six invitées féminines, elles oeuvrent dans l’ombre, mais on peut très bien les identifier lorsqu’on s’attarde davantage aux back vocals.
Si l’ensemble est bien construit et extrêmement bien exécuté, on peut toutefois émettre une réserve concernant la production. En effet, la sonorité est sourde, manque de puissance et, ainsi, ne rend pas justice à la qualité des musiciens en place. Si j’ai amplement parlé de la qualité de la guitare, il ne faut pas mettre en plan la section rythmique qui s’en tire à merveille, mais qui est malheureusement un peu tirée vers le bas en raison de la production.
Au passage, on peut également se permettre de se questionner sur le choix d’inclure trois versions de la chanson « Taking on the World« . Cette dernière est très solide mais était-ce vraiment nécessaire d’ajouter sur le CD la version radio raccourcie, alors que la version «normale» et la très réussie version électro-acoustique auraient amplement fait l’affaire? Si l’on ajoute le fait que l’on nous sert « Scary Place » à deux reprises, une certaine impression de redondance peut s’installer. C’eût été une bonne idée d’offrir ces versions alternatives aux fans via certaines plate-formes de téléchargements afin de faire place à davantage de matériel original sur la version physique.
Une fois ces réserves émises, il est bien difficile de ne pas se laisser transporter par cet album contenant des mélodies accrocheuses et une musicalité surprenante dont on découvre toutes les subtilités au fil des écoutes. Par-dessus tout, il est impossible de résister à l’envoûtante voix de VK Lynne, une chanteuse qui mériterait davantage d’auditoire et de reconnaissance. Découvrez Vita Nova sur Reverbnation (lien ci-dessous) et bien sûr, si vous aimez, achetez!