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Metal Female Voices Fest XII: pèlerinage à la grand-messe du metal féminin

Pour les amateurs de voix féminines, le Metal Female Voices Fest est un événement bien connu et établi. C’est pourquoi on peut en parler comme étant une «grand-messe» pour les fans de ce créneau bien spécifique. Au point que l’on peut dire que si les fans d’Elvis doivent faire le pèlerinage à Graceland une fois dans leur vie, les amoureux de metal et de dames qui chantent doivent en faire de même, le lieu de rendez-vous étant Wieze, en Belgique, à un peu plus de 25 kilomètres de Bruxelles.

En bon fan j’ai accompli mon devoir, et ce pour la deuxième fois plutôt qu’une alors qu’après m’être administré un bon coup de pied au derrière pour faire le voyage l’an dernier, le plaisir que j’en avais retiré m’a incité à y retourner encore cette année. De plus, l’Europe a beaucoup à offrir aux touristes, donc aussi bien de joindre l’utile à l’agréable. Ainsi le Metal Female Voices Fest, douzième édition, se tenait les 17, 18 et 19 octobre derniers, avec encore une fois une belle programmation à offrir.

 

Un vendredi en demi-teinte

L’ouverture du festival se fait toujours le vendredi soir, avec quelques concerts pour réchauffer un peu le public. Première constatation: la foule me semble plus clairsemée que l’an dernier, bien que certains fans préfèrent arriver pour les deux grosses journées.

L’ambiance était donc plutôt froide lorsque Diary of Destruction a attaqué la scène. Pourtant, le groupe français a offert une bonne performance, très énergique, avec au-devant la chanteuse Audrey Ébrotié qui en a donné pour leur argent aux amateurs de chant guttural. Ensuite est venue la très particulière Ayin Aleph: voici une artiste qui ne peut faire l’unanimité, avec un jeu scénique et une théâtralité qui défient les conventions. C’est avec l’esprit ouvert qu’il fallait aborder cette prestation, surtout avec la diffusion en boucle d’images de ses vidéoclips, qui sont d’un mauvais goût notoire. Toutefois, pour en rester à la musique, ce n’était pas inintéressant et l’Américaine d’origine russe a vocalement bien performé. J’ajoute que je respecte les artistes qui sortent des sentiers battus, ce que Ayin Aleph sait faire à sa façon. Pas certain toutefois que la foule a pleinement apprécié, ce qui est un peu normal face à l’audace de l’artiste.

À l’instar de l’an dernier, c’était un collectif de chanteuses qui venait clore la marche, regroupé sous le nom de Metal Female Voices United. Ainsi, sept dames nous ont présenté des reprises de plusieurs chansons connues. Encore une fois, on a senti le public hésitant malgré la bonne qualité des musiciens et des chanteuses. De ce côté, Ailyn Gimenez (de Sirenia) m’a agréablement surpris en faisant très bonne figure sur «Fleurs du mal» de Sarah Brightman, tandis que Kassandra Novell a épaté avec une fort jolie reprise de «I Walk Alone» de Tarja Turunen. Lorsqu’il s’agit de Tarja ou de Nightwish, la foule apprécie et on a enfin senti la salle se réchauffer un brin. C’est toutefois Iliana Tsakiraki (de Enemy of Reality) qui a volé la vedette avec de solides interprétations de «Whispers» d’Evanescence, mais surtout de «Bless the Child» de Nightwish. Cette performance n’était qu’un avant-goût, la Grecque allait de nouveau briller plus tard au cours du week-end…

 

 

Départ canon d’une longue journée

Comme c’est le cas depuis plusieurs années, c’est la journée du samedi qui est la plus substantielle, avec une offre de pas moins de 12 groupes: début à 10h30 le matin, on est en route jusqu’à… minuit, que de musique! Si plusieurs personnes ont plutôt des problèmes à démarrer la machine le matin, ce n’est clairement pas le cas de La-Ventura. Le groupe néerlandais s’était fait déléguer la tâche de réveiller un public plutôt engourdi. Ceux qui étaient bien disposés à les écouter (j’étais du nombre!) ont été ravis, la formation offrant une prestation des plus solides; le jeu des musiciens était bien huilé et la chanteuse Carla Van Huizen affichait une forme splendide.

La balle était ainsi lancée, balle qui a été saisie au bond par les artistes suivants: Season of Ghosts, nouveau groupe de la chanteuse Sophia Sama (ex-Blood Stain Child), en était à ses premières armes sur scène et en profité pour nous présenter son tout premier album, «The Human Paradox«. La performance était convaincante, tout comme la musique du groupe (un mélange intéressant de metal et de musique électro) dont j’aurai la chance de vous entretenir dans une future chronique. Quant à Dark Sarah, le groupe de l’ex-Amberian Dawn Heidi Parviainen, il n’en était qu’à une deuxième prestation devant public, mais on a senti que la machine tournait déjà bien, avec une Heidi en voix qui sera rejointe sur scène pour deux duos («Evil Roots» et «Memories Fall«) par Zuberoa Aznarez de Diabulus in Musica. Décidément, le réveil fut des plus agréables.

