Voici le compte rendu de notre journaliste Luc Belmont lors du spectacle de King Parrot présenté par District 7 Production au L’Anti Bar et Spectacles de Québec le 12 août 2025 et qui mettait également à l’affiche Squid Pisser et Bonginator.

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Retour sur le spectacle

Un autobus, une roulotte et une remorque U-haul étaient stationnés devant l’Anti Bar et Spectacle en ce mardi soir extrêmement chaud et humide. L’air climatisé de la salle était invitant, et incitait à demeurer à l’intérieur pendant les moments où les musiciens s’installaient. Il était alors possible d’admirer les oeuvres disposées sur les marchandises offertes par les groupes.

 

Bonginator

Bonginator, contrairement à ce que son nom suggère, n’est pas un band de stoner. Pas pantoute. Le quatuor joue du métal de la mort, avec une touche un peu mélodique qui rappelle Carcass. Les solos de guitares sont mélodieux, et surtout quand les deux guitaristes s’y mettent en même temps. Il y a le grand chanteur qui fait taire sa guitare pour annoncer la suite: une chanson sur les Ninja Turtles, Blood Diner, qui commence avec des échantillons de séquences tirées de la série de dessins animés. Le bassiste jouait sur un instrument avec une étiquette au bout du manche, comme s’il l’avait loué dans un pawn shop. À moins qu’elle était à vendre pour payer le gaz pour retourner à Boston. De son côté, le soliste principal arbore fièrement une petite chemise Hello Kitty en mettant sa guitare en joue comme un fusil d’assaut. Il semblait viser la tête du monde. Sa chemise affichait tellement de minous dessus que j’entendais des miaulements sortir de son amplificateur. Le groupe joue sur des instruments accordés très bas, et son rythme souvent lent suggère qu’ils sont friands de lourdeur. J’appuie cette thèse en citant le titre 420-pound Poop, qui figure sur leur dernier album intitulé The Intergalactic Gorebong of Deathpot paru en 2024. Cette toune-là est moins mélodique que les autres, on y perçoit une grande influence du Slam Death, sans trop changer le style généralement plus accessible qui caractérise le groupe. On a vu quelques fous courir en rond pendant celle-ci. À un moment, pour aucune raison apparente, une bière s’est écoulée au pied du chanteur. Pour remédier à la situation, un fan du groupe est allé chercher un immense rouleau de papier brun. Il a torché ça. Le groupe a fini avec la pièce Chopped to Pieces pour laquelle ils ont lancé un vidéoclip en 2023. Ce chef-d’œuvre audiovisuel permet de bien apprécier l’identité troublante et comique de ce projet de musique brutale.

 

 

Squid Pisser

Les musiciens sont entrés par la porte principale avec leurs costumes de scènes (voir photos). Au passage, le chanteur Tommy Meehan, dans son bomber en fourrure noire, a dévisagé de très près quelques spectateurs inquiets. Rien n’annonçait que le groupe allait vraiment jouer déguisés; on les avait vu installer leur matériel sur les planches en tenue conventionnelle (jeans déchirés courts et t-shirts aux manches coupés). Je fais l’économie d’une description de leur musique: ils sont à peu près les seuls actuellement à jouer de ce style de prog-violence unique inventé par The Locust (ThreeOneG Records). Il y a assez de choses à dire sur le comportement du chanteur Tommy Meehan pour remplir le paragraphe. D’abord, il faut dire que, lors de cette tournée, pour la première fois depuis sa formation, le groupe performe à quatre membres. Cela permet donc au vocaliste, qui assurait auparavant la guitare et le clavier en plus du chant, de libérer la bête de scène en lui. Le numéro est initié sans mot d’introduction, et le bruit commence. Après avoir vidé sur la foule toutes les bouteilles d’eau qu’il a pu trouver sur la scène, Meehan s’est mis à fouetter avec son fil de micro les gens qui se trouvaient assez proche de lui. Après avoir ainsi rapidement évacué un peu d’espace, il est débarqué de la scène et a fait le tour de la salle pour rassembler toutes les poubelles au centre de la foule, à l’endroit où se trouve normalement le mosh pit. La première, il l’avait montée avec lui sur la scène avant de me la lancer par la tête. Lorsque trois poubelles furent réunies, les gens allaient s’y asseoir à tour de rôle (du bord du trou). Meehan ne s’est pas arrêté là: il a continué de faire des aller-retours jusqu’au fond de la salle en confessant des secrets aux oreilles des spectateurs. Il est allé faire une chanson debout sur le bar de l’Anti en agitant son fil de micro comme une corde à danser, ce qui a complètement changé ma perspective sur l’endroit. Ensuite il est monté sur la scène avec une poubelle renversée sur la tête, qui lui cachait tout le haut du corps. Bien sûr, il avait son micro avec lui, et a performé la moitié de la pièce dans le contenant. Un ami vient tout juste de m’envoyer la vidéo qu’il a prise à ce moment, qui constitue un de mes plus beaux souvenirs à vie. Maintenant que j’y pense, je ne comprends pas comment il faisait pour rester synchronisé avec son groupe alors que la poubelle lui bouchait complètement le son. Après une minute, il s’est mis à tournoyer du tronc pour faire revoler la poubelle à sa place parmi l’audience. Il est redescendu de la scène pour plonger dans une autre poubelle, et cette fois il a fait un bout de chanson dans le sac. Lorsqu’il en est sorti, tous les déchets ont été répandus sur le plancher. La place est demeurée ainsi souillée pendant quelques minutes, puisque faut-il rappeler que tous étions avant tout plus qu’attentifs au délivré musical tordu qu’au reste. Ce n’est que lorsque Meehan lui-même, tout en chantant bien sûr, s’est mis à rentrer les vidanges dans leur corbeille que tous se serrèrent les coudes et se prêtèrent collectivement à la tâche. Leur numéro s’est conclu bien trop vite, et je cite mon voisin de pit : « Je sais qu’ils sont trop cool pour ça, mais j’en voudrais encore » ! Il y a parfois des moments comme ça qu’on ne sait pas comment on pourrait apprécier plus.

