L’année 2014 est terminée depuis un bon petit bout et nous sommes de plain pied dans la nouvelle année. Un peu tout le monde, un peu partout, a depuis longtemps dressé ses bilans de fin d’année. Je n’ai pas échappé à cette tendance et j’en ai profité pour refaire une tournée des nouveaux albums que j’ai écoutés en 2014 afin de vous présenter un genre de top 10 de cette année de grâce. Je spécifie bien «genre de top 10», car je ne classe pas vraiment ces sélections en ordre (sinon alphabétique). Je me permets seulement de vous souligner les parutions qui m’ont marqué et/ou surpris agréablement. L’exercice s’est révélé plutôt difficile, 2014 nous ayant offert une quantité incroyable de sorties de qualité.
Pourquoi je vous le présente là. Et bien parce que j’ai crû qu’il se devait de vous laisser régler vos factures du Temps des Fêtes avant de créer une frénésie dépensière et quoi de mieux que la Journée Internationale de la Femme pour vous ramener en mémoire ces parutions de groupes au vocaliste appartenant au «beau sexe».
Karkaos – «Empire»
À l’instar de ce que j’avais fait l’an dernier, je débute ma sélection avec un album de chez-nous. À ce chapitre, Karkaos mérite pleinement l’honneur d’être mentionné en premier, son «Empire» m’ayant frappé de plein fouet. L’ensemble est dense et extrêmement bien produit. Voici un groupe qui s’est donné à fond pour laisser entre nos mains un produit de haute qualité, marqué par une intensité remarquable et une interprétation musicale des plus habiles. Avec le recul, je ne peux que regretter le fait que la chanteuse Veronica O. Rodriguez ne fasse plus partie du groupe, elle qui fut une de mes grandes révélations. La variété dans son interprétation a grandement contribué au charme de «Empire», bien que le groupe soit bien nanti musicalement pour supporter un changement derrière le micro. C’est ce que nous verrons d’ailleurs avec leur nouvel album présentement en cours d’enregistrement avec leur nouvelle vocaliste Viky Boyer. On pourra également les voir en 1ère partie de Delain le 12 avril aux Foufounes Électriques de Montréal.
Amberian Dawn – «Magic Forest»
Un de mes groupes favoris, Amberian Dawn était presque assuré de se retrouver sur cette liste avant même d’avoir publié «Magic Forest». La grande particularité de cet album émane du changement de chanteuse, le leader Tuomas Seppälä ayant pris la chance de pallier le départ de la lyrique Heidi Parviainen par une chanteuse plus typiquement rock. La réussite est éclatante, la nouvelle venue, Capri, s’étant bien intégrée à la formule musicale plutôt ludique d’Amberian Dawn, la formation finlandaise misant sur les pièces courtes et accrocheuses, dont la forme se rapproche occasionnellement de la musique pop. L’ensemble est entraînant et attachant, et le changement de vocaliste s’effectue en douceur malgré la dichotomie entre l’ancienne voix et la nouvelle. De plus, le groupe n’aura jamais été aussi solide au niveau de l’interprétation, particulièrement la section rythmique.
Delain – «The Human Contradiction»
Maintenant reconnu parmi l’élite des groupes de son genre, Delain n’a pas déçu avec ce quatrième album. En effet, Delain excelle lorsque l’intensité grimpe à un haut niveau, et «The Human Contradiction» est possiblement l’oeuvre la plus constante du groupe, dans le sens où aucun moment faible ne vient assombrir notre plaisir. Nous faisons ainsi affaire à un groupe arrivé à maturité, qui maîtrise parfaitement son métal très symphonique, aux mélodies accrocheuses appuyées par des musiciens hors pair, particulièrement le guitariste Timo Somers. De plus, la chanteuse Charlotte Wessels n’a jamais paru plus confiante et en contrôle. D’ailleurs, même si elle n’est pas une chanteuse à haute voltige, son charisme, son énergie et sa personnalité attachante contribuent à la propulser au-dessus de la mêlée, comme ont pu le constater les fans de Montréal et de Québec en septembre. Je vous rappelle leur présence le 12 avril aux Foufounes Électriques de Montréal avec le groupe Karkaos qui débute ma liste ici haut.