 

 

C’était ensuite au tour des amateurs de power metal d’être ravis, le groupe italien Ancient Bards offrant des hymnes entraînants et énergiques. Question de varier le registre, le groupe grec Jaded Star est quant à lui atterri sur scène avec un metal plus «old school», qui se marie bien à la voix de la chanteuse Maxi Nil (ex-Elysion et ex-Visions of Atlantis). La performance était à la hauteur, surtout que l’on savait plus ou moins à quoi s’attendre, le premier album du groupe se faisant encore attendre. Si l’on se fie à ce qui a été joué ce samedi, on tiendra entre nos mains un des bons albums de 2015.

Représenté pour la première fois l’an dernier au festival, le Japon s’amenait de nouveau, cette fois représenté par deux groupes. Mes écoutes pré-festival m’avaient dévoilé une agréable surprise en Head Phones President, tandis que Magistina Saga m’avait laissé plutôt froid. Curieux paradoxe, les rôles ont été plutôt inversés en spectacle, alors que Head Phones President n’a pas réussi à m’accrocher que tandis que Magistina Saga, qui s’est exécuté le dimanche après-midi, est venu davantage me chercher, impression que j’ai d’ailleurs sentie au sein du public.

D’autres bons moments nous attendaient en cette longue journée de samedi, alors que Skeptical Minds parvenait à faire bouger une foule enfin réveillée; si la musique du groupe belge n’est pas forcément ma tasse de thé, je dois admettre que sur scène, Karolina Pacan et sa bande sont d’une belle efficacité. D’ailleurs, la formation en profitait pour lancer sur place l’album en spectacle «Run for your Live«. C’est toutefois Diabulus in Musica qui devait ensuite m’épater le plus, avec un metal symphonique particulièrement bien troussé – qui flirte d’ailleurs dans les plate-bandes d’Epica – où l’on a pu renouer avec Zuberoa Aznarez, dont la jolie voix se balance parfaitement avec le jeu plus rude de ses compères.

 

 

Quant à la soirée, elle amenait son premier lot de grosses pointures. Les fans de doom metal allaient enfin recevoir leur dû par l’entremise de Draconian, qui est incontestablement l’un des meilleurs groupes du genre. Une présence qui suscitait la curiosité était celle de The Sirens, trio vocal formé de pionnières du metal avec chanteuses: Kari Rueslatten (ex-The 3rd and the Mortal), Liv Kristine (Leaves’ Eyes, ex-Theater of Tragedy) et Anneke van Giersbergen (ex-The Gathering). Si le public était bien sûr ravi de renouer avec ces dames, la performance a toutefois un peu fait baisser le niveau d’énergie qui s’était enfin installé. Si le tout était absolument impeccable vocalement – les trois dames sont clairement attachantes – la musique qui accompagnait le tout était plutôt molle, faisant de ce spectacle davantage un tour de chant qu’un concert metal. Bref, pas sûr que le trio était au bon endroit.

C’est de belle façon que s’est terminé ce long marathon, avec Sirenia et Leaves’ Eyes, le premier groupe s’exécutant devant un public conquis d’avance qui attendait son metal mélodique avec impatience. Si je n’ai jamais été un grand fan de la voix de Ailyn Gimenez, je dois toutefois admettre qu’en spectacle le courant a passé. C’est toutefois la formation germano-norvégienne qui a couronné le tout de la plus belle façon, en offrant une solide prestation en guise de spectacle dixième anniversaire. D’ailleurs, le tout a été filmé pour un futur DVD, et le groupe y avait mis le paquet avec un important dispositif de scène, des effets visuels éclatants et une belle rétrospective musicale des meilleurs moments de leur discographie.

 

 

Gros samedi matin, gros dimanche matin

Si la première matinée du festival avait été éclatante, il faut croire que les groupes qui allaient amorcer la dernière journée avaient pris des notes! En effet, nous en avons encore une fois été quittes pour un bon départ. Aria Flame, de Grand Rapids au Michigan, s’est d’abord amené pour présenter son mini-album tout fraîchement paru, «A World of Silence«. Présentant une musique théâtrale fortement teintée de structures progressives, la richesse des compositions s’est bien fait sentir sur scène, les musiciens montrant de belles habiletés instrumentales tandis que la chanteuse Aziza Poggi faisait preuve d’un charisme envoûtant, armée d’une voix des plus solides. Le groupe avait aussi réservé de belles surprises, avec trois chanteuses invitées.

