Napalm-Death-Apex-Predator-Easy-Meat

 

Napalm Death

«Apex Predator – Easy Meat»

Century Media

2015

 

Napalm Death est un groupe très respecté dans le milieu du métal au niveau international, et ce respect est entièrement mérité car il a su teinter la musique d’une agressivité qui, sans aucun doute, était fortement avant-gardiste pour le milieu à la fin des années 80. Malgré qu’aucun des membres fondateurs n’exercent présentement au sein du groupe, la formation actuelle perdure depuis maintenant plusieurs années et la communauté métal lui est redevable puisqu’elle a su changer l’image du death et du grind de manière irréprochable. Avec maintenant une douzaine d’albums à son actif, Napalm Death nous transporte encore plus loin dans le monde de la musique extrême par le biais de son tout dernier opus, «Apex Predator – Easy meat».

En premier lieu, il faut souligner la pochette même de l’album qui est à la fois très simpliste (comparativement à ce que l’on retrouve de plus en plus sur le marché de la scène underground) et aussi très provocatrice. En effet, l’image présentée en tant que couverture est en fait ce qui semble être de la viande humaine (cerveau, viscères) emballée comme de la viande qu’on achèterait à l’épicerie, et l’étiquette, où se trouverait habituellement le prix du paquet, identifie le groupe ainsi que le titre de l’album.

La chanteur, Mark  »Barney » Greenway, a exprimé lors d’entrevues, la signification et le choix des termes employés en guise de présentation de l’œuvre. Il mentionne, entre autres, que le principal prédateur (Apex Predator), celui qui se situe au plus haut de la chaîne alimentaire, est un animal aux instincts encore trop primitifs et égoïstes; l’être humain, plus précisément la classe bourgeoise et richissime. Par opposition, la proie (Easy Meat) est tout autant centrée sur elle-même, cependant elle est dépourvue de moyens et n’arrive pas à ses fins; il parle ici des gens formant la classe misérable et défavorisée au sein d’un société évoluée. Pour les prédateurs, ceux-ci sont des proies faciles tant et aussi longtemps qu’ils sont privés des ressources qui les guideraient vers un destin meilleur.

Passons désormais à l’essentiel du produit final réalisé par les quatre membres britanniques de Napalm Death, c’est-à-dire la musique elle-même. Comme introduit plus tôt, ce groupe ne cesse d’évoluer tout en gardant ses origines agressives et menaçantes. Le mélange de grindcore et de death métal est tout simplement délicieux. Avec «Apex Predator – Easy Meat», on atteint réellement l’apex de la brutalité. Loin d’être familiers avec la production de mélodies progressives, les anglais reviennent en force avec des titres qui ne s’éternisent pas et qui concentrent leurs priorités. La durée moyenne des chansons se trouvant autour des deux minutes et trente secondes, prouve que la racine grind est toujours bien ancrée. Très peu de breakdowns sont utilisés tout au long de l’album; on retrouve davantage des riffs très rapides, au niveau de chaque instrument, accompagnés d’une performance vocale adoptant tout autant de vitesse et de précision.

En haut de liste se retrouve la seule piste qui donne le moindre répit au consommateur et qui porte le même nom que l’album en tant que tel. Il s’agit d’une introduction parlée en une langue étrangère, qui ressemble à une prière, peut-être récitée dans un lieu saint clos, puisqu’on distingue un écho. La transition entre ce morceau et le second est complètement absente, ne laissant aucun temps à notre cerveau pour se préparer. Vient donc «Smash A Single Digit», titre extrêmement violent et absolument démentiel. C’est l’exemple parfait de la description du genre qu’est le grindcore; beaucoup de notes en très peu de temps, des accords puissants donnant la chair de poule et un vocal d’une qualité comme il s’en fait peu.

Nulle pause n’est accordée jusqu’au début de la septième piste, «Dear Slum Landlord», qui fait revivre l’ambiance présentée dans l’introduction, seulement avec l’accompagnement de tous les instruments. Dès «Bloodless Coup», Napalm Death redirige l’écoute encore une fois vers le chaos. «Beyond The Pale», «Stunt Your Growth» et «Hierarchies» ne font pas exception à la règle. Il y a maintenant celle-ci, «One-Eyed», où l’énergie émise par le groupe atteint son sommet; il semble qu’ils voulaient voir jusqu’où il était possible de pousser la démence à travers la musique.

Alors qu’on pense que le tout va se sceller dans le calme et le bien-être avec «Clouds of Cancer», bercé par le piano et les mélodies tintamarresques, on se laisse une dernière fois surprendre par l’enchaînement avec «Victims of Ignorance» qui vient partager la dernière piste. Sur une note brève et endurcie se termine l’écoute du treizième ouvrage de Napalm Death.

En guise de conclusion, il est important de garder en tête que la formation britannique a toujours été une référence et un guide pour plusieurs groupes de ce genre. Cette fois-ci, avec «Apex Predator – Easy Meat», le quatuor a carrément repoussé les limites et établi de nouvelles normes. Majestueux et fort goûteux du lever jusqu’au coucher, il ne serait pas surprenant qu’il se retrouve dans votre liste de favoris ou encore des plus écoutés: c’est addictif. Le début de l’année 2015 est prometteur pour le reste à venir.

Charles-Olivier Giguère