Encore une fois, j’ai eu la très plaisante occasion d’être témoin d’un petit show local qui a pu m’introduire à une couple de bands dont j’ignorais l’existence avant que Lex (des Productions Kranium et également chroniqueur et coordonateur chez Ondes Chocs) m’invite à descendre au Magog pour me claquer une chronique. J’ai naturellement fouillé en masse pour me documenter sur les bands présentés et j’ai diffusé EMPYREAN PLAGUE et MOLEST dans mon show « C.R.O.C. Underground Metal« . Ces deux énergumènes de groupes ont immédiatement apostrophé mon attention et ont renouvelé mon intérêt pour la scène death-black, qui avait pris un ‘backseat’ dans ma tête dernièrement. Assez tristement toutefois, MOLEST ont pas pu être de la partie dimanche, suite à un conflit logistique sur lequel je n’élaborerai pas; la soirée devait être le lancement de leur nouvel album (qui me semble, soit dit en passant, être une fucking bombe atomique qui aurait vraiment très profité d’une suite de shows; la foule aurait, sans aucun doute, embarqué dans leur trip et passé le mot à leurs amis pour assurer un max de ventes – au moins une bonne trolée de t-shirts auraient été mis en circulation, y’a pas à dire). Néanmoins, l’événement a tenu le coup, et Lex, étant extrêmement visionnaire dans son approche au booking et également très fidèle à ses promesses, a quand même poussé la note pour que les trois autres bands du bill tiennent leur bout et aient une chance de se montrer en prestation.
À mon arrivée, un dix minutes après le début du set de SHADE OF SUNBURST (j’ai pas l’habitude d’être en retard, mais vaut mieux se pointer tard que jamais, et j’ai pas du tout regretté d’avoir pris une des rares bus du dimanche soir pour m’emmener à ce show intime mais fortement efficace), j’ai pu tout de suite constater, en regardant par l’espèce de fenêtre style studio à partir du côté bar aux effluves country du Magog, que le nom de ce band fitte parfaitement avec leur prestance. La salle était pratiquement vide du côté stage (malgré que ça s’est rempli avec une rapidité assez badtrippante du côté pub) mais encore là, un peu comme la fois ou j’étais allée voir CHARIOTS OF THE GODS au Woodstock en Mars dernier, j’ai tout de suite spotté les trippeux. La gang qui était là était majoritairement des membres des bands ainsi que les producteurs du show, mais ni la vibe, ni la performance des groupes était affectée par le fait que les murs étaient pas en train de tomber sous le poids d’une marée de monde. Pour revenir à SoS, j’entendais déjà leurs tounes à partir de dehors en me tirant des puffs, et leur approche me semblait très black à ce moment-là; en entrant, j’ai été assez surprise de voir que le vocal était assuré par une frontwoman, et je dois dire qu’elle était complètement en feu, avec un humour pince sans-rire de très bonne foi. C’est toujours cool de voir des bands qui grimpent pas dans les rideaux, peu importe la situation. C’est même assez badass à voir. Les autres membres du groupe étaient également projetés en avant par la brute force de leur propre son, qui était, ma foi, des plus diversifiés. C’te gang-là incorpore un côté mélodique assez viking à leur approche, avec même des passages un peu doom qui semblent pas forcés, mais plutôt méthodiques, je dirais même. Leurs riffs m’ont parfois un peu confuse dans leur atonalité souvent innécessaire vu la richesse déjà bien étoffée de leurs structures de songwriting (pas besoin d’ajouter une touche abstraite additionelle; des licks plus steady et tranchants en termes de tone colour auraient certainement été suffisamment puissants) mais j’peux pas dire que c’est un problème qui a pris excessivement de place dans leur bulle, dans laquelle j’ai été assez rapidement absorbée. Leur énergie était palpable; on aurait dit qu’ils se claquaient une perfo dans un contexte digne d’un gros festival Européen, rien de moins. J’ai su par Lex que cette prestation avait été filmée, et honnêtement, je dirais certainement pas non à revoir le tout. Leur son est le genre d’ordeal qui prend plusieurs écoutes pour être digéré; je l’admets totalement. C’est original et je dirais même que ça emprunte des chemins un peu inexplorés en termes de genre-meshing – tout compte fait, ça rentre en sal, et c’est quand même très facile à adopter dans le contexte d’un show aussi bien performé.