La journée était bien amorcée, et nous avons eu droit ensuite à un solide coup de tonnerre, gracieuseté de Evenoire. Le groupe italien se présentait au festival avec deux excellents albums sous le bras («Vitriol» et «Herons«) et avait pour mission de reproduire sur scène cette magie. Mission accomplie pour les Lombards, qui ont littéralement soulevé le public. La cohésion des instrumentistes était absolument parfaite, tandis que la chanteuse Lisy Stefanoni a su charmer avec une voix juste et puissante et son jeu particulièrement habile à la flûte. Il est quand même dommage que plusieurs fans auxquels j’avais parlé depuis deux jours ne connaissaient pas vraiment le groupe (on se reparle des fans plus loin…), sinon l’accueil aurait été encore plus chaleureux, sans l’ombre d’un doute.

 

 

C’est après la sympathique performance de Magistina Saga que LE grand coup de la fin de semaine est arrivé, alors que le groupe grec Enemy of Reality prenait place sur scène. Des riffs dévastateurs, une section rythmique qui détonne, un guitariste d’une dextérité étourdissante, des claviers virevoltants et une chanteuse à la voix toute puissante, c’est ce que la formation nous offre. Si tout ceci se faisait déjà sentir sur disque, la puissance des pièces de «Rejected Gods» est définitivement décuplée sur scène. Les musiciens affichaient leur forme des beaux jours, livrant de manière impeccable un contenu musical où les passages complexes ne manquent pas. Quant à Iliana Tsakiraki, elle est parfaitement en phase avec ses collègues, venant gratifier la musique de sa voix soprano. Un véritable barrage sonore qui m’a jeté au sol!

Après cette démonstration éclatante de virtuosité, le ton allait ensuite changer drastiquement, alors qu’une partie de l’après-midi allait être consacrée au thrash metal. Formule brutale qui ne me plaît guère, j’admets bien honnêtement être allé faire un petit tour du côté des kiosques alimentaires situés à l’extérieur de l’aréna. Par contre, les choses étant bien pensées à ce festival, les portes demeurent ouvertes nous permettant de garder l’oreille sur ce qui se déroule à l’intérieur. J’ai donc pu constater que dans le genre, Viper Solfa et Holy Moses ont livré la marchandise, les fans du genre auxquels j’ai parlé ont d’ailleurs été ravis de ces deux concerts.

 

 

Bien rassasié après une petite bouffe et une tournée du côté des kiosques souvenirs à l’intérieur, je me suis fait un devoir de retourner devant alors que se présentaient deux des groupes que j’attendais le plus sur l’affiche: Stream of Passion et Xandria. Dans le genre metal symphonique, ces deux formations sont parmi les meilleures et elles l’ont prouvé de belle façon en offrant des concerts à la hauteur de leur réputation. Les bons moments n’ont pas manqué et j’ai pu vivre de nouveau le plaisir d’entendre Marcela Bovio et Dianne van Giersbergen, deux chanteuses aux voix tout à fait charmantes. Après ces deux performances, le chroniqueur était aux anges.

Si le chroniqueur était satisfait, il était toutefois fatigué et c’est donc sur une note un peu distraite que j’ai terminé mon festival. Tout d’abord, la musique d’Arkona présentait pour moi un intérêt plutôt limité. Ensuite, j’admets mon manque de connaissance face à l’abondante discographie de Therion, qui avait la tâche de nous retirer nos dernières parcelles d’énergie avant de nous renvoyer chez nous (où à l’hôtel, dans mon cas…). Par contre, un spectacle de Therion, ça demeure toujours un événement, et la troupe de Thomas Vikström n’a pas chômé sur scène, démontrant pourquoi elle était le gros nom de l’affiche cette année. C’est ainsi que se terminait une autre fin de semaine qui demeurera longtemps dans ma mémoire.

 

 

Les cinq coups de coeur du chroniqueur

1) Enemy of Reality: en revoyant des images du concert du groupe grec, j’ai été de nouveau secoué par la puissance de la musique du groupe, et surtout par l’incroyable talent déployé par les musiciens. De plus, Iliana Tsakiraki est une chanteuse remarquable, elle l’a démontré deux fois plutôt qu’une, se démarquant le vendredi et le dimanche.

2) La-Ventura: j’ai toujours été charmé par le rock énergique du groupe néerlandais. Bien franchement, ils ont été encore meilleurs que ce dont je m’attendais en spectacle, ayant joué avec cohésion et un haut niveau d’énergie. Tel que mentionné plus haut, Carla Van Huizen était parfaitement en voix.

