Molt de Molt
-ou-
la mue d’une revue vers une « mail-terview » en bonne et dûe forme

Qu’arrive-t’il lorsque deux musiciens se tannent d’avoir toujours à composer avec les déménagements de ses co-musiciens et membres de groupe, ou encore avec leurs états d’âme et aspirations divergentes? Ils relèvent leur manches, apprennent à jouer d’un autre instrument (la batterie par exemple) et apprennent à jouer en duo sur des séquences. En fait il arrive de très belles choses si on veut bien en croire ses oreilles en écoutant le tout premier LP du groupe Molt.

 

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Quand Lex m’a lancé le lien vers leur bandcamp, en me demandant si je serais intéressé à faire une revue de leur LP, je me suis mis à écouter le deuxième titre,  All Ants Are Little Ants. Really, le titre m’attirait. De suite, la musique m’a plu; rythmes saccadés, vitesse endiablé, voix growlée ou clean éthéré, riffs recherchés…ça tombait bien dans mes cordes. Je retourne sur la face de bouc pour lire le dernier message de Lex qui me dit que le duo se fait souvent appeler les Gentle Giant du death.

!wtf? Gentle Giant? Kocé tu m’chante là, Lex? m’écriai-je. « Pattonesque » à la rigueur mais ça rien à voir avec GG, je lui rétorque.

Attends d’entendre les voix polyphoniques, tu va comprendre ce que je dis, rétorque-t’il.

Étant mon moi-même habituel, je m’obstine, persiste et signe,

Voyons ça rien à….

À ce moment arrive la 3e seconde de la 6e minute de toujours le deuxième titre précédemment nommé et mon appréciation modéré mais positive de l’oeuvre s’est vu augmenter d’un exponentiel ou deux. Déjà, j’aimais bien le vocal à Julian mais Kyla alors là! Non seulement elle joue très bien de la guitare, mais en plus elle a une superbe voix. L’effet des deux, ensemble, est tout simplement  délectable. D’ailleurs, si vous ne l’avez pas encore fait, je vous conseille fortement de cliquer droit sur le lien du bandcamp qui s’ouvrira dans une nouvelle fenêtre et d’aller presser play afin de comprendre de quoi il en retourne avant de revenir lire le présent article.

Ce premier LP est complètement concept; Molt se traduit par mue et les cinq pièces de cet album (totalisant quand même un respectable 51m08) ont toutes comme thématique les insectes (arthropodes est-il précisé en fait sur leur BandCamp), leur monde ou la perspective que ces derniers pourraient avoir. Les chansons nous font passer par différentes émotions et états d’âme, transitant  aisément entre des riffs death à des riffs progressifs ou carrément expérimentaux. Notes de Gentle Giant, oui, surtout du coté des voix polyphoniques mais aussi des bridges et riffs disjonctés qui ne sont pas sans me rappeler Giraffe?Giraffe! ou Hella. Nos deux protagoniste partagent aussi sûrement des atomes crochus avec les Patton et Zappa de ce monde. Je trouve leur art d’une fine intelligence et d’une musicalité certaine. Chapeau Kyla et Julian.

Le titre allongé de cet article vous laissait croire que je digresserais de la forme pour y inclure une entrevue. J’ai en effet voulu en savoir un peu plus sur eux et j’ai contacté Kyla qui ne s’est pas fait prier pour répondre à mes quelques questions. Je lui ai posé les questions suivantes sur la face de bouc:

Faites-vous des concerts et si oui, utilisez vous des séquences ou faites vous appel à des session musicians pour la basse et pour les vocaux additionnels?
Depuis combien de temps êtes vous un band? Aviez-vous d’autres bands avant (lesquel(s))?
Comment en êtes vous arrivés à jouer ce mélange assez particulier de musique? Pourrais-tu nous nommer quelques bands que vous considérez comme une source d’inspiration?
Combien de temps le développement du LP vous a pris?
Pourrais-tu nous décrire un peu votre procédé de composition? Qui vient avec les idées? Est-ce 50/50  ou est-ce qu’un des deux est plus créatif alors que l’autre est plus sur la finition, par exemple?
Comment en êtes vous arrivés à ce concept? Était-ce supposé être un album concept au départ?
Et finalement, avez-vous peur des araignées (lol)?

Kyla a répondu en un temps record sur mon courriel avec ceci :

 

Merci beaucoup, ce fut plaisant de penser à toutes ces choses tout en répondant à tes questions.

Oui! Molt joue en live. On utilise des séquences de la batterie et des vocaux additionnels. Comme nous n’avons pas à transporter la batterie à nos gigs, et que nous n’avons pas à jouer plus fort qu’elle, nous utilisons des DI pour la guitare et la basse. Comme ça, on peut se rendre à nos différents concerts en utilisant le transport en commun; avoir une empreinte environnementale la plus petite possible est très important pour nous.

Nous avons commencé le projet en 2005, alors que nous étions encore à St.John, Terre-Neuve, mais avons passé 3 ans à chercher un batteur. Ensuite, on a pris un hiatus pendant quelques années, le temps que Julian prennent des leçons de batterie. Nous pourrions dire que Molt fut vraiment créé depuis 2010.

Nous avons tout deux été dans plusieurs bands et nous sommes présentement dans divers projets. Julian (alias Vitrid) joue de la batterie pour  Issfen, un groupe de Black Montréalais. Je suis aussi une auteure connue sous le nom de Kyla Tilley et je joue dans un duo folk, Tea & Bread.