ISSFENN ont vraiment pas tardé à préparer leur set, et j’ai pu observer que le frontman – avec son maquillage me faisant penser à The Crow et sa fière allure théâtrale qui est vraiment représentative du message de sa musique – est un genre de scientifique en termes d’expérimentations soniques. Son arsenal d’FX pour ce show était renversant, et en l’écoutant tergiverser avec le soundman à l’étage et le regardant coucher des riffs sur son instrument, j’ai pu déceler exactement quel genre de tonalité il recherche, et c’est un spectacle très intéressant à observer quand un intérêt pour la production te chatouille déjà la curiosité. Ce gars-là sait exactement comment il veut sonner, et ça marque déjà pas mal de points dans ma tête; avoir un skill en termes de musicianship autant qu’en termes de connaissance approfondie de l’enrobage d’un son tranchant et mémorable, c’est sans aucun doute une base de fou quand t’as un pied ferme dans la business. Et attention – j’vous ai toujours pas dévoilé le gros punch de l’équation. ISSFENN, c’est deux gars. Le frontman que j’viens de vous décrire, et son drummer (qui est généreusement éclectique dans son approche, utilisant autant des contre-temps – évidemment teintés de son background progressif dont nous avons éventuellement jasé à la clôture de la soirée – que du hyperblast, et du mid-paced gallop très tight et bien dosé) assuraient par eux-mêmes. Le chanteur était guitariste et bassiste à la fois, se servant d’une bonne dose de créativité en termes d’agencement de gear et d’FX pedals. J’vous le dis tout de suite, leur son sonnait pas comme deux dudes, mais bien comme un groupe dans lequel y’a sept musiciens. Leur type de black est envahi de hooks – c’est vraiment à perte de vue et ceci est largement dû aux influences thrash que j’ai pu entendre dès le début du set au coeur des riffs. Leur influence IMMORTAL était évidente, sans que j’me ramasse à entendre du rip-off ou certaines de leurs tounes qui sonnent exactement comme quelque chose que j’ai clairement déjà entendu ailleurs (et ceci, les amis, est LA façon de correctement rendre hommage aux musiciens qu’on admire; en élaborant sur une base qu’ils ont créée, sans faire du copy/paste de sections provenant des quatre coins de leur discographie). Leurs mélodies étaient également très sur la coche, et je trouvais particulièrement que leur façon très savante de switcher la cadence du tempo aux bons moments était particulièrement appréciable, me garrochant dans un headbanging instinctif. Chapeau, je voudrais revoir un set comme celui-là très prochainement, et je manquerai pas de jeter un oeil au side-project progressif du drummer, baptisé MOLT.
EMPYREAN PLAGUE ont un son très luxuriant et coloré, en étant tout de même black à la base. Dans le cas d’un espèce de blackened folk penchant sur le death-black Suédois, ces qualificatifs font tout le sens du monde placés dans une même description. J’ai tout de suite eu l’oeil braqué sur le bassiste, même en plein millieu du soundcheck. C’est assez évident que ce gars-là est appliqué dans son horaire de pratique hors-scène, car sa prestation coulait comme de l’eau – il avait déjà l’air d’être en show même avant que le set commence. Ce type d’énergie, chez un musicien, en dit très long. Le frontman avait un growl puissant qui évoque un paysage fortement Européen qui s’étend à perte de vue – son clean était également saisissant et un peu poétique, se marriant très bien avec le son des guitares qui évoquait des mélodies réconfortantes et violentes à la fois; un feeling bien particulier définit chacune des pièces présentées. La mémorabilité de chacune des notes jouées est tout simplement irréfutable. Le drumming accompagnait très bien les riffs, et ajoutait de la puissance à son approche aux moments les plus opportuns, optant plutôt pour une subtilité mathématiquement dosée lorsque les passages les plus contemplatifs de chacune des tounes s’installaient, sans jamais s’éterniser à outrance. Il n’y a pas d’autres mots pour décrire ce set – j’avais l’impression de regarder un peintre se laissant planer dans sa bulle créative en réfléchissant bien avant d’ajouter une série de tons particuliers à ses couleurs de base pour dépeindre un vaste concept tri-dimensionel qui accroche autant l’oeil que les autres sens. Ceci témoigne d’un côté très relax sur le stage – être capable d’avoir ce genre d’effet un peu hypnotisant sur un public sans perdre de la puissance en termes de capacité de rêvasser en jouant, nous influençant à faire de même en regardant le show, ça confirme très bien que les gars n’étaient pas stressés et ont confiance en leur art.
Je me dois de terminer en disant que ceux qui ne sont pas venus à ce show sous prétexte qu’aucun groupe local étaient sur le bill se sont fermés l’esprit en ne sachant pas du tout ce qu’ils ont refusé d’observer de plus près. Une soirée black de cette qualité est un phénomène que j’ai rarement vu en région, surtout provenant du fin fond de l’underground. Lex et les Productions Kranium, c’est une organisation totalement singulière qui est fondée sur une philosophie d’unification de la scène métal au niveau mondial, et je dois dire que toutes les compagnies de booking devraient avoir une mentalité semblable – le résultat est notable, et devrait fortement être encouragé et apprécié à sa juste valeur.
-Noch