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Un des plus beaux avantages d’aller dans un festival comme le Metal Female Voices Fest (oui, j’y serai encore cette année, on s’en rejase début octobre), c’est qu’un événement comme celui-ci nous amène à faire des découvertes, et ce avant même que les festivités commencent! M’étant totalement inconnu lorsqu’il est apparu sur l’affiche, le groupe italien Evenoire récolte désormais mon adhésion complète. Ayant déjà derrière lui le solide «Vitriol«, publié en 2012, le quintette de Lombardie nous revient avec son deuxième album, «Herons«.

 

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Evenoire

«Herons«

Scarlet Records

2014

 

Le défi, lorsque l’on fait une excellente première impression, c’est de maintenir cette impression positive à un haut niveau. Pour se faire, un groupe voit deux possibilités se présenter à lui: pousser plus loin ou bien consolider les acquis. Dans le cas qui nous intéresse ici, c’est la deuxième option qui prévaut, le premier constat étant qu’Evenoire se préoccupe surtout d’asseoir son style et de faire sa place. Parfois, ce parti-pris passera pour un recul ou, à tout le moins, pour un refus d’avancer. Mais ici, comme nous parlons d’un groupe relativement peu connu, ne pas s’aventurer dans de nouvelles avenues s’avère un choix judicieux, surtout que le départ était, disons-le, canon, «Vitriol» étant un album dont je regrette qu’il me soit passé sous le nez pendant tout ce temps tellement il est agréable à l’écoute.

La formule sur laquelle mise Evenoire au départ est au premier coup d’oeil conventionnel, les Italiens s’affairant à produire un métal mélodique aux accents symphoniques. Rien de nouveau sous le soleil ici, mais le groupe le fait avec une grande cohésion musicale et une production sonore solide. L’ajout, le petit «extra» qui rend la formation très attrayante, est l’utilisation judicieuse de la flûte; judicieuse dans le sens où son usage est très bien saupoudré sur la durée du disque, en venant en renfort des mélodies et, surtout, en ajoutant une touche folklorique, voire médiévale à plusieurs passages ce qui, de plus, se marie extrêmement bien avec la trame littéraire préconisée par la chanteuse/parolière/flûtiste Lisy Stefanoni.

Sur cet aspect, la compositrice suit la même ligne directrice que sur l’album précédent, c’est-à-dire que les chansons sont un véhicule pour nous faire pénétrer dans un monde mythologique et fantastique. Phaéthon, fils d’Hélios, la reine Tresenga et la légende du lac Tovel, le roi Ortnit, la Méduse, le Diable, ainsi que des personnages du folklore historique italien sont tant de personnages et thématiques à découvrir ici. «Herons» s’avère donc un beau voyage dans un univers imaginaire où nous n’avons qu’à nous laisser transporter par les histoires et par, bien sûr, le volet musical qui se révèle être tout aussi coloré et éclatant.

Le démarrage en force avec la paire «Herons/Drops of Amber» nous donne une bonne idée de la richesse qui se dégagera de ce recueil de onze pièces. L’introduction nous berce avec sa flûte enchanteresse avant le déchaînement des instruments dans une tornade sonore où les instrumentistes font preuve d’une belle complémentarité, avec encore une fois cette flûte qui contribue à donner plus de couleurs à l’ensemble. On enchaîne avec «Season of Decay» qui elle aussi s’amorce dans le calme, avant l’intervention lourde de la section rythmique que vient bien renforcer des arrangements de claviers qui, si ils frappent moins l’oreille que sur l’album précédent, viennent habilement enrober l’ensemble. Les claviers sont d’ailleurs tenus par trois musiciens différents, contribuant à varier les ambiances. Ceux-ci sont d’ailleurs utilisés différemment que sur «Vitriol», où l’on retrouvait quelques solos. Ici, on ne retrouve pas de démonstration du genre, seulement des arrangements très enveloppants, très denses.

«Love Enslaves» nous offre ensuite une superbe démonstration d’instrumentation, avec quelques touches de piano ici et là et un passage instrumental central où guitare, claviers et flûte nous émerveillent, sans oublier la solide section rythmique, ici plus forte que jamais. Quant à «Newborn Spring«, elle se fait plus directe en allant droit au but, sans l’introduction planante que l’on retrouvait sur les pièces précédentes. Fait à noter, la chanson se termine avec une courte séquence où la guitare et la batterie se croisent d’une façon qui rappelle Rush.

Evenoire revient à ses habitudes sur «When the Sun Sets«, en nous enveloppant de flûte d’entrée de jeu, bien appuyée par les claviers. Le chant de Lisy Stefanoni connaît ici ses plus belles heures, la vocaliste nous offrant une interprétation colorée, très en phase avec la musique qui traverse plusieurs ambiances, qui met bien en valeur le mélange metal/médiéval habilement offert. Sur «Tears of Medusa«, nous avons droit à la présence de l’invitée Linnéa Vikström, l’une des chanteuses de Therion, qui vient augmenter une chanson au rythme rapide et intense. La voix de l’invitée, plus aigüe, offre un beau contraste avec celle de la chanteuse principale qui se fait plus chaude et plus grave.

Sur «Devil’s Signs«, les claviers enveloppent bien la mélodie, surtout transportée ici par la guitare. L’auditeur sera encore une fois épaté par Lisy Stefanoni, dont le chant est extrêmement coloré. Il est en effet très difficile d’étiqueter la voix de cette dernière, elle qui varie bien l’intensité et la hauteur de son chant. La richesse de l’interprétation vocale est sans l’ombre d’un doute un point fort, la chanteuse s’imprégnant totalement des histoires qu’elle a écrites en les livrant de manière très expressive tout en étant à l’aise autant sur les passages rock que les passages plus doux.

Cet habile contraste que l’on peut déceler au niveau vocal se transpose d’ailleurs très bien au niveau musical, où les mélodies finement ficelées par le bassiste Marco Binotto nous gardent constamment sur le qui-vive. «The Lady of the Game«, qui débute de manière très rythmé, nous en offre une preuve supplémentaire avec ses ambiances changeantes. On peut en dire autant de «Wild Females«, qui place la guitare acoustique au centre des arrangements, nous offrant une belle dualité électrique/acoustique, encore une fois bien renforcée par cette flûte si bien utilisée. Les festivités sont fermées par «Aries«, à l’introduction très atmosphérique qui fait ensuite place à une mélodie très rock, très carrée.

Décidément, j’ai beau cherché à trouver des défauts à ce «Herons«, je n’y arrive pas. Voici un album qui sait nous épater et nous garder attentif d’un bout à l’autre. La production est claire, l’instrumentation solide et variée, avec un chant absolument fantastique. Comme je le mentionnais au début de ce texte, Evenoire s’affaire surtout à faire sa niche dans le genre, et il le fait habilement. Le mélange rock/médiéval offert par le groupe est très séduisant et surtout très coloré, faisant d’emblée des Italiens des leaders dans ce genre musical. Ce que «Vitriol» nous avait dévoilé, «Herons» le confirme: voici un groupe qui, je l’espère, émergera de l’ombre. Avec un pareil talent, c’est une question de temps…

Stéphan