 

 

King Parrot

La troupe australienne est monté sur le stade pendant que jouait un fond de country très redneck. Le bassiste a enlevé son chandail pour se mettre à l’aise, un des guitaristes a enlevé ses souliers et ses pantalons. Le groupe a commencé en force avec du matériel très tapageur. Le groupe semblait entretenir un lien particulier avec certains des spectateurs. Précisément celui qui criait « Fuck You ! » pendant les moments de pause. Une espèce aigre-douce d’échange dialectique s’est installée ainsi. Parfois, l’homme nu ventre lançait quelque phrase incompréhensible dans le micro, ce qui semblait porteur d’une intention humoristique, dont témoignait seule la réaction des autres membres de King Parrot. Une minute a été consacrée à la prononciation du mot « tabarnak », qui sonnait différent avec l’accent australien que sans. Il y avait beaucoup de criage pour le monde. Le chanteur nous a fait promettre que s’il revenait à Québec chacun allait apporter deux amis, mais il a cru comprendre par les réponses du public qu’aucun des membres de l’audience n’avait tant d’amis que ça. Au bout de quinze minutes, la sélection musicale s’est orientée sur les nouveaux morceaux de l’album A Young Person’s Guide To paru il y a à peine trois mois. J’ai très vite reconnu leur énergie, qui se démarque à mon avis de ce qu’ils ont sorti auparavant. Une des plus grandes réussites de cet opus réside dans sa production impeccable, qui capture bien l’intensité furieuse de leur musique. Dès les premières notes de Get What Ya Given, le fan numéro un de la place a retiré sa paire de jeans et lancé ses gougounes dans les airs. Il a vite été invité à monter sur la scène pour l’orchestration d’un saut de foule. Cette gestion était nécessaire pour rapprocher l’audience peu dense. Cependant, coup de théâtre, quand la toune a commencé, au lieu de s’élancer dans les bras de ses compatriotes, dans un éclair, notre héros s’est enroulé le fil du micro autour du cou. Il a fait au moins une demi-douzaine de tours quand même bien serrés. Je voyais pas assez de lousse pour son menton. Le chanteur a alors appris la signification du mot qu’il avait massacré avec son accent de matey. Il tirait un peu sur le fil et notre icône avait l’air de commencer à étouffer. C’était vraiment difficile de juger de la situation pendant un long instant, jusqu’à ce que d’un bon coup le vocaliste réussisse à faire passer le menton de son protégé. Plus tard, le groupe a continué peut-être un peu trop, terminant la soirée sur Fuck You And The Horse You Rode In On, et on s’est fait montrer son cul par le chanteur.

 

Un beau petit mardi tranquille à l’Anti, qui a encore une fois prouvé la qualité de ses soirées. Le son était impeccable et l’air climatisé était appréciable. Dans la catégorie des groupes anglophones bizarres qui viennent jouer à Québec sans trop savoir à quoi s’attendre, ne ratez pas Kaonashi à la Source de la Martinière le mois prochain.

-Luc Belmont