Diabulus in Musica – «Argia»
Le troisième album de ce groupe basque marque d’une certaine façon un nouveau départ. En effet, la leader et chanteuse Zuberoa Aznarez a fait à toute fin pratique table rase autour d’elle, pour ne garder que le claviériste Gorka Elso de l’équipe qui avait participé aux deux premiers albums: «Secrets» et «The Wanderer». Si le changement est drastique au niveau humain, il ne l’est pas tant au niveau musical alors que le groupe continue de marcher tout près des traces d’Epica, tout en faisant les choses à sa façon… et même mieux. Les chansons de ce «Argia» sont bien construites, en plus de garder l’auditeur attentif en raison des multiples changements d’ambiances. Zuberoa y est plus brillante que jamais, nous séduisant avec son chant juste et contrôlé, en plus d’amener une touche supplémentaire à la musique en l’agrémentant ici et là de flûte et de harpe. La nouvelle équipe de musiciens se révèle à la hauteur pour nous livrer une œuvre des plus convaincantes.
Enemy of Reality – «Rejected Gods»
Voici un groupe qui est parvenu, dès son premier essai, à laisser une forte impression. Une section rythmique éclatante et lourde, une claviériste au doigté rapide et précis, un guitariste de haute voltige et une chanteuse (Iliana Tsakiraki, ex-Meden Agan) à la voix d’opéra des plus envoûtantes: on peut presque dire que ce groupe grec est une équipe d’étoiles. Enemy of Reality réussit à bien mettre en valeur toutes les forces de ses musiciens pour offrir un métal symphonique très technique, qui saura possiblement plaire au passage aux fans de Dream Theater. De plus, la liste impressionnante d’invités (Mike LePond de Symphony X, Ailyn Gimenez de Sirenia, Androniki Skoula de Chaostar et Maxi Nil de Jaded Star) rend le tout encore plus attrayant. Si l’on additionne toutes ces données, le résultat est logique: une brillante réussite.
Evenoire – «Herons»
Mon album de l’année pour 2014. La surprise est d’autant plus agréable que pour moi, ce groupe italien arrivait de nulle part, l’ayant tout simplement connu en consultant l’affiche du «Metal Female Voices Fest». La musique s’est chargée du reste: un métal symphonique bien renforcé par un aspect folklorique, voire médiéval en raison de l’utilisation judicieuse de la flûte. Les paroles, fortement inspirées par des personnages mythologiques, contribuent à nous transporter dans un univers parallèle, où le rêve et l’imagination sont sollicités. En plus de manier la flûte avec habileté, la chanteuse Lisy Stefanoni livre un chant des plus solides, avec une voix grave et puissante, bien soutenue par une équipe de musiciens chevronnés. De plus, les différents invités aux claviers parviennent à ajouter à leur façon une touche personnelle, rendant l’ensemble plus varié. Avec ce «Herons», le groupe effectue un pas en avant, réussissant à faire encore mieux que le très solide «Vitriol», publié en 2012. Un groupe à connaître sans faute.
Heliosaga – «Towers in the Distance»
Avec son premier album, le groupe américain frappe un grand coup. Le meneur Damien Villareal (aussi claviériste et guitariste) est parvenu à présenter un power métal qui s’évade des clichés du genre (pas de bataille sur la Terre du Milieu ici…), misant surtout sur les qualités musicales de chacun des exécutants. Les mélodies sont denses et très avenantes, Jordan Ames est solide comme le roc derrière sa batterie, Villareal délivre des solos de guitare des plus étourdissants, le tout bien appuyé par des claviers qui soutiennent très bien le tout. De plus, la variation des ambiances et des tempos nous garde continuellement attentifs. Ajoutons à tout ceci la voix lyrique et très riche de la chanteuse Chelsea Knaack et nous nous retrouvons face à l’un des meilleurs albums à avoir vu le jour en 2014.