3) Dark Sarah: bien sûr, comment ne pas être charmé par ma chanteuse préférée? Entendre Heidi Parviainen en spectacle, ça tenait pour moi du rêve et ma sirène a été parfaitement à la hauteur. Son groupe s’en est également fort bien tiré, considérant qu’il ne s’agissait que d’un deuxième concert à vie pour eux ensemble.

4) Evenoire: mes attentes étaient extrêmement élevées, considérant la qualité de la musique du groupe et le fait que «Herons» est mon album favori de 2014 jusqu’à maintenant. Parfois quand les attentes sont hautes, on ne peut qu’être déçus, mais heureusement ce ne fut pas le cas, la performance était décidément d’un très haut niveau. Un groupe à découvrir absolument si vous ne connaissez pas.

5) Xandria: après les avoir vu deux fois plus tôt dans l’année (à Montréal et à Québec), je n’attendais pas nécessairement Xandria avec impatience, l’effet de surprise étant plutôt bas. Après quelques chansons, je me suis toutefois souvenu que les Allemands sont franchement forts sur scène et que Dianne van Giersbergen (aucun lien de parenté avec Anneke, soit dit en passant…) est une chanteuse des plus solides.

On se revoit en… 2016

Voici une nouvelle qui est tombée à notre plus grand regret deux semaines avant le festival: le Metal Female Voices Fest prend une pause en 2015. Le Metal Female Voices Fest XIII se tiendra donc en 2016. Se déroulera-t-il au même endroit? La formule changera-t-elle? Plusieurs questions sont en suspens présentement, on ne peut que laisser l’organisation du festival prendre un repos bien mérité car il faut le spécifier, le Metal Female Voices Fest est une entreprise à but non lucratif traînée à bout de bras par des bénévoles. Monter une bonne programmation variée, convaincre des gros noms de se déplacer, s’assurer du bon déroulement du week-end ainsi que gérer tous les imprévus qui peuvent survenir constitue une tâche colossale. On ne peut donc qu’accepter la décision et attendre le retour de l’événement dans deux ans.

Par contre, je me permets de me questionner sur l’influence qu’a eu le public en général sur la décision qui a été prise. En effet, vous avez lu plus haut que la foule était un peu plus clairsemée cette année. J’ai aussi senti moins d’enthousiasme émanant de la salle que l’an dernier. Pourquoi? En premier lieu, l’affiche présentait moins de gros noms que l’an dernier. Pas de Delain, de Lacuna Coil, de Nightwish, de Within Temptation (le groupe n’a jamais joué au festival), d’Epica, etc. Est-ce que cette édition était moins réussie musicalement pour autant? NON. Les groupes présents ont offert de solides performances et à mon avis, la qualité de la cuvée 2014 n’avait rien à envier à celle de l’an dernier ou des années précédentes.

Au fil des conversations nouées au cours de la fin de semaine ainsi qu’en lisant les commentaires sur la page Facebook du festival, j’ai constaté que les gens étaient extrêmement exigeants, ceux-ci ne demandant que des gros noms. Il faut toutefois tenir compte d’une donnée importante: ce genre de festival constitue une plate-forme de lancement pour plusieurs petits groupes qui ont ainsi la chance de se faire connaître. Mais pour cela, il faut que les gens sur place acceptent de donner une chance à ces plus petits groupes, ce que je n’ai pas pleinement senti. De plus, n’avons-nous pas déjà l’occasion de les voir en tournée, ces gros noms? Un peu d’ouverture d’esprit n’a jamais fait mal à personne, les amis.

J’ai aussi constaté que plusieurs personnes arrivaient sur place en ne connaissant que six ou sept groupes (sur 24); n’est-ce pas un devoir de s’assurer de connaître un peu tous les groupes qu’on va entendre? Il faut croire que ce n’est pas une priorité pour tout le monde. Ceci m’amenant à me déclarer plutôt déçu du public sur place, un public parfois indifférent manquant d’énergie, comme si le festival était un acquis auquel on assiste mécaniquement, par habitude. Cette impression générale, je ne suis peut-être pas le seul à l’avoir sentie, et c’est peut-être (je dis bien peut-être) pourquoi les organisateurs ont décidé de tirer sur la «plogue» pour l’année 2015. Bien sûr, les raisons de cette suspension ne sont connues que d’eux seuls et loin de moi l’idée de vouloir parler en leurs noms. Je ne fais que livrer mes impressions…

Finalement, si il y avait moins de pèlerins à cette grande messe, il n’en demeure pas moins que le Metal Female Voices Fest a encore une fois répondu aux attentes et justifié avec brio sa réputation. On ne peut que souhaiter une bonne pause aux organisateurs et on se revoit en 2016!

Stéphan