Avant Molt, je jouais dans Endearing Pervesion que je ne saurais décrire autrement que  par « Newfie Doom« . Julian quant à lui jouait de la basse dans un groupe de metal technique, Dreaming in Numbers et de la guitare dans un groupe black, Squall.

Comme il arrive souvent à Terre-Neuve, les groupes se séparent parce que les gens déménagent. On s’est aperçu qu’on était dans le même bateau alors on a décidé de se faire un groupe ensemble. Puisque notre seul but était d’avoir un groupe professionnel, nous n’avions pas d’idées pré-conçues sur ce que sa musique serait, ce qui a ouvert la porte à toutes nos influences. Nous n’avions pas non plus d’autres membres pour nous dire d’être raisonnable.

À nous deux, nous écoutons une quantité assez phénoménale de musique, alors tous les ingrédients était dans la marmite pour créer Molt. La musique classique et l’opéra du 20e siècle sont cependant des influences majeures; l’album commence avec les accords de Tristan (de Wagner, Tristan & Iseult). Nous aimons tout deux le prog des années 70, et je dirais que King Crimson et Gentle Giant sont de grosses influences sur notre musique, tout comme Rush l’est. Nous écoutons plusieurs sortes de Metal.  Nous écoutions beaucoup de Opeth, Enslaved et Fate’s Warning au moment de former le groupe, tout comme du Borknagar, Arcturus ou Atheist. Nous aimons le vieux Death Suédois, le Black Norvégien, le Power , le Stoner et tous les mélanges ou fusions de ceux-ci. Orphaned Land est une grande influence pour les style vocaux et le fait de performer avec les séquences.

L’enregistrement de l’album a été quelque peu délicat. La batterie était faite 2 ans avant toutes autres choses, vu que nous en avions besoin pour les concert. On a enregistré les batteries dans notre local de jam en utilisant un logiciel « open source« , Ardour. Nous avons ensuite enregistré le reste des parties au moins deux fois, mais on n’arrivait pas au but recherché. Notre but était d’avoir un  album qui sonne humain, mais que chaque note sonne clairement. Alors il y avait un essai qui était humain et  imprécis, et le second qui était concis et clair et avec un manque total d’émotions. Nous avons aussi passé un certains temps à déterminer le meilleurs ton pour l’enregistrement. Puisqu’il y a tant de polyphonie dans la partie guitare (je joue tout au doigt), nous y sommes allés pour un ton très clean et avons ajouté la distortion sur la basse à la place. Après plusieurs enregistrements de pratique, l’enregistrement final qu’on entend sur l’album a été fait dans notre salon, en utilisant les DIs et Ardour , en décembre 2012. Notre procédé est maintenant très méthodique. Nous avons découvert que la façon qui marche pour nous est, du début à la fin; jouant la première chanson, section par section, les reprenant chacune jusqu’à ce qu’on soit content du résultat. Julian a mixé l’album puis nous l’avons envoyé se faire masterer professionnellement. Tout le reste, nous l’avons fait nous-même. Toutes les pièces étaient écrites avant qu’on se lance dans l’enregistrement.

Notre procédé de création est 50/50. Nous nous étions mis d’accord dès le départ que nous ne ferions que des albums concept (nous en avons d’ailleurs deux autres en création et bien des idées pour le futur). Le thème des insectes est venu grâce à la chanson The Roach’s Lament. C’est en fait une de mes compositions de mon duo Folk, mais j’en voulais une version metal.  On a jammé la toune un bout, puis Julian l’a ré-arrangée. Une fois que nous avions ce thème (les insectes), toutes les pièces se sont emboitées. Les mois d’après, en écrivant, on est venu avec l’idée de progresser dans une hiérarchie des besoins vu de la perspective d’un insecte. J’avais un sac plein de riffs avec des signatures de temps irrégulier que mes groupes précédents n’avaient pu jouer et Julian avait des progressions et d’autres idées musicales qu’il n’avait pas su utiliser avant. On a donc fouillé nos sacs à malice et on s’est aperçu qu’on avait la base d’au moins quatre chansons. Tout est parti de là.

Notre façon d’écrire est surtout un mélange entre improviser sur des riffs pour voir où ils nous mènent et s’asseoir avec papier et crayon pour jeter nos idées. Parfois, un de nous deux reprend toutes ses notes et les ordonne en une chanson, que l’autre pourra ou non faire des arrangement dessus. Pareil pour les paroles.

La musique que nous écrivons maintenant, nous la faisons avec l’idée d’un album complet. Ainsi, il y a une plus grande cohésion entre chacune, mais encore, nous sommes tout deux venus avec des idées de riffs et de progression et les travaillons ensemble. On s’asseoit ensuite et on brainstorm sur ça, venant très vite avec d’autres idées. Ensuite nous faisons de la recherche, ce pourquoi vous pouvez remarquer une liste d’écrit en suggestion dans les notes sur chaque chanson.

Pour la dernière question, je suis totalement terrifiées par les araignées!!! Je peux même pas googler Molt à cause de toutes les images terrifiante qui risque de popper. Julian, par contre, n’a pas ce problème.

Cheers Kyla

(Ndlr : j’ai traduit du mieux de mes connaissances et en éditant le moins possible le texte original de Kyla, toutes fautes étant alors de ma responsabilité)

J’espère que vous aurez eu autant de fun à lire cette article que j’ai eu à l’écrire, n’oubliez pas d’aller voir leur bandcamp et leur page facebook

Merci, à la prochaine,
PatG