StOrk – «Broken Pieces»
Alerte de virtuosité! Le deuxième album de ce groupe de métal/progressif est une démonstration musicale de haut niveau. Le batteur Thomas Lang est étourdissant, le bassiste Kelly T. Lemieux le suit avec une grande habileté et le guitariste Shane Gibson, (malheureusement décédé en avril 2014 avant la parution de l’album) en plus de s’amuser avec les sonorités lourdes et dissonantes, s’avère une belle surprise au niveau de la technique. Ce recueil de treize chanson est extrêmement dense, l’espace sonore étant occupé avec brio. Pour cette nouvelle galette, StOrk a aussi eu la brillante idée de s’adjoindre les services de la chanteuse VK Lynne, qui n’a pas à rougir face à ses habiles collègues alors qu’elle livre une performance solide qui démontre une fois de plus qu’elle est une des meilleures chanteuses de la scène métal, elle qui peut chanter n’importe quoi avec aise. Un album surprenant et impressionnant.
The Hourglass – «Through Darkness and Light»
Voici un groupe de métal symphonique qui a tenté de s’extirper des sonorités habituelles du genre. Les claviers, fortement orientés vers un son plus «électro», donnent à ce groupe roumain une identité bien particulière. Ainsi, la musique de The Hourglass pourra paraître un peu froide au premier contact, mais cette impression se dissipera rapidement face à la largeur de la palette sonore utilisée et par l’habileté déployée par la claviériste Ioana Dirva. Au poste de chanteuse, le groupe est extrêmement bien nanti, Alma Vomastek étant totalement brillante avec son chant haut perché très évocateur. L’ensemble est mélodique et, mission accomplie, se démarque par une certaine originalité. Avec «Abandoned», qui dure près de dix minutes, The Hourglass signe un des meilleurs morceaux de l’année, une chanson aux multiples changements d’ambiance.
Xandria – «Sacrificium»
Le plus grand défi pour le groupe allemand, avec «Sacrificium», c’était de livrer un successeur digne au formidable «Neverworld’s End». À prime abord, la mission pouvait sembler des plus difficiles, la formation ayant vu sa chanteuse Manuela Kraller prendre la clés de champs. Au niveau musical, Xandria a confirmé l’orientation prise sur l’album précédent en appuyant à fond sur la pédale «symphonique». Chorale, rythmique rapide, guitares dominantes, claviers en surimpression, mélodies accrocheuses: tous les ingrédients y sont et le groupe remplit le mandat avec brio en offrant un opus qualitativement similaire au précédent. De plus, le groupe a réussit à étouffer toute possible controverse en intégrant en son sein la chanteuse Dianne van Giersbergen, qui se montre à la hauteur de la situation et qui sait faire oublier son excellente prédécesseure. Une éclatante réussite, dont le point d’orgue est la pièce-titre, ma chanson de l’année.
J’aurais ainsi pu vous parler de quelques albums supplémentaires, réalisant du coup avoir laissé de côté de très bons groupes qui ont eux aussi fait paraître des albums très intéressants. D’ailleurs, comment ai-je pu ne pas parler de Within Temptation, Epica, Stream of Passion et Lacuna Coil? Simple, le marché s’est développé et même si ces groupes majeurs nous ont offerts de bons albums, la relève est nombreuse et s’impose. Et si je me fie à tout ce que je trouve sur Internet chaque semaine, ce n’est qu’un commencement.
2014 étant déjà derrière nous, il ne reste plus qu’à nous souhaiter une bonne année 2015. Cette chronique marque d’ailleurs la fin de ma première année complète de collaboration chez Ondes Chocs, en espérant que ceux qui m’ont lu ont pu y faire quelques bonnes découvertes au passage. Bien sûr, je ne peux m’empêcher également d’espérer que cette chronique s’avère utile au noble mandat d’Ondes Chocs, qui est de propager sous toutes ses formes la musique metal d’ici et d’ailleurs. À ceux qui me lisent sur une base régulière, je ne peux que vous remercier.
Stéphan Lévesque