Critique d’album: Sanguine Glacialis – « Dancing with a hanged man »

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Sanguine Glacialis

« Dancing with a hanged man »

(2012)

 

Lorsque j’ai découvert la pièce « La valse des condamnés » de SANGUINE GLACIALIS en 2012, immédiatement plus d’une chose avait attiré mon attention. Premièrement et naturellement, une pièce en français a le don de piquer la curiosité. Comment ça allait sonner puisque l’opinion générale est qu’il est difficile de faire de bons textes et d’être mélodique en français? Je vous reviens plus loin là-dessus mais dites-vous tout de suite que ma 1ère écoute de cette pièce m’avait donné le goût de les voir en spectacle où je m’y suis procuré leur album, « Dancing with a hanged man ». Au 1er coup d’oeil, la pochette m’a suggéré un univers où Lewis Carroll rencontre Tim Burton alors que la fiancée cadavérique est personnifiée par la petite Alice qui n’aurait jamais trouvé la sortie ou plutôt aurait trouvé celle qui mène encore plus loin au coeur de la folie.

C’est donc avec une curiosité attisée de plus belle que j’allais pousser « PLAY ».

L’album débute avec une intro d’un peu plus de 2 minutes, « Exordium », un mot latin qui signifie commencement, prélude – et pour les férus de rhétorique, il constitue la 1ère partie du discours qui non seulement nous annoncera ce dont il sera question mais doit également nous mettre dans des dispositions favorables à apprécier l’argumentaire qui sera développé. Des lamentations et des raclements sur fond de tonnerre qui annonce l’orage qui s’amène – constituent une belle entrée en matière et installent une atmosphère lugubre parfaite pour la suite.

La vraie 1ère pièce de l’album, « Goddess of the frozen souls », débute avec un pounding qui sera rapidement remplacé par le clavier (au son de clavecin) et une envolée de vocalise de leur chanteuse, Audrey, alors que derrière s’installe la batterie et les cordes. Je suis de retour à la période de la  Renaissance quand tout à coup Mikaïl murmure pour remplacer le chant classique avec un growl torturé. Je quitte dès lors les atmosphères baroques pour passer dans un univers death mélodique agrémenté de la très belle voix de Audrey qui alternera avec les growls puissants, profonds et brutaux de Mikaïl. Le mélange des 2 voix et l’orchestration me rappellent les 1ers albums de Tristania et la vague de death symphonique qui s’est propagée au tournant du millénaire. On sent une formation classique dans leur instrumentation et également dans les structures de leur composition qui offrent de nombreux changements de rythmique sans jamais déstabiliser l’auditeur.

La pièce suivante, « The buccaneer’s lament », débute avec une intro de piano classique avec comme toile de fond, les vagues et autres bruits familiers aux corsaires qui sillonnaient les mers en quête de butins et d’aventure. Ces sons rappellent aussi les légendes et toutes les histoires qui entouraient la navigation en hautes mers. Corsaires, pirates et autres baroudeurs … quoi de mieux qu’une attaque de riffs powermetal où les guitares prennent le devant accompagnées par un martèlement de drum alors que le clavier forme la toile de fond, la ligne d’horizon vacillante.  Le refrain arrive entonné en choeur par les filles sur un air de comptine et en français. Malheureusement, comme il est souvent le cas des comptines, elles ne servent qu’à apaiser nos peurs mais elles ne sauvent personne à la fin. Demander aux enfants de Elm’s Street!! Il y a aussi des atmosphères de musique de chambre tout en douceur et mélancolie avant que la violence se déchaîne de nouveau, faisant fi des comptines et emportant tout avec elle. Je dois dire que la 1ère utilisation du français dans le texte coule agréablement sur la musique faisant apprécier la beauté des vers et de leur rendu lyrique.

L’enchaînement avec la pièce suivante est « spooky » avec le clavier qui imite cris de spectres ou de sirènes (si vous êtes toujours sur le bateau de la pièce précédente) qui viennent hanter les premières notes et je suis projeté « In the heart of chaos ». Encore une fois je m’enfonce dans une pièce qui me surprendra par ses transitions bien amenées et continuera à me bercer par ses envolées lyriques. Ça démontre encore une fois leur belle versatilité. L’utilisation du piano et de la guitare acoustique pour clore la pièce ramène cette touche nostalgique qui convient tout à fait.

C’est à la pièce suivante qu’entre en scène « Alice au pays des pendu(le)s ». Perdue dans le temps, perdue dans l’irréel, elle cherche la sortie, la solution. L’utilisation du vocal lyrique pour narrer l’histoire alors que le growl sert à personnifier la menace est très efficace. De plus, les diverses transitions me font imaginer les moments d’égarement et les courses éperdues qui mènent Alice toujours plus loin au creux de la démence. Si vous n’êtes pas sûr de la menace contenue dans la voix de Mikaïl, écoutez attentivement la fin de la pièce.

Lorsqu’est arrivée « La valse des condamnés », j’avais trop hâte de la réentendre dans le contexte de l’album et je dois avouer qu’elle occupe une place judicieuse dans la suite de l’histoire (que je me suis imaginé lors de l’écoute). Après avoir affronté et perdu mon âme aux mains de la déesse blanche, m’être égaré en mer et avoir pénétré au coeur du chaos, avoir suivi Alice au plus profond de sa folie et compris que ma seule issue est la mort, il était plus que temps d’entreprendre la danse qui m’emporterait vers mon inéluctable destin. Une intro à la guitare sèche avec une envolée lyrique me ramène l’atmosphère nostalgique nécessaire pour un cortège funèbre. Puis la pièce nous transporte dans de multiples variations dont une passe death mélodique aux growls féminins exquis et naturellement de la très belle valse. La-la-la, la-la-la, la-la-la’ … la-la-la,

Le duo Timeless I et II débute avec une ambiance théatrâle amplifiée par l’utilisation de la voix narrative. Un tableau monté en 3 actes qui permettent encore une fois via les transitions de vivre l’évolution de l’histoire et le revirement de situation. L’utilisation du tuba, dans la 2ème partie, est une autre petite perle cachée qui s’amène pour me rappeler que SANGUINE GLACIALIS sont inattendus mais rarement non pertinents.

La dernière pièce, « The damned king », débute avec un roulement de tambour militaire qui met en place une atmosphère majestueuse. Je peux apprécier de nouveau leur habileté à construire des ambiances épiques et puissantes parfaites pour raconter l’histoire d’un roi …. même déchu car cette descente aux enfers provoque la malédiction qui déferle sur les terres. Death to all!

Je pourrais …. mais vous avez compris que je suis complètement ravi par cet album qui marie à merveille plusieurs des genres métal que j’aime à des orchestrations classiques. L’utilisation de diverses formes de chant et leur façon de rendre les textes constituent également des facettes intéressantes de leur identité qui permettent de créer les diverses atmosphères de leur imaginaire lugubre et sombre, très bien dépeint par une belle poésie qui brosse des tableaux où tout le cinéma se passe entre vos 2 oreilles. Sanguine Glacialis ont créé un deathmetal aux orchestrations classiques qui aurait sa place dans tous les châteaux …………. de l’enfer.

Pour les amateurs d’Avant-Garde metal, je vous le recommande très fortement. Pour tous les autres, cet album devrait vous permettre de découvrir et d’apprécier un genre musical aux structures variées dont le death metal reste le fil conducteur.

Bonne écoute